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STEINKJERFESTIVALEN 2014 – PART 2 (26/27/28.06.2014)

Après une nouvelle « nuit » passée à essayer de dormir, suivie d’une nouvelle matinée passée à essayer de se réveiller, il était temps d’aborder le grand final de cette neuvième édition du Steinkjerfestival. Sur le papier, la conclusion de ce samedi paraissait bien plus attrayant que le programme des premières heures, mais, et c’est la magie de ce type d’évènement, il s’avéra que la qualité resta aussi homogène que haute de 15h à 01h du matin. Que demande le peuple?

Samedi midi au camping du Steinkjerfestival: même plus besoin de sortir de la tente!

Samedi midi au camping du Steinkjerfestival: même plus besoin de sortir de la tente!

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Le samedi est un jour un peu spécial au Steinkjerfestival, en ceci que les organisateurs transforment le site en gigantesque aire de jeux pour têtes (forcément) blondes en début d’après-midi, avant de rebasculer en mode musique pour le reste de la journée. Entre les ateliers de maquillage, les stands de jeux, les spectacles de rue, l’école de cirque et les tours de poney, il y en avait vraiment pour tous les goûts. Pour ma part, j’ai simplement regretté que le tremplin musical dont j’avais été témoin au cours de ma dernière visite ait été annulé, même si un grand nom de la scène norvégienne avait été invité en guise de remplacement.

En effet, MARTIN HAGFORS faisait office de clou du spectacle pour cette première partie de journée, et monta sur la NTE Scenen à 16h pour le plus grand plaisir des 3 – 10 ans. Si vous ne connaissez pas le personnage, sachez qu’il s’agit d’un chanteur américano-norvégien que l’on pourrait qualifier d’engagé (Company Oil, Blood For Oil, Freedom For The Hounds), et dont le dernier album (I Like You) était vraiment excellent – et je ne dis pas ça parce qu’il a été produit par Lars Horntveth et que Susanne Sundfør (1ère) a fait les chœurs sur deux morceaux – . Avec sa voix plaintive, son éternelle casquette militaire et ses participations à des rallyes politiques, Hagfors s’inscrit dans la droite lignée des chanteurs de folk américains, de Woody Guthrie à Peter Seeger. Mais ça, c’était avant.

Car Martin Hagfors a plus d’une corde à son arc, et n’était certes pas venu, comme vous vous en doutez bien, titiller le sens civique des bambins de Steinkjer. Ayant multiplié collaborations et projets musicaux au fil des années, le Hagfors version 2014 (spécialisé dans la chanson enfantine) était venu présenter son spectacle à succès MEG OG KAMMERATEN MIN (traduction: moi et mon copain) en compagnie de son complice Håkon Gebhardt – ex Motorpsycho – . Il n’y a qu’en Norvège que ce grand écart artistique est possible*, la chanson pour enfants étant perçue comme un sous-genre dans de nombreux pays (la France y compris), et ses interprètes passant toute leur carrière à creuser ce sillon.

*: La littérature est également concernée: le grand Jo Nesbø lui-même a ainsi débuté une série pour enfants, dont le premier tome porte le nom évocateur de « Doktor Proktors prompepulver », soit « La Poudre à prout du professeur Séraphin » en VF. Ca te fait rire couille de loup? L’équivalent français de cette digression juvénile pourrait être Serge Brussolo, avec ses séries Peggy Sue et Sigrid, encore que ces dernières s’adressent plus à un public adolescent qu’enfantin.

Martin Hagfors

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Quoi qu’il en soit, il fallait parler couramment le norvégien et avoir au choix moins de 99 mois ou plus de 99 ans pour apprécier pleinement la mini comédie musicale donnée par Hagfors et Gebhardt, apparemment articulée autour du personnage du « Roi des rats » (figurines en mousse à l’appui), d’après le peu que j’en ai compris. Ne répondant à aucun de ces deux critères, j’ai rendu ma carte d’adhérent après une petite demi-heure, découvrant sur le chemin du retour à la tente une effroyable nouvelle placardée sur les portes de l’Eglise: INGRID, souffrante, annule son concert solo dans le dit lieu consacré. Helvete!

Consolation importante, le concert de Highasakite (le groupe dont Ingrid est la chanteuse) était lui maintenu. Attendant beaucoup de l’une et l’autre prestation, je fus très déçu de ce coup du sort, même si avec le recul (et la découverte du premier et unique album de Mlle I.) je me demande bien ce à quoi le récital de la grande prêtresse lucanophile – ce terme existe – aurait donné. Non pas que Babylove soit mauvais, bien au contraire, mais ce n’est pas le genre d’album qui passe très bien en live à mon avis (à moi de faire une fixation sur l’huile de moteur et/ou la bière istanbuliote). À toute chose malheur est bon cependant, puisque ce désistement me permit de découvrir un groupe que j’avais déjà zappé lors de l’édition 2012 (et croyez bien que je le regrette maintenant, car il est beaucoup plus sympa que D.D.E.).

Mais remontons d’abord un peu le temps, pour revenir au premier concert de la journée. La suppression du tremplin musical du samedi matin n’ayant pas été si sèche que ça, le créneau de 15h avait été réservé aux vainqueurs d’une sorte de concours local, qui se trouvèrent être les SUGARFOOT. C’est ainsi que, en plein milieu du centre aéré géant qu’était devenu le Steinkjerfestival à ce moment précis de la journée, et avant que Meg Og Kammeraten Min n’investisse les lieux, la NTE Scenen accueillit un authentique groupe d’ americana-country (j’en veux pour preuves le fait que 1) l’un des musiciens jouait de la steelpedal et 2) ce même musicien aurait pu remporter le concours de sosies de David Crosby – période CSNY – même s’il s’était (presque) coupé les cheveux). Malgré une audience famélique – bizarrement, les enfants n’aiment pas ce genre musical -, la performance du sextuor fut tout à fait honorable, avec quelques envolées instrumentales savoureuses.

Et non, cette photo n'a pas été prise pendant les balances...

Et non, cette photo n’a pas été prise pendant les balances…

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Il y a des musiciens qui semblent prendre un malin plaisir à braver crânement les règles les plus élémentaires du marketing et de la communication promotionnelle. Même s’ils prouvent ce faisant leur détachement (admirable) par rapport aux trivialités que sont la course à la médiatisation et à la reconnaissance du grand public, réservant leur art à la poignée de happy few ayant eu le bonheur de les découvrir aux hasards des courants et des rencontres, je ne peux m’empêcher de penser que cette attitude est plus dommageable qu’autre chose, et que les ayatollahs de l’obscurantisme seraient toujours mieux inspirés de ravaler leur pureté nihiliste pour, ne serait-ce qu’une fois dans leur parcours, se plier aux règles du jeu de l’industrie musicale.

Par exemple, en se dotant d’un nom de scène un minimum « Google-friendly », ce qui constitue un atout considérable dans notre monde méga-connecté et hautement concurrentiel. Je m’étais fait cette réflexion il y a quelques temps déjà – après avoir passé quarante-cinq minutes à chercher, sans grand succès, le site de Indians à la suite de son concert au Café de la Danse en première partie de Perfume Genius – et ma position sur le sujet n’a pas bougé d’un iota depuis. Le fait que je vienne de perdre une demi-heure à localiser la page Facebook* de THE SOUTH n’est sans doute pas étranger à ce conservatisme militant. Mais laissez moi vous dire que ça en valait la peine.

Pourquoi? Parce que les gars de The South font du rock comme plus personne (ou presque) en fait de nos jours, en tout cas pas en Europe et pas à un tel niveau de maestria. Le côté sudiste du groupe s’exprime en effet par son amour immodéré pour le jeu à deux ou trois guitares électriques, les improvisations géniales et prolongées, et les prestations live faisant primer la qualité sur la quantité des morceaux joués (quatre en tout et pour tout en cinquante minutes).

Vous l’aurez compris, le Sud dont on parle ici est celui des Etats-Unis, de la fin des années 60 au milieu des années 70, à l’époque où le Grateful Dead chassait l’alligator en chantant des hymnes solaires, où Lynyrd Skynyrd prenait la défense de l’Alabama et ouvrait la cage aux oiseaux, et où la bande des frangins Allman faisait les trois huit au Fillmore East. Pour autant, il serait aussi mal avisé que réducteur de cantonner The South à cette ascendance illustre, nos compères étant tout à fait capables de s’illustrer dans d’autres styles, comme ils le prouvèrent avec l’introductif No Escape/Don’t Let Go, crossover réussi entre Echoes de Pink Floyd et Daylight Again de Crosby, Stills and Nash. Mais oui.

Mené par le virtuose barbu Alexander Pettersen et par la charmante Ida Jenshus, qui, en bonne copine, fit office de choriste/tambouriniste de luxe le temps d’un concert (et plus important, m’a permis de retrouver la trace du groupe sur le net par simple effet d’association, merci Ida), le sextuor imposa son approche vintage avec brio et passion et fut récompensé de son investissement par une foule nombreuse et enthousiaste. Je recommande vivement l’écoute de leur dernier album, …The Further Out You Get, qui ne vaut évidemment pas une performance live mais vous donnera sans doute l’envie pressante de découvrir The South sur scène. Si l’occasion se présente, ne la laissez pas passer.

*: Et comme si ça n’était pas assez dur comme ça, le groupe a eu la magnifique idée de publier un deuxième album éponyme. La Norvège n’est pas les pays des trolls pour rien.

The South 2

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Les trois heures qui suivirent se révélèrent moins passionnantes. Sur Rismelen et sous un beau soleil, MARIA MENA remplit de bonne grâce le quota de pop gentillette de cette édition 2014 (deux ans plus tôt, c’était Gabrielle). Même avec la meilleure volonté du monde, difficile de se satisfaire de ce genre de soupe quand on a fait 1700 bornes pour venir. Avec le recul, je pense que ça aurait beaucoup mieux donné en acoustique sur la scène de Klubben, mais les têtes d’affiche ont un rang à tenir, après tout.

Plus tard, le combo américano-danois REVEREND SHINE SNAKE OIL CO., sans doute abandonné dans la baie de Steinkjer par le Gulf Stream, essaya sans grand succès de convertir les habitants du cru à leur mélange de jazz/gospel/funk expérimental, sans doute un peu trop pour un dimanche après-midi et un festival familial. Claudius – Angeryman – Pratt eut beau mouiller la chemise avec application (sur les vingt minutes auxquelles j’ai assisté, le bougre a bien du perdre 8 litres de sueur), occuper la scène avec l’énergie de James Brown et beugler dans son mégaphone avec la hargne de Tom Waits, la sauce ne prit pas vraiment, et nous nous retrouvâmes donc nombreux à faire la queue pour assister au concert de MONICA HELDAL, brindille folk qui eut bien du mal à se faire entendre au dessus du brouhaha causé par les allers et venues ininterrompues entre l’intérieur de Klubben et les autres points chauds du Steinkjerfestival (la buvette, les stands nourriture, la consigne, le vendeur de goodies, les toilettes et la prestation du Reverend Shine, par ordre de popularité décroissant).

En raison de cette affluence record, je garde un souvenir assez flou de la performance de Miss Heldal et de ses musiciens, dont un guitariste lead assez impressionnant. J’en ai toutefois assez vu et entendu pour savoir que cela m’aurait sans doute beaucoup plus dans des conditions plus favorables. Les mystères du cerveau humain… J’eus également le privilège de voir passer l’organisateur de l’évènement, Svein Bjørge en personne, toujours impressionnant dans ses cuirs noirs. C’est par où le Mur, ser?

Hé, vous êtes passés où les gars?

Hé, vous êtes passés où les gars?

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À 21h15, retour à la NTE-Scenen pour réserver une place de choix pour LE concert de la journée, voire du festival en ce qui me concernait, celui de HIGHASAKITE. Malgré mon arrivée précoce (le coup d’envoi étant prévu pour 22h), je m’étais attendu à côtoyer plus de monde pendant ma veille au pied de l’estrade, mais la venue de la quintette magique à Steinkjer n’était  visiblement pas aussi attendue par les locaux que je l’avais supposée, puisqu’il fallut attendre le dernier quart d’heure pour qu’enfin l’auvent se bonde (p*tain c’est beau, on dirait du Bashung). Etonnant, au vu de la qualité soutenue (et croissante qui plus est) de la production du groupe, de son passage remarqué au Spellemannprisen 2013, et des racines Trondheimoises (mais oui ça passe) du combo.

Dès les premières note, je compris que l’on allait évoluer à un tout autre niveau que celui du mini showcase parisien d’Octobre 2013, réalisation attendue et espérée de ma part, mais dont l’immédiate confirmation ne fit qu’empirer mon écœurante satisfaction d’avoir une nouvelle fois cédé à l’appel des sirènes du Nord-Trøndelag. Et dire que j’avais bien failli ne pas faire le déplacement cette année pour une bête histoire de partiels. Sainte Ingrid, pardonne ce manque de foi passager, on ne m’y reprendra plus.

Nimbée de lumière trouble et d’un informe kimono-sweater, Håvik livra une prestation aussi intense que réservée, s’autorisant un sourire fugace entre chaque morceau en réponse des rugissements approbateurs de la foule. Prophétesse du steel-drum et de l’autoharpe au charisme magnétique, ses grands yeux bruns rêveurs perdus dans la contemplation d’horizons plus proches de la côte est américaine que de la table de mixage, Ingrid démontra pleinement qu’elle était l’âme et le cœur de Highasakite, et sans doute beaucoup plus que ça. On en reparlera dans 10 ans.

Highasakite 2

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À ses côtés, répartis par paires de part et d’autre de leur égérie, ses comparses se contentèrent de livrer une partition parfaite, leur professionnalisme discret mettant magnifiquement en valeur la richesse des arrangements de Silent Treatment, dont l’essentiel (Lover…, Leaving No Traces, Hiroshima, I, The Hand Grenade, Darth Vader, The Man on the Ferry, sans oublier les incontournables Since Last Wednesday et Iran) fut présenté en cette donc merveilleuse soirée du 28 Juin, ainsi que l’impressionnante présence scénique de leur meneuse.

Seul Kristoffer Lo, excentré sur l’aile droite de la scène, se permit quelques excentricités de bon aloi, comme souffler dans son flugabone comme s’il s’agissait de la trompette du jugement dernier, pour le plus grand plaisir des photographes présents en nombre dans la fosse des videurs. Cerise sur le gâteau, le groupe répara une bonne partie des dégâts émotionnels causés par l’annulation du concert d’Ingrid plus tôt dans la journée en interprétant une version superlative du meilleur morceau de Babylove, Marianna*.

Mission remplie donc avec brio pour les Highasakite, qui repartirent de Steinkjer sous les ovations méritées d’un public enthousiaste et conquis. Il ne reste plus qu’à espérer que le vent les pousse une nouvelle fois jusqu’à la France pour un petit concert, si possible dans de meilleures conditions que le premier en date. Un vœu pieux? Nous verrons bien…

*: Etrange comme les artistes norvégiennes sont capables de sublimer les sujets les plus glauques. Marianna raconte en effet pratiquement la même histoire que O Master (Susanne Sundfør, 2ème), celle du meurtre sordide d’une femme, possiblement par un amant/souteneur jaloux. 

Highasakite 1

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La nuit commençait à tomber doucement à mon retour devant Rismelen, pour le concert de la dernière tête d’affiche du festival. Et à propos de tête, celle de TIMBUKTU (car c’était lui), s’étalait de profil par 5 mètres sur 10 en fond de scène, comme le logo d’une bouteille de shampoing Schwartzkopf passé au microscope. Grosse poilade à l’arrivée, le bonhomme en question devant culminer à 1 mètre 65, casquette comprise*. Cherchait-il à surcompenser quelque chose? Le débat reste ouvert. Le mérite de l’artiste n’en est, lui, que plus grand, car il ne doit pas être facile de s’imposer comme une des références du hip-hop (genre musical dont les représentants masculins ont tendance à être taillés comme des armoires à glace) scandinave (région du monde où le rachitisme débute en dessous de 1 mètre 80) quand on a la carrure de Chantal Goya. Respect.

Accompagné du groupe Damn, formation instrumentale incorporant une section de cuivres, ce qui est toujours une bonne idée, le petit Prince de Suède vint confirmer son statut de méga star régionale, conquérant la foule de Steinkjer en deux temps, trois mouvements. Pour le grand néophyte que j’étais en la matière, je dois reconnaître que la prestation fut tout à fait appréciable, même si j’avoue n’avoir pas compris un seul mot en une heure et quart de show. Il va vraiment falloir que je me mette au suédois. L’énergie déployée par le farfadet à moustache, sa générosité dans l’effort et son flow énergique furent autant de raisons qui me poussèrent à rester jusqu’à la fin de sa performance, et même à attendre le rappel du rappeur. Ca, et le secret espoir – hélas non réalisé – qu’il récompense ses fans Norvégiens en interprétant Kapitulera, tube de 2011 sur lequel il avait convié – je vous le donne en mille – Susanne Sundfør (3ème). On ne peut pas gagner à tous les coups.

*: 163,9 centimètres, pour être tout à fait exact. Selon cet article, ce manque d’envergure aurait même constitué un motif de rupture avec une de ses anciennes petites amies.

 Timbuktu

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En conclusion de cette édition 2014, le quatuor rock BLACK DEBBATH (toute ressemblance avec un nom de groupe dont le chanteur décapite les chauves-souris à coup de dents serait purement fortuite) se chargea d’enfumer la NTE-Scenen, bien aidé par son attirail délirant comprenant, entre autres, des pieds de micro customs munis de guidons de moto et de fumigènes intégrés. Black Debbath, c’est la rencontre entre SAMCRO (le chanteur du groupe, Lars Lønning, ressemble d’ailleurs étrangement à Ron Perlman) et les Monty Python sur fond de hard rock (che)velu, ou encore la déclinaison norvégienne de notre Philippe Katerine national : c’est très drôle si on comprend les paroles, un peu moins dans le cas contraire, mais il y a toujours moyen de passer un bon moment.

Black DebbathArmé de son maillet de président et secondé par l’impayable Egil Hegerberg (déjà présent à l’affiche du festival en 2012 en tant que Bare Egil Band), Lars tenta tant bien que mal de créer une antenne Black Debbath à Steinkjer. Je pense qu’il dut finalement y arriver, puisque nous avons tous voté (et oui) pour quelque chose à un moment du concert, probablement pour notre rattachement à la grande tribu BD, dont les membres fondateurs œuvrent chacun dans une demi-douzaine de projet séparés (je vous conseille de jeter un œil sur Hurra Torpedo, pour apprendre à jouer Total Eclipse Of The Heart dans/à la cuisine) et se réunissent de temps en temps pour évangéliser une nouvelle paroisse. Quoi qu’il en soit, ce fut une conclusion tout à fait à la hauteur de l’évènement, qui se termina dans la bonne humeur et l’émotion avec une standing ovation pour Svein Bjørge. Pouvait-on rêver plus beau dénouement?

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Et c’est ainsi que s’acheva (pour moi en tout cas) l’édition 2014 du Steinkjerfestival. De retour sur les routes et les rails de Norvège le lendemain matin, j’ai quitté avec un pincement au cœur le Nord Trøndelag, direction Paris via Trondheim et Oslo. En conclusion de ce compte rendu, je ne peux que recommander à nouveau à tous ceux ayant l’occasion de faire le déplacement jusqu’à Steinkjer de réserver leur dernier week-end de Juin pour une virée chez les Vikings. Dépaysement garanti, environnement détendu, convivial et sécurisé, coups de cœur musicaux assurés et concerts d’exception : voilà une formule qui ne passera jamais de mode. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne rentrée à tous, et à vous donner rendez-vous pour une nouvelle année sonique sur le blog. Et je ne sais pas pour vous, mais le millésime 2014-2015 me plaît déjà énormément (et oui… 4ème). Vi ses!

STEINKJERFESTIVALEN 2014 – PART 1 (26/27/28.06.2014)

Retour au pays. Deux ans après avoir découvert le Nord-Trøndelag à la faveur d’une excursion dans la petite ville de Steinkjer, je repris le chemin du Nord de l’Europe (et donc de la Norvège, étymologiquement parlant) pour un nouveau week-end d’immersion dans la musique et la culture scandinave. Une fois parvenu sur place, après cinq heures d’avion, une heure et demie de train et quatre heures de retard sur l’horaire programmé, il était plus que temps de monter la tente et de se diriger, d’un pas un peu las mais léger, vers le centre-ville de cette paisible bourgade de 20.000 âmes, afin d’inaugurer la neuvième édition du (désormais culte) Steinkjerfestival.

Comme il y a deux ans, la soirée du jeudi vit se dérouler le « kick-off » du festival sur la plus petite des trois scènes (Klubben). Devant un public encore peu fourni, et constitué en bonne partie des volontaires en charge de la majorité de l’organisation de l’évènement (bravo et merci à eux au passage), la scène locale put donner pleine mesure de son talent. Les aléas de la météo m’ayant conduit à rater quelques transferts entre Roissy et Trondheim, je ne fus en mesure d’assister qu’à la fin de la prestation du dernier groupe programmé, CLARION CALL.

Clarion Call 1Avec 19 ans d’existence au compteur, les Clarion figuraient parmi les vétérans de cette édition déjà riche en « vieilles » gloires (voir la suite du report). Emmené par la paire Aarlott (Gisle, fondateur et guitariste, et Andreas, chanteur*), le groupe  déroula sa progpop avec maestria. Evoluant dans le sillage du Pink Floyd gilmourien (The Division Bell) et du Marillion post-Fish, Clarion Call distilla ses compositions aux atmosphères planantes et chaleureuses sans la moindre fausse note, Andreas Aarlott (d’abord connu comme frontman de Creaminal et manager au centre multimédia de l’université de Trondheim à la ville) se révélant parfaitement à l’aise dans son nouveau rôle et suppléant sans mal son homonyme au micro – jusqu’à cette année, Gisle Aarlott avait en effet la double casquette de chanteur-guitariste – . Venus avec deux choristes et quelques effets lumineux pour rehausser l’arrière de la scène, le groupe assuma sans frémir son statut de tête d’affiche de la soirée, et conclut ce premier jour de manière fort convaincante.

*: Aucun lien de parenté entre les deux compères apparemment.

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Le lendemain, après une matinée passée à tenter de récupérer du voyage (plus facile à dire qu’à faire au pays du soleil* de minuit quand on bivouaque dans une tente vert clair sur le territoire d’une bande de mouettes très démonstratives), et un début d’après-midi à flâner dans les faubourgs de Steinkjer (compter une demi-heure de marche pour épuiser le sujet) et à calculer le meilleur ratio apport calorifique/coût au Spar local, il fut enfin temps de se diriger vers l’église pour le premier concert de la journée. Première constatation une fois sur place: MODDI (car c’était lui) est une véritable star dans son pays natal, capable de remplir les 600 places du saint lieu en quelques minutes. Il faut dire qu’il s’agissait du premier concert de la chère tête blonde dans le Nord-Trøndelag, ce qui a forcément motivé les gens du cru à faire le déplacement. Pour ma part, relégué dans une contre-allée d’où l’on distinguait un peu la scène, jusqu’à ce qu’un couple de Norvégiens de taille standard (un petit mètre 85 de moyenne) encore plus en retard que moi ne décide d’investir le rang de devant, je ne pus que me jurer de m’y prendre plus tôt la prochaine fois, et remballer mes espoirs de prendre quelques images correctes en même temps que ma GoPro. Tant pis.

Thomas Jergel ©

Thomas Jergel ©

Beaucoup plus calme que lors de sa venue à la Flèche d’Or au printemps dernier, Moddi n’avait cependant rien perdu de sa bonne humeur communicative, et se fit un devoir d’abreuver les spectateurs de blagues tout au long de sa prestation (malheureusement, ma maîtrise imparfaite de la langue et le débit rapide du personnage se combinèrent pour me priver de la quasi-totalité de ce one man show drolatique, mais la gaieté est communicative, surtout avec un public aussi fourni). Venu avec sa fidèle choroncelliste (une choriste jouant du violoncelle, en abrégé), mais également un batteur, un bassiste et un pianiste, notre sympathique joker livra un set divisé pour moitié entre titres norvégiens et anglais. Parmi ces derniers, on put par exemple retrouver Poetry, Eli Geva et un conclusif – et incontournable – House by the Sea, tous déjà interprétés à Paris en Avril dernier. Cependant, nul besoin de préciser que le rendu à Steinkjer fut incomparablement supérieur, les instruments supplémentaires, l’acoustique du lieu et l’attention totale de l’audience se conjuguant pour accoucher d’une expérience proprement enchanteresse, même sans l’image. À la guitare ou à l’accordéon, seul ou accompagné, Moddi embarqua tout son monde dans son univers poétique, coloré et naïf avec une maîtrise consommée. À l’arrivée, les minutes filèrent une fois de plus trop vite (comme à chaque concert dans la Steinkjerkirke, une habitude définitivement douce-amère), et tout fut terminé beaucoup trop rapidement à mon goût. Ite, missa est.

*: Pour être exact, il faudrait plutôt parler d’une aube crépusculaire commençant tous les soirs à 23H et ne s’achevant qu’avec l’arrivée du soleil à 5H le lendemain.

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Arrivé à temps pour assister à la fin du set de FRIDA NATLAND, venue avec son groupe combler le vide entre Beth Hart et Ane Brun (entreprise louable, mais au final ni nécessaire, ni vraiment intéressante), je partis ensuite pour la grande scène (Rismelen), afin de découvrir les premières têtes d’affiche de l’édition, à savoir VIOLET ROAD. À 100 mètres, on aurait presque cru à une manifestation des Waterboys à leur grande époque, à condition toutefois de couper le son, car si l’exubérance vestimentaire de cette sympathique quintette quasi familiale évoquait fortement celle de Mike Scott et de ses ondins au début des années 80, les compositions du groupe n’approchaient en revanche pas, et loin s’en fallait, l’intensité et l’allant de la Big Music prêchée par leurs glorieux aînés. Amusante coïncidence, le dernier single des premiers, Face Of The Moon, n’allait pas sans évoquer le nom d’un des tubes des seconds, The Whole Of The Moon. Simple question d’échelle. Comme quoi, il ne suffit pas toujours d’un saxophoniste pour entrer dans la légende (même si ça peut aider).

De retour en avance sous le chapiteau de la NTE Scenen, je pus assister à l’installation du groupe au nom le plus long de cette édition, j’ai nommé CONOR PATRICK & THE SHOOTING TSAR ORCHESTRA. Le hasard faisant bien les choses, il s’agissait également de l’ensemble le plus populeux de ce cru 2014, laissant la concurrence loin derrière avec ses neuf membres réguliers, dont sept avaient fait le déplacement jusqu’à Steinkjer (et comme dans les films d’horreur, c’est toujours le joueur de bongo – noir – qui meurt le premier, mais je m’égare*). Dans une indifférence à peu près totale – comprendre que j’étais le seul péquenot sur place avec l’équipe technique – la troupe s’installa sur scène et procéda aux balances. Cette arrivée précoce fut apparemment remarquée et appréciée par le groupe, comme tu l’apprendras bientôt, ami lecteur, mais ne précipitons pas les choses.

*: Autre absent notable, le violoncelliste classique de l’ensemble.

CP&STO 1

Où sont les fans?

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À 20h30 précises, la joyeuse cohorte débuta son concert devant un parterre bien plus fourni qu’à mon arrivée, votre serviteur se trouvant logiquement au premier rang (à quoi bon arriver en avance si on ne peut pas choisir sa place?). La pop symphonique des Tsars Filants ne manquait certes pas d’allure ni de majesté, les huit comparses ne ménageant pas leur peine pour porter leurs morceaux jusqu’au point de fusion émotionnelle. Mention spéciale au joueur de glockenspiel (et oui, il y en avait un), qui réussit à rester à concentré et concerné d’un bout à l’autre du set. Oui je chambre, mais je ne suis pas méchant. Au centre de l’estrade, Conor Patrick, sa tignasse artistiquement négligée et son timbre de voix angélique laissèrent parler leur classe naturelle pour se poser en dignes successeurs des incontournables A-ha. Certes, parmi la petite dizaine de morceaux présentés en cette soirée du 27 Juin, aucun ne pouvait rivaliser avec les éternels Take On Me ou The Sun Always Shine On TV, mais tous se situaient bien au-dessus de tout ce que le trio Harket/Waaktaar-Savoy/Furuholmen a pu sortir au cours de leur dernière décennie d’activité en temps que groupe.

Arriva alors le moment de grâce. Rassuré par l’accueil favorable réservé par les festivaliers à ses créations, Patrick Conor descendit de la scène pour venir chanter au plus près du public, parqué comme de juste derrière les barrières de sécurité délimitant le no man’s land hanté par les vigiles et les photographes accrédités. Si, au regard du style du groupe, je ne fus pas surpris de voir son chanteur chercher à plonger son regard bleu pâle dans celui d’un(e) fan transi(e), je le fus en revanche bien davantage quand il s’avéra que j’avais été choisi pour être l’heureux élu de ce moment de communion. Oui, oui, vous lisez bien, Conor Patrick passa trente secondes de Calendar à me fixer droit dans les yeux, à cinquante centimètres de distance, et, ce qui est encore plus fort, ne regarda absolument personne d’autre jusqu’à son retour sur scène. Merci Steinkjerfestivalen pour cette parenthèse totalement improbable et absolument mémorable, qui restera comme un de mes moments forts de cette seconde excursion dans le Nord-Trøndelag.

CP&STO 3

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Retour ensuite à Rismelen, pour assister au show des CC COWBOYS, groupe apparemment culte à en juger par la récurrence des passages scandés par le public en même temps ou à la place du chanteur, sorte de sosie de Tom Barman avec des lunettes de soleil. En 2012, c’était D.D.E. qui occupait le créneau des anciennes gloires toujours chéries, comme si nos Téléphone nationaux se réunissaient pour une dernière tournée des festivals. Sans cette valeur ajoutée nostalgique, et faute de pouvoir comprendre les textes (tout était en norvégien), il me fallut bien reconnaître que le rendu n’avait rien d’exceptionnel. Je laissais donc les vieux vachers poursuivre sans moi, et me redirigeai vers la NTE Scenen, où je savais que m’attendais un trio plus à mon goût.

CC Cowboys 1

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À mon retour, les « three bitches from Sweden » (Greta, Stella et Sunniva Bondesson, les trois sœurs punkabilly de BASKERY) étaient déjà en train de s’installer sur scène. Présentes en 2012 à ce même festival et sur cette même estrade, le show qu’elles s’apprêtaient à donner avait donc une fort saveur de revenez-y. Sur place, je fis la connaissance d’un grand fan Norvégien, qui les suivait à la trace au hasard de ses déplacements en Scandinavie. Notre conversation, assez hachée, nous permit de passer le temps jusqu’au début du concert à proprement parlé, et je tiens à le remercier ici pour ces quelques minutes d’échanges conviviaux (ça m’étonnerait qu’il lise le français, mais on ne sait jamais).

Venues avec un nouvel album (Little Wild Life), les trois Grâces suédoises régalèrent le public avec une prestation maîtrisée de bout en bout. Contrairement à leur dernière visite, pendant laquelle Sunniva s’était exprimée uniquement en anglais, la triplette fit cette fois l’effort de communiquer avec son public dans sa langue, ce qui ne fit qu’accroître la sympathie de ce dernier envers les premières. Jouissant d’un statut à part à Steinkjer (il s’agit à ma connaissance du seul groupe rappelé par demande populaire d’une année sur l’autre), Baskery forgea un peu plus sa légende en effectuant un rappel – luxe rare en festival* – commencé par une chanson à boire suédoise a cappella (Bort allt vad oro gor) et terminé par une version dantesque de Out-Of-Towner. Signalons également la jolie reprise du Old Man de Neil Young, insérée dans la setlist, parmi les classique du calibre de The No No, Throw Me A Bone ou Here To Pay My Dues. En conclusion, un sacré bon moment, exactement comme espéré. À la prochaine les filles.

*: Et permis par l’absence de Blue Pills après elles sur la NTE Scenen.

Baskery 2

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Tout festival doit réserver des surprises à ses participants, et Steinkjer 2014 ne fit pas exception. Le petit livret détaillant le programme de l’année indiquait ainsi « ?? » à partir de 23h30 sur la scène Rismelen, et en l’absence d’alternative sur ce créneau, il eut été malpoli de ne pas aller voir ce qu’il en retournait. Imagine alors, lecteur, un concert des Bérurier Noir en norvégien, avec cosplays de catcheur mexicain et de faucheuse noire, combinaison lycra verte intégrale et cascadeurs déguisés en grands-mères, et tu auras une petite idée de ce à quoi ressemble un concert de HAT, groupe aussi culte que local. Comme pour les polonais de Behemot il y a deux ans, l’intensité du show pâtit quelque peu de l’étalement du public, dont une bonne partie se contenta de regarder à bonne distance les pogos éclater dans la « fosse ». L’affaire aurait été bien plus bouillante dans le Klubben, mais se serait certainement terminée en jus de boudin, étant donné le goût prononcé du groupe pour les effets pyrotechniques. Bref, une curiosité locale, mémorable à défaut d’être compréhensible.

Hat 2

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Dernière étape de ce vendredi, la scène NTE accueillait les récurrents (trois participations au cours des trois dernières années) OSLO ESS (prononcer Ouchlou S). Pour avoir suivi de loin l’activité du groupe depuis deux ans, et être resté plus d’une fois ébahi par la capacité d’abattage d’Åsmund Lande et de ses potes – 200 concerts par an tout de même -, je me demandais dans quel état serait trouver le combo punk le plus populaire de Norvège à l’occasion de ces retrouvailles. Au final, le charismatique Lande m’a semblé plus gaillard que jamais, insufflant un rythme d’enfer au show et assumant sans sourciller son statut de frontman avec une énergique bonhommie qui a sans doute quelque chose à voir dans le succès persistant rencontré par Oslo Ess auprès du grand public. Le batteur de la soirée, dont je n’ai pas retenu le nom, était également en grande forme, constat assez logique eut égard à son statut de touring member (le groupe n’a pas de percussionniste attitré). À la basse, Knut-Oscar Nymo et son éternel bonnet semblaient se contenter de la routine heureuse que représentait ce nouveau concert. Peter Larsson (guitare), avait lui une tronche de déterré et avait fait sien le détachement mi-halluciné, mi-goguenard que Keith Richards affiche depuis une décennie quand il joue avec les Stones/pour Mick Jagger, ce qu’il ne l’a pas empêché de livrer une partition tout à fait satisfaisante. Enfin, Einar Stenseng (clavier/harmonica) était juste parfait de désinvolture et de dandysme rock, promenant sa silhouette filiforme d’un bout à l’autre de la scène avec un détachement si artistement compassé qu’il en devenait presque éthéré (et ça aussi, je pense que ça contribue fortement au succès du groupe).

Oslo Ess 1

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Au niveau musical, on put retrouver le son punk-garage rock avec lequel les Oslo Ess se firent un nom en 2011 (Caroline évidemment), mais également quelques incursions intéressantes vers le ska, témoignage d’une curiosité manifeste envers d’autres univers que celui dans lequel nos quatre garçons évoluent à présent. Et ce ne fut pas la participation du rappeur OnklP (avec lequel Lande et Nymo ont formé le super groupe OnklP & De Fjerne Slektningene, et qui était sur les planches du Klubben avec ses comparses quelques heures plus tôt), qui contredira ce ressenti personnel. Qu’on se le dise, ce groupe en a sous la semelle, et ne peut qu’agréablement surprendre ceux qui chercheraient à le cantonner dans la niche punk (j’en veux pour preuve leur disque de live acoustique publié l’année dernière). Au risque de surprendre et même de choquer certains, je pense qu’Oslo Ess a largement le potentiel pour devenir le The Clash norvégien : ne manque plus que des textes plus engagés pour sauter le pas.

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À 1h et des poussières, et après une soirée entière de concerts et d’aller retour entre la grande scène de Rismelen et le chapiteau de NTE (le Klubben, ce sera pour demain), il était grand temps de regagner la tente pour recharger les batteries. Les plus convaincus purent se diriger vers le DJ set pour quelques heures de bonus, ou même accompagner le duo de buskers qui s’était judicieusement positionné juste à la sortie du festival (il en faut du courage/de la bière pour faire l’homme-orchestre à cette heure là, mes respects les gars), mais pour ma part, j’ai préféré jouer la carte de la sécurité: il aurait été dommage d’arriver lessivé le samedi (håhåhå). C’est sur calembour franco-norvégien que je te laisse lecteur : à bientôt pour la suite et fin de ce live-report. Vi ses!

FESTIVAL AIR D’ISLANDE @ LE POINT EPHEMERE (01.02.2014)

La question a fini par se poser. Après un n-ième petit soupir mi-amusé, mi-désabusé, de la part de mon interlocuteur après que je lui ai répondu que mon concert de ce soir avait pour thème cette île du grand nord Européen, grande comme l’Irlande et la Belgique réunies* et pourtant moins peuplée que Nice, patrie de commissaires dépressifs, de volcans vindicatifs et de banquiers en liberté conditionnelle, et où le moindre patronyme comporte obligatoirement 28 caractères (dont au moins trois appartenant à un autre alphabet) et finit invariablement par -dur/-dotir, et communément désignée par les profanes comme l’Islande, difficile de ne pas se la poser. Avant de partir pour le Point Ephémère et la deuxième soirée du festival Air d’Islande hébergée céans, je me suis planté devant une glace et ai longuement fixé mon reflet à la recherche d’une réponse à la terrible question dont je vous livre ci-dessous l’énoncé : suis-je un hipster? 
Passe encore le fait que je m’intéresse plus que de raison à la musique nordique, dont la popularité dans nos contrées méridionales m’est apparue jusqu’ici assez limitée (non, The Fox de Ylvis n’est pas un contre-exemple crédible), mais franchement, se passionner pour le single d’un chanteur indonésien (prénommé Marcel, pour ne rien arranger)? Traîner sur Douban et copier-coller le titre des chansons sur Google Translate pour retrouver celle dont parle Woozy dans son billet mensuel pour le Music Alliance Pact? S’improviser promoteur français d’un artiste écossais dont l’album a du se vendre à 35 exemplaires et qui n’aime pas faire des concerts? Qui d’autre qu’un hipster pourrait faire preuve d’une telle radicalité dans son approche? L’introspection ne s’étant pas prolongée assez longtemps pour me permettre de trancher avant l’heure du départ, je me suis donc rendu sur place et ai assisté à la soirée avec un poids terrible sur la conscience. Heureusement pour moi, à la sortie du Point Ephémère, je tenais ma réponse, et celle-ci était négative (à mon grand soulagement, car ça m’aurais ennuyé de devoir me laisser pousser la barbe fournie qui semble être la norme pour le hipster de genre masculin, sans compter les dépenses induites par le renouvellement de ma garde-robe). Démonstration.

*: Pas facile de trouver des exemples parlants. C’était ça où le Kentucky. Personnellement, je n’ai que la plus vague idée de la superficie du Kentucky. Dans le doute, j’ai supposé que c’était aussi le cas pour vous, estimés lecteurs.

La queue importante qui s’enroulait autour des barrières délimitant la terrasse couverte du Point Ephémère à mon arrivée au 200 quai de Valmy fut un premier élément à décharge dans mon dossier en hipsteritude. Il ne fallut en effet que quelques minutes au service d’ordre pour placarder un petit écriteau marqué « COMPLET » sur la porte de la salle, entraînant en conséquence le départ des quelques optimistes qui s’étaient déplacés sans avoir pris le soin de réserver leurs places. Etant de notoriété publique que les hipsters ont fait leur la devise du « moins il y a de fous, plus on rit », le succès (inattendu, au moins de mon point de vue) de la soirée ne pouvait que m’encourager dans la croyance que je n’appartenais pas à ce monde si particulier. Assister à un concert sold out, c’est vrai que ça a tendance à suggérer qu’on a les mêmes goûts que beaucoup de ses semblables, ce qui n’est jamais bon signe quand on se veut hipster.

Therese Aune 1

Billowing shadows: check

Debout sur la scène, souriante derrière la forme baroque de son harmonium indien, THERESE AUNE semblait attendre que les derniers participants passent le seuil du Point Ephémère pour se mettre à jouer. Pour son premier concert parisien, l’acolyte de Moddi avait fait le choix de la sobriété, et laissé le reste de son groupe en Norvège. Oui, vous avez bien lu, en Norvège, car Therese Aune n’est absolument pas islandaise, n’en déplaise aux organisateurs du festival, pour qui la participation au fameux Icelandic Airwaves et la présence de Sturla Mio Þórisson dans le fauteuil de producteur du premier album de la demoiselle, Billowing Shadows, Flickering Lights valaient semble-t-il bien une nationalisation temporaire. Et puis, ces nordiques, ce sont un peu tous les mêmes, comme dirait un expert (puisque Belge) en la matière, Mr Paul van Haver. Y en a marre.

Hautement cinématographiques, les compositions présentées par Therese Aune à son nouveau public furent toutes frappées du sceau du dépouillement, même si son talent de pianiste lui permit de donner à sa prestation un volume appréciable. En l’absence de ses habituels complices et de leurs instruments, Miss Aune dut se contenter de ses doigts agiles et de sa voix puissante pour captiver la salle, ce qu’elle fit de bonne grâce. Toutefois, difficile de nier que l’immersion dans l’univers artistique de la native d’Oslo aurait été facilitée par un accompagnement plus conséquent que le classique piano/harmonium-voix, qui resta la norme tout au long des 35 minutes du set. Impossible de ne pas faire le parallèle avec la venue d’une autre artiste norvégienne au Point Ephémère, il y a un peu plus d’un an, pour un show lui aussi placé sous le signe de la simplicité. Et si, à l’époque, je n’avais rien trouvé à redire à la performance de Susanne Sundfør (et que je n’ai pas changé d’avis depuis, mais ce cas est aussi spécial que désespéré), je dois reconnaître qu’un concert aux arrangements aussi épurés a effectivement de quoi déconcerter le néophyte et le « jeune » fan ne connaissant que les versions abouties figurant sur l’album, et s’attendant – peut-être naïvement – à retrouver la même complexité en live. Ce ne fut pas le cas ce soir (tant pis) mais pour une première, ce fut néanmoins une réussite, qui je l’espère entraînera un rapide retour de Therese Aune dans l’Hexagone, cette fois ci avec son quatuor de choc au fond de la valise.

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Setliste Therese Aune: 1)I Am The One Who 2)Grey Ghost 3)The Lonely Ocean Roar 4)Chameleon 5)Sometimes 6)Silent Song 7)Broken Bird

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Samaris 1Après ce début prometteur, l’inquiétude quant à mon éventuelle appartenance à la caste des hipsters monta en flèche, en même temps que le trio SAMARIS sur les planches de la scène. Le side project de la tête pensante de Pascal Pinon (calembour glacé et sophistiqué) présentait en effet de nombreuses caractéristiques ne pouvant que provoquer l’intérêt des mélomanes les plus pointus: outre sa « glorieuse » genèse évoquée plus haut, citons également sa relative jeunesse (le groupe s’étant formé au début de l’année 2011, et son premier album, éponyme, n’a été publié qu’à la fin du mois d’Août 2013), son line up exotique (chant, ordinateur, clarinette), sa ligne artistique (adapter de la poésie islandaise de la fin du XIXème siècle sur base electro), ou encore son look plutôt décalé (grande utilisation de guirlandes de Noël et de chasubles ou très épaisses ou très légères dans la garde-robe de scène de ces dames). Un cocktail détonnant donc, dégusté avec gourmandise par une grande partie du public du Point Ephémère si je dois en juger par  l’accueil enthousiaste reçu par le trio, dont c’était également la première date parisienne.

Samaris 2

Góða tungl um loft þú líður/ ljúft við skýja silfur skaut… Médite là dessus.

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Mené par une Jófríður Ákadóttir habitée, au sens björkien du terme (susurrements théâtraux, danse chamanique autour du micro, yeux perdus dans le lointain), Samaris livra un set d’une quarantaine de minutes au cours duquel furent joués de nombreux morceaux de leur prochain album, Silkidrangar, ainsi que les titres incontournables du premier opus, dont le désormais « célèbre » Góða Tungl, ode à l’astre nocturne dont je ne désespère pas de comprendre un jour le message (ils ont sorti une méthode Assimil pour l’islandais?).

Samaris 3Contrastant avec l’exubérance de leur chanteuse, les deux autres membres du groupe optèrent pour une approche bien plus modérée, voire monolithique, se contentant de jouer leurs parties avec une retenue toute scandinave. Engoncée dans une sorte de toge blanche que l’on eut dit taillée dans une sous-nappe en bulgomme, la clarinettiste Áslaug Rún Magnúsdóttir avait la digne gravité d’un clown blanc, tandis que son comparse Þórður Kári Steinþórsson semblait trop absorbé par ses machines pour s’occuper de quoi que ce soit d’autre. En bonne maîtresse de cérémonie, Jófríður prit toutefois soin de communiquer régulièrement avec le public, et souvent dans un français remarquablement bien maîtrisé. Une attention bienvenue, qui permit de limiter le décrochage des éléments les moins sensibles aux litanies hypnotiques du trio (et je sais de quoi je parle). À la fin de ce deuxième set, j’avais la tenace et troublante impression d’avoir ingéré un space cake sonique, sans arriver à déterminer si le résultat me semblait plaisant ou pas, et c’est donc l’esprit un peu brumeux que j’abordai le dernier acte de la soirée.

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Setlist Samaris: Bien au delà de mes faibles compétences en islandais, je regrette.

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Une des choses qui continue de me fasciner à propos de l’Islande est la proportion incroyable de  talentueux musiciens que ce petit bout de terre semble capable d’engendrer par rapport à sa population totale, ainsi que la capacité de ces derniers à obtenir une reconnaissance internationale. Depuis l’avènement des Sugarcubes à la fin des années 90, la tendance n’a fait que se poursuivre et se renforcer, Of Monsters And Men et Ásgeir étant les dernières incarnations en date de cette success story à l’islandaise. La terre des glaces n’a rien à envier aux autres nations sur le plan de la vitalité de la scène musicale, qu’on se le tienne pour dit. La venue des MONO TOWN à Paris ne fit que confirmer l’absurde concentration de talents à Reykjavik, véritable El Dorado du quatrième art rivalisant sans peine avec l’effervescence britannique, new-yorkaise ou californienne malgré une taille bien plus modeste.

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Mono Town 3Repéré par les informateurs du Music Alliance Pact dès Septembre 2012, la quintette avait mis a profit l’année écoulée pour terminer l’enregistrement de son premier album, In The Eye Of The Storm (ne le dîtes pas à Roger Hodgson), participer à quelques festivals notables (Icelandic Airwaves, KEXP) ou encore tourner avec les Pixies, excusez du peu. Après avoir enregistré une session Deezer dans l’après-midi, le groupe était fin prêt pour terminer la sixième édition d’Air d’Islande avec panache. Dès les premières notes de Place The Sound, la sensation d’avoir en face de soi un groupe affûté et complétement maître de son sujet se fit jour. La cohérence et l’aisance avec laquelle les cinq musiciens jouaient ensemble, le subtil équilibre des forces entre la voix de Bjarki Sigurdsson (frère cadet caché de Roberto Alagna, en plus sympathique), la guitare « western » de Daði Birgisson, les claviers de son frère Börkur (les deux frangins ayant auparavant officié dans le groupe Jagúar au début des années 2000) et la section rythmique, la construction soignée de tous les morceaux et les arrangements élégants ornant ces derniers: le moindre aspect de la prestation du groupe respirait la classe et le professionnalisme. Combinant l’accessibilité du rock et de la pop avec une savoureuse dynamique funk – c’est toujours plus agréable d’entendre un joueur de basse broder le tempo plutôt que de répéter la même séquence trente fois de suite, non? -, les compositions de Mono Town s’avérèrent aussi impeccables que leurs interprètes, à l’image de l’ultime Can Deny et de sa magnifique cassure de rythme au deux tiers du morceau:  cette capacité à surprendre l’auditeur en variant les ambiances, les sonorités et les progressions aussi bien entre qu’à l’intérieur même des chansons, voilà bien la meilleure arme de l’arsenal de ce nouveau groupe très prometteur, et qui devrait selon toute logique obtenir la reconnaissance qu’il mérite au cours des prochains mois.

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Setlist Mono Town: 1)Place The Sound 2)Jackie O 3)In The Eye Of The Storm 4)Deed Is Done 5)Yesterday’s Feeling 6)Peacemaker 7)Two Bullets 8)Can Deny

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À la sortie du Point Ephémère, j’avais acquis la certitude de ne pas être un hipster, malgré tous les signes tendant à prouver le contraire que j’avais pu lister auparavant. J’ai en effet des goûts musicaux bien trop simples pour pouvoir prétendre rejoindre ce cénacle, même si, la technologie aidant, il m’est tout à fait possible (comme il est possible à chacun) de découvrir et d’apprécier des artistes dont l’éloignement géographique et le peu de notoriété m’auraient fait manquer quelques années plus tôt. Si on y réfléchit bien d’ailleurs, l’Islande est devenue une sorte de grande banlieue européenne (compter 3h30 d’avion entre Paris et Reykjavik, une paille), ce qui l’a logiquement déclassée dans le palmarès des pays-où-chercher-des-groupes-inconnus, activité réputée comme étant un des passe-temps favoris du hipster moyen. Et puis l’Islande, tout le monde en parle maintenant, c’est devenu mainstream au point que Ben Stiller y est allé tourner son dernier blockbuster! De plus, je ne considère pas que le succès commercial d’un album, d’un groupe ou d’un chanteur soit inversement proportionnel à sa qualité, ce qui semble être le point de vue d’un paquet de hipsters, prêts à brûler ce qu’ils avaient adorés dès lors que la barre fatidique des 50/500/5000/5.000.000 likes (selon l’extrémisme du sujet, la limite haute varie) a été franchie. Au contraire, je suis toujours heureux de voir des artistes méritants récolter le fruit de leur travail et réussir à vivre de leur musique, et ai plutôt tendance à favoriser cette reconnaissance à mon petit niveau plutôt qu’à abandonner le navire dès qu’il arrive en vue des côtes de la gloire (c’est beau). Bref, le souffle d’Air d’Islande m’a laissé apaisé et rasséréné, prêt à assumer mes coups de cœur musicaux sans craindre ou sans me soucier (quand bien même, je suis sûr qu’il y a des gens très sympas chez les hipsters) d’être étiqueté en retour. Pour fêter ça, j’ai dès mon retour réservé ma place pour la grande soirée finlandaise du 17 Février prochain à la Flèche d’Or. On ne se refait pas… 

HIGHASAKITE @ AU PETIT MOULIN (17.10.2013)

Cet article aurait pu s’intituler « application concrète du mouvement brownien dans le domaine de la musique ». Derrière ce titre barbare se cache une réalisation honteuse, celle de mon incapacité à prévoir les mouvements, non pas d’une particule dans un fluide (ce qui est tout bonnement impossible, comme tout professeur de physique titulaire pourra vous le confirmer) mais d’un groupe à la surface de la planète. Et pourtant, je pensais que mon ébauche de modèle prévisionnel était assez solide pour permettre d’avancer quelques prédictions défendables quant aux chances de voir un artiste donné se produire en France, selon une batterie de critères savants (géographique, logistique, linguistique, historique, culturel…). En vain, car le 17 Octobre 2013, au sous-sol du Petit Moulin, bar de Montmartre situé au 37 de la rue Pierre Fontaine, la théorie explosa en vol aux alentours de 19h10. Ce qui se passa dans cette cave n’était tout simplement pas logique, ce qui est très grave. Beau, oui, captivant, certes, addictif, sans doute, mais logique, absolument pas. Fuck logic, then.

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MaMADans la famille des festivals français se déroulant en indoor, le MaMA occupe une place à part. Là où la plupart des évènements de ce type se « contentent » de proposer une série de concerts, le MaMA festival organise en parallèle tout un panel de conférences, séminaires, tables rondes et autres ateliers dédiés aux professionnels du milieu ainsi qu’aux amateurs curieux de découvrir le fonctionnement de ce monde mystérieux et fascinant. Un modèle similaire à celui de SXSW ou By:larm, deux festivals s’étant imposés au fil des ans comme des rendez-vous incontournables pour les acteurs de l’industrie musicale.
L’intérêt de la manifestation repose également sur les nombreux show cases gratuits organisés dans les bars, galeries et théâtres de Pigalle, en complément des concerts prévus dans les multiples salles que compte le quartier (la Cigale, la Boule Noire, le Divan du Monde, les Trois Baudets, le Bus Palladium…): en calculant sa feuille de route avec soin et en évitant de se perdre dans l’arrière pays Montmartrois, il était tout à fait possible de se concocter un before substantiel avant de passer la soirée avec les têtes d’affiche du festival. Si beaucoup des artistes se produisant dans le cadre de ces side events provenaient de la foisonnante scène française, quelques étrangers s’étaient également laisser convaincre de jouer quarante minutes devant une poignée de Parisiens curieux. Et il faut croire que les organisateurs avaient des sacrés bons arguments, car le line up recelait quelques surprises de taille, à commencer par un contingent africain tout à fait respectable (Faada Freddy, Sibot & Toyota, Cape Town Effects, Jeremy Loops, Just A Band), à côté duquel les artistes de la Vieille Europe faisaient figure de voisins paliers.

Highasakite 2Ceci dit, voir les Norvégiens de HIGHASAKITE investir le sous-sol du bar Au Petit Moulin constituait également un évènement hautement improbable, au point qu’il aurait été malvenu de rater la première date hexagonale de la quintette. Après un premier album en 2012 (All That Floats Will Rain) bien accueilli par la critique, la participation du groupe à de nombreux festivals étrangers, agrémentée de mini-tournées anglaises, allemandes, danoises et américaines, place la bande d’Ingrid Helene Håvik en position idéale de devenir une révélation indie pop internationale, et ce à quelques semaines de la sortie de son deuxième disque.
Fidèle à sa réputation d’inexpugnable bastion de la « French chanson » (il y avait même une conférence de prévue durant le festival pour expliquer au reste du monde ce genre si particulier), la France n’avait jusque là reçu aucune visite de la part des Highasakite, qui n’auraient pas du, selon toute logique, s’aventurer de longtemps au pays des fromages*. Il était donc tentant de considérer le concert au Petit Moulin comme un coup de semonce destiné d’abord à tous les tourneurs français s’étant donné la peine d’assister à ce show case plutôt que le début d’une véritable campagne tricolore pour le groupe. Raison de plus pour ne pas passer à côté donc.

Highasakite 4

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Kristoffer Lo, flugaboniste émérite

Kristoffer Lo, flugaboniste émérite

Précédé par une petite heure de « pot de l’amitié » franco-norvégien, sorte de speed dating pour professionnels agrémenté d’un buffet froid, le concert se déroula dans la cave du café, plus adaptée à la prestation d’artistes solos qu’à celle d’un quintet comportant deux claviéristes et un batteur (qui dut se contenter d’un pad par manque de place). Entassé sur trois mètres carré, Highasakite réussit néanmoins à reproduire la pop rêveuse et léchée constituant sa marque de fabrique, même si le manque de place engendra quelques imperfections bien compréhensibles. Guitare et cithare, steel-drum et flugabone (le chaînon manquant entre la trompette et tuba) se mêlèrent pour former un tout aussi harmonieux qu’indéfinissable, complété par la voix assurée d’Ingrid Helene Håvik, capable à l’occasion de se muer en instrument aussi exotique que ceux dont elle jouait (j’ai hâte d’entendre la version studio de Common Sense).
Avec six titres (dont trois devraient sauf surprise figurer sur le prochain album du groupe) joués en un peu plus d’une demi-heure, le groupe fournit une prestation minimale mais impeccable, conclu de la plus belle des manières par l’enchaînement Indian Summer et Since Last Wednesday. J’espère sincèrement que parmi les quelques dizaines de personnes qui eurent la chance d’assister à ce show case s’en trouvait au moins une en mesure de faire revenir les Highasakite pour un concert digne de ce nom dans un futur proche. Le deuxième album étant prévu pour Février 2014, cela laisse un peu de temps pour booker une ou plusieurs dates françaises lors de la tournée qui devrait suivre. Et dans l’intervalle, Ingrid Helene Håvik sort un disque solo le 1er Novembre… Just saying…

*: lire à ce sujet le bon papier (en norvégien, mais Google Traduction est votre ami) de Music Norway sur les stratégies mises en place par les artistes norvégiens pour percer envers et contre tout par chez nous. Le succès de Bernhoft nous démontre que c’est possible, à condition d’avoir un peu de chance et beaucoup de volonté.

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Setlist Highasakite:
1)Leaving No Traces 2)My Soldier 3)God Is A Banquet 4)Iran 5)Indian Summer 6)Since Last Wednesday

S‘il faut retirer quelque chose de toute cette histoire, c’est bien qu’il est inutile de tirer des plans sur la comète en matière de musique. Au petit jeu du « viendra, viendra pas », rien n’est jamais joué d’avance, dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs. L’essentiel est de se tenir prêt à saisir toutes les occasions qui se présentent, y compris et surtout les plus improbables, pour ne rien avoir à regretter a posteriori. Amis mélomanes, soyez vigilants: on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise…

W.H.A.T.T. (I.F.): Summer’s Almost Gone

Oui, je sais, c’est cruel.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Les matinées se font plus frisquettes, les soirées plus courtes. Le périphérique, si fluide il y a seulement quelques jours, a retrouvé sa compacité habituelle. Dans les RER, les attachés-cases ont repris l’avantage du nombre sur les bermudas, et la première grève syndicale de la saison est attendue dans le courant des prochaines semaines. Trouver une place assise dans le métro entre 7 et 10h nécessite à nouveau soit l’explosivité d’Usaïn Bolt, soit une chance de gagnant de l’Euromillion (ou une carte de grand invalide de guerre et une grossesse à un stade très avancé). Le week-end, les bois et les pièces d’eau fourmillent de joggers et de VTTistes débutants mais plein de bonne volonté, qui disparaîtront en l’espace de deux semaines lorsque Septembre l’estival deviendra Septembre le lacrymal et noiera les bonnes résolutions sous des trombes d’eau très froide.
Il flotte comme un parfum de fin de règne dans les villes et les campagnes, et ce règne est celui de Sa Majesté l’Été, qui après s’être fait tant désiré, puis vilipendé avec ferveur à chaque fois qu’il a fait signe de s’écarter d’un dixième de degré des sacro-saintes normales saisonnières, a décidé qu’il était plus que temps pour lui d’aller voir ailleurs s’il y sera. Avec le changement climatique, ce n’est même pas sûr.

C‘est bien dommage que l’été s’en aille. D’un point de vue strictement personnel, je dois reconnaître que le beau temps et la chaleur presque systématique (pendant une période au moins) de cette saison ont des avantages indéniables. D’un point de vue de bloggeur musical, cela veut également dire que le temps des festivals touche à sa fin.
Bien sûr, des festivals il y en aura encore régulièrement d’Octobre à Mai prochain, mais rien de comparable en terme de taille, d’affiche et de notoriété avec ce qui s’est fait durant les trois derniers mois. Et puis, un festival pendant lequel les artistes se produisent sous un toit en dur au lieu de s’époumoner en plein air ou sous un chapiteau, ça fera toujours un peu tiquer celui ou celle qui a déjà eu la chance, le plaisir et l’avantage de rôtir sous le soleil ou de piétiner dans la boue devant une scène de concert. L’ambiance festivalière, c’est un peu comme une cerise: on peut la laisser macérer dans un bocal étanche pour la déguster en plein cœur de l’hiver, le goût ne sera jamais aussi parfait qu’au moment de la cueillette, même (surtout) si la branche sur laquelle on était perché se casse sans crier gare (c’est traître comme bois le cerisier).

Valeur de la parure au 19 Juillet 2012: 321 euros. Valeur actuelle: priceless.

Adieu donc, week-ends passés aux quatre coins de la France (voire de l’Europe ou du monde pour les plus chanceux et fortunés) à courir de scènes en scènes pour tenter de respecter un programme idéal mais absolument pas réalisable dans la vraie vie. Adieu, foules immenses massées devant la grande scène à la tombée du jour, mers tumultueuses traversées tant et tant de fois au cours de l’été, avec plus ou moins de succès. Adieu, journées passées à piétiner sur place dans l’attente de ze concert de l’amor quitus. Adieu, stands de nourriture et buvettes continuellement prises d’assaut par des hordes de congénères qui arrivent toujours à se faire servir avant nous. Adieu, eco-cups en plastique échangées  contre un euro symbolique à l’entrée du site, et qui n’ont pas toujours retrouvé le chemin des cartons des organisateurs à la fin des festivités. Adieu, petits mensonges pieux et ruses de sioux utilisés pour tromper la vigilance de braves vigiles peu enclins à l’excès de zèle (« non, je n’ai pas d’appareil photo sur moi »). Adieu, campings chaotiques, plus bruyants de nuit que de jour, et dont la propreté originelle a toujours rapidement laissé place à des amoncellements de détritus indignes des favelas les plus démunies de Bogota.
Adieu enfin, bracelets multicolores dont la valeur sentimentale est désormais plus importante que la valeur financière, et qui finiront épinglés sur le mur des merveilles musicales, parmi les autres reliques et reliquats de moments d’extase sonique révolus mais point oubliés. Que les souvenirs attachés, imprégnés, à ces bandes de tissu, de papier et de plastique puissent perdurer pour des siècles et des siècles. Amen.

Adieu donc, saison des festival. Adieu pour cette année en tout cas. S’il s’avère que les Mayas se sont montrés un poil défaitistes dans leur horoscope 2012, il se pourrait bien que l’on remette tous le couvert dans quelques mois. D’ici là, ne t’inquiète pas trop pour nos oreilles: les newsletters des salles de concert environnantes s’amoncèlent déjà dans les boîtes-mails comme des feuilles mortes sur les chemins forestiers au début du mois de Novembre. Summer’s almost gone, true enough, but this is not the end yet, beautiful friends.

ROCK EN SEINE – JOUR 3 (DIMANCHE)

Dernier jour à squatter les pelouses (qui tirent de plus en plus la gueule) du domaine national de St Cloud. Le temps passe vite quand on l’occupe à écouter de la musique live. Dans l’attente de l’apothéose attendue à 21h30, heure à laquelle les organisateurs avaient promis de retirer la camisole de Billie Joe Armstrong pour un unique Green (Sun)Day français (le concert prévu le 27 Août au Trianon de Paris ayant finalement été annulé), il y avait beaucoup à faire, à voir et surtout, à écouter ce dimanche à Rock en Seine.

Petit cours de diction en guise d’échauffement dominical: vous voyez écrit BRNS, vous dîtes? Les cerveaux, les hipsters et les Belges parmi vous auront bien sûr répondu « Brains » à cette question. Les autres auront sans doute tenté, sans conviction, un timide « Béhérènès ». Bien essayé, mais tout comme !!! (qui se  prononce « tchik tchik tchik » si mes sources sont fiables), MGMT (Management) ou encore le Duc de Broglie (qui n’a jamais percé dans le monde de la musique ceci dit), les BRNS font partie des groupes qui séparent l’humanité en deux catégories distinctes: ceux qui savent prononcer leur nom correctement et peuvent légitimement s’en gargariser dans les salons mondains, et ceux qui ne savent pas (et qui peuvent s’attendre à recueillir les moqueries de leurs congénères mieux informés s’ils font éclater au grand jour la preuve de leur profonde cuistrerie). Maintenant que vous êtes sûrs de vous situer du côté agréable de cette frontière sociale, nous pouvons continuer.

BRNS était donc le premier groupe à se produire sur la scène de la cascade pour cette ultime journée de Rock en Seine. Ce quatuor d’allégeance plutôt rock nous venait tout droit de Belgique, incubateur de nouveaux talents musicaux devant l’éternel, avec un début de réputation assez flatteuse dans le petit monde de l’indie. Le maxi Wounded (et son art cover plus anxiogène qu’une nuit passée en tête à tête avec les quatre Cri de Munch – encore un gus avec un nom traître -), sorti en mai dernier et en libre écoute sur le net révélait en effet un univers musical singulier, onirique et plus fortement affirmé que ce que la jeunesse du groupe (deux ans à peine) ne l’aurait laissé penser. Restait à juger de la capacité de Tim (batteur-chanteur dans la droite ligne du regretté Levon Helm), Antoine (bassiste/synthé), César (percussions rigolotes/synthé toujours) et Diego (guitare) à reproduire sur l’open-stage de St Cloud l’ambiance particulière  de leurs compositions, en particulier les ambitieux Story Of Bible et Our Lights. Et bien, j’avais tort de m’inquiéter outre mesure.

Nullement intimidés par la taille de la scène, ni par le nombre de spectateurs qui leur faisait face, les BRNS ont en effet fait ce qu’ils avaient à faire et mis un point d’honneur, non seulement à égaler le rendu studio de leurs morceaux, mais également à leur ajouter une dimension épique tout à fait bienvenue, et qui a sans nul doute beaucoup contribué à leur gagner l’attention, puis l’adhésion de la foule, pas forcément très « cérébrale » (tu le vois bien mon jeu de mots téléphoné ou tu veux que je mette une balise giggle?) si tôt après le déjeuner. Gardez donc le nom de BRNS en tête, découvrez leur musique, regardez le clip de Mexico (ou pourquoi le concept de  Nus et Culottés ne s’est pas bien exporté en Belgique) et allez les voir sur scène si vous en avez l’occasion (ils passeront par Caen, Marseille, Rennes, Lille, Paris, Nantes, Vendôme, Saint Nazaire, Amiens, Nancy, Le Mans, Saint Lô et Auray entre fin Septembre et mi Novembre).

Tintin, batteur dans un groupe de rock (belge, ça va de soit)! Qui l'eut cru?

Tintin, batteur dans un groupe de rock (belge, ça va de soi)! Qui l’eut cru?

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Sur la scène de l’industrie, ce fut ensuit au tour de VERSUS, nom de scène adoptés par huit musiciens français adeptes de hip-hop et de funk, de faire rugir ses beats et sonner ses hautbois. (enfin, presque: c’était une flûte traversière). Du hip-hop avec de la flûte traversière? Mais oui ma brave dame! Et ne croyez pas que cet audacieux cross-over entre instrument classique et rythmes contemporains soit une première: les Belges (eh oui, ils sont forts les cousins) de Frown I Brown ont/avaient eu la même idée iconoclaste. Reste à savoir si le Taras Boulba des seconds est le même homme que le Mr. Blue des premiers, mais ceci est une autre histoire…

Plus le temps passe, et plus je suis obligé de reconnaître que le hip-hop (que j’ai du mal à distinguer du rap, je l’avoue) est une formidable musique de live, et que ses interprètes ne sont pas tous des apprentis gangsters bling blong éructant des énormités inversement proportionnelles à la taille de leur intellect sur la vie BMW (Bitches, Money, Weapons) qu’ils aimeraient avoir, et peuvent consacrer leurs morceaux à autre chose qu’à s’ériger en mâles dominants ultimes ou à démolir toutes les personnes ayant eu le malheur de leur déplaire. Certes, il y a et il y aura toujours deux ou trois spécimens assez bas du front sous leur casquette pour se vautrer avec abandon dans ce cliché persistant et assez nauséabond, mais dans l’ensemble, j’ose espérer que la communauté des artistes se réclamant de la musique urbaine accueille en son sein plus de Versus que de MC Jean Gabin Booba (il n’avait pas qu’à sortir son bineural – un haineux, l’autre stupide – Wesh Morray pendant que j’écrivais le compte-rendu).
Bref, autant je n’écouterais (toujours) pas ce genre de musique chez moi, autant en concert, ça passe toujours niquel. Basses boostées et scansion hypnotique: le cocktail imparable pour s’immerger dans la musique crachée par les amplis en moins de temps qu’il en faut à Morsay pour baiser tous les racistes en brochette du haut de la Tour Eiffel. On débranche le cerveau (de toutes façon, tout MC digne de ce nom balancera son flow trop rapidement pour espérer comprendre ce qu’il dit) et on se contente de hocher la tête de haut en bas sur les temps forts du morceau. Pas compliqué.

Mais ce ne serait pas juste de ma part de cantonner le show de Versus à ce niveau zéro de l’appréciation musicale. D’abord parce que s’il y a bien un type qui a bidouillé sur son Mac pendant tout le concert, il y avait 6 vrais et bons musiciens sur scène, qui ont tous livré une prestation généreuse et au dessus de tout reproche fielleux. Ensuite parce que les deux chanteurs se sont donnés sans compter, malgré un public peu nombreux et très volage, le genre à vous dégoûter d’être le frontman du groupe. L’un d’eux s’est même fendu de prestations de break dance (pas renversantes, mais tout de même) pendant les intervalles instrumentaux, ce qui prouve qu’il n’a pas pris les spectateurs pour des gogos. C’est toujours appréciable. Donc, si on résume: Versus est un groupe de live très correct, qui contribuera à vous rabibocher avec le hip-hop positif si vous étiez en délicatesse avec ce genre à cause du comportement puéril de certains rappeurs trop occupés à contempler leur nombril pour se rendre compte de l’effroyable exemple qu’ils donnent. Par contre, si entendre des « punchlines » du niveau de:

« Tu prends tes cliques/Tu niques ta mère/Tu fermes ta gueule/Tu dis de la merde »

vous met en joie (sans recourir au second, voire au troisième degré), je pense que ni Versus, ni Rock en Seine d’ailleurs, n’est fait pour vous.

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Et vint le moment où le fan des Waterboys qui est en moi faillit faire une attaque, de retour de l’expo rock. Car si j’avais pris la décision de traîner mes guêtres jusqu’au fin fond du festival, quasiment au niveau de l’entrée parisienne du site, au lieu de rester agrippé à la barrière de la scène de la cascade comme une tique à un mollet de VTTiste, c’était parce que le programme que j’avais en ma possession affichait clairement que ladite scène ne devait accueillir personne entre la fin du show de BRNS et l’arrivée de Mike Scott et de toute sa bande de joyeux musiciens. Une belle pause de presque deux heures, qui détonnait franchement avec le reste du programme, qui n’avait jusque là connu aucun temps mort dans l’enchaînement des artistes entre les quatre scènes, mais qui étais-je pour ne pas faire confiance au livret officiel de l’évènement? Las, j’aurais du me rendre compte que si ce dernier n’avait pas pris en compte les défections de Frank Ocean et de Childish Gambino (annoncées pourtant quelques semaines avant le coup d’envoi), il pouvait tout aussi bien omettre la présence d’un groupe dont la présence n’aurait pas été confirmée en même temps que la dernière vague d’annonce des artistes.

Et vous trouvez ça drôle?

C’est donc avec un certain trouble que j’ai constaté que la foule massée devant la scène de la cascade sur les coups de 16h10 n’attendait pas sagement l’arrivée des Irlandais précités, voire des revenants de Grandaddy ou des petits jeunes de Foster The People pour les plus motivés, mais était bel et bien en train d’assister à un concert. Une réaction normale à ce genre d’imprévu aurait été de se dire qu’un invité surprise avait été convié à meubler le trou de la prog’, mais en bon FBDM paranoïaque (pléonasme), j’en ai au contraire immédiatement déduit que les Waterboys avaient été avancés sans que je le sache. D’où un rush éperdu vers la scène, où j’ai pu, à mon grand soulagement, faire la connaissance de FAMILY OF THE YEAR. C’est la première fois que j’ai été absolument ravi de voir jouer un groupe que je ne connaissais pas du tout. #Strange

Calmée la crise de tachycardie (qui empêche un peu de se concentrer, il faut bien le dire), la musique proposée par les cinq jeunes gens perchés sur l’estrade s’est avérée être du pop-folk assez peu original, mais plaisant à écouter pour se remettre de ses émotions. La seule chose qui m’a marquée a été la ressemblance frappante entre la claviériste/chanteuse du groupe et notre Olivia Ruiz national, c’est dire. Mais pour être honnête avec les FOTY, je crois qu’ils auraient pu reprendre Viens Boire Un Petit Coup À La Maison avec la chorégraphie de Rabbi Jacob et des éléphants avaleurs de sabre en arrière-plan, j’aurais à peine levé le sourcil. Cependant, je tiens tout de même à les remercier de leur passage, car leur sortie de scène a entraîné le départ d’assez de festivaliers pour que je puisse revenir à la barrière que je n’aurais jamais du quitter, et pile en face du pied de micro de Mike Scott qui plus est. Merci les gars, et à charge de revanche! La prochaine fois, faîtes-vous annoncer avant de venir, c’est toujours mieux.

Heureusement, le chanteur ne ressemblait pas du tout à Mathias Malzieu

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THE WATERBOYS donc. Chouette! Ce sont en grande partie eux qui m’ont convaincus d’acheter mon pass cette année, après que Mike Scott ait annoncé à la fin du concert du 24 mai dernier au Bataclan (premier passage à Paris du groupe depuis sept ans, tu parles que j’étais là) que lui et ses potes seraient de la partie. Pourquoi un tel enthousiasme envers cette bande de potes irlando-écossais, dont l’heure de gloire remonte à la deuxième moitié des années 80? Pour la big music pardi!

Peu nombreux sont les artistes contemporains qui ont réussi à créer avec succès un genre ou un style musical leur étant propre. Encore plus rares sont ceux qui ont eu l’insigne honneur de voir leur création être récupérée, adoptée par d’autres musiciens après eux. Keziah Jones a certes créé le blufunk, mais ce n’est pas lui faire injure que d’admettre qu’il est le seul pratiquant de ce style qui ait réussi à percer. De la même manière, l’ethereal wave/dark folk/gothic dream pop des Dead Can Dance n’a pas fait des masses d’adeptes depuis la création du groupe il y a trente ans de cela. Plus près de nous les Norvégiens d’Hypertext sont sans doute les seuls à pratiquer leur fusion jamspace, polyrhymtic, electronic pop mod (nom bizarre mais musique sympa, check it out). La big music, que Mike Scott définit comme « une métaphore de la signature de Dieu dans le monde* », a quant à elle fait école, puisqu’on la retrouve aussi bien dans les compositions des Waterboys que dans celle de Simple Minds, The Alarm ou encore World Party. Well done lads.

Inutile de préciser que le public des premiers rangs était à ce stade davantage composés de quarantenaires et cinquantenaires nostalgiques des 80’s que des cohortes de la génération Y qui représentent pourtant la plus grande partie des festivaliers de Rock en Seine. J’ai d’ailleurs constaté que la scène de la cascade accueillait toujours le dimanche d’illustres survivants d’une époque révolue du rock: Roxy Music en 2010, The La’s en 2011 et The Waterboys donc cette année. Pendant que les techniciens installaient les instruments et faisaient les balances, j’ai eu le bonheur de discuter avec un de ces fans originels du groupe (comprendre qu’il était déjà né lorsque ce dernier a atteint son pic de popularité), qui a d’abord cru que je venais sécuriser une place pour Foster The People. Échange bien sympathique autour de la musique, des festivals, de la radio, de The Cure et bien entendu, des Waterboys, qui nous a permis de tuer le temps jusqu’au coup d’envoi du set. Merci monsieur, et au plaisir de se recroiser à un concert, sur Nice, Paris ou n’importe où d’ailleurs.

Voilà donc Mike Scott, costume gris clair et chapeau mou crème, qui s’avance sur la scène avec sa guitare et engage sur un Rags introductif. Soulagement: le son est bon, et nous pouvons profiter des basses bondissantes d’Archie Aciero et des calvacades de toms de Ralph Salmins (à qui je décerne sans contestation possible le titre de meilleur cogneur de fûts du week-end) sans hypothéquer nos tympans. Quelques minutes plus tard, c’est assis devant un des claviers de James Hallawell que Mike lance le tube français des Waterboys (il avait d’ailleurs remercié le public français lors de son passage au Bataclan pour l’accueil offert au morceau, qui n’avait marché que chez nous à sa sortie), A Girl Called Johnny. Le saxo débonnaire d’Anthony Thistlethwaite manque à l’appel? Dommage, mais on peut toujours compter sur le violon de Steve Wickham, derviche tourneur de génie, pour prendre les solos à sa place.

Le milieu du show est l’occasion pour le groupe de proposer au public une composition issue de leur dernier opus, le concept album An Appointment With Mr. Yeats, consacré comme son nom l’indique à la mise en musique de quelques uns des textes du poète irlandais. Rock en Seine eut donc droit à As Mad As Mist And Snow, dont l’exécution s’est doublée d’une véritable performance théâtrale, Hallawell et Wickham joutant par tirades interposées sous leurs loups vénitiens, avant que Mike Scott ne vienne déclamer les vers du grand William, grimoire à la main et masque tricéphale sur la tête. Même mise en scène qu’au Bataclan, qui perd évidemment un peu de sa superbe gothique en plein soleil, mais qui fait tout de même son petit effet.

O Romeo, Romeo, wherefore art thou Romeo?

La fin du concert (ça passe vite une heure avec les Waterboys) vit le retour des « grands tubes » des années 80, sous la forme d’un trio gagnant The Pan Within/The Whole Of The Moon (dédicacé fort logiquement aux mânes de Neil Armstrong)/Fisherman’s Blues, final auquel vint se greffer ce fieffé coquin de Cali, fan fini des Waterboys (d’après mon voisin), et qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il chante les chansons de ses idoles à la place des siennes (il avait déjà eu la chance d’accompagner Simple Minds sur Mandela Daylors du passage des Écossais à Taratata). Deuxième guest star de niveau national, l’impayable Jean Paul Huchon, qui n’est pas monté sur scène mais s’est bien dandiné en coulisses, je peux vous l’assurer. Et comme cet ultime morceau dispose d’une chorégraphie simple mais efficace (faire un tour sur soi-même sur le Hey Hey Hey! du refrain), nous avons eu l’immense privilège de nous flinguer les poumons (piétiner un sol aussi sec que celui du parterre de la scène de la cascade le dimanche de Rock en Seine ne pouvant pas manquer de soulever un nuage de poussière passablement irritant pour les bronches) dans la joie et la bonne humeur sur l’invitation de Mike Scott. Quand le leader des Waterboys te demande de « tourner » avec lui et le groupe, all you gotta do is surrender. Nuff said.

*: pas clair? C’est vrai que c’est un peu fumeux comme définition. Personnellement, je vois ça comme le fait de jouer de manière épique, à grands renforts de solos de violon et de saxophone, des compositions simples (deux/trois accords récurrents martelés sur une guitare à 12 cordes ou un clavier) mais que le chant habité de Mike Scott rend incroyablement addictives. Le mieux pour se rendre compte est encore d’écouter le morceau-manifeste éponyme, The Big Music, qui figure sur le deuxième album du groupe. Le morceau titre de ce dernier, A Pagan Place (un titre qui pourrait soulever un stade dès ses premières mesures, jouées pourtant sans batterie), est à mon humble avis le plus représentatif du genre.

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Le concert terminé, un dilemme se pose: partir écouter Little Roy et ses reprises reggae du Nevermind de Nirvana, comme il était prévu sur la roadmap, ou rester sur place jusqu’au concert de Foster The People? Question qui me semble purement rhétorique après coup, mais in the heat of the moment, j’avoue avoir balancé au moins… 30 secondes avant d’opter pour la deuxième solution. Une barrière centrale, ça ne se bazarde pas comme ça, même si avant d’assister au show de Foster et de ses gens, il allait falloir affronter le retour de GRANDADDY, groupe sur lequel je n’avais absolument pas accroché au cours de mon débroussaillage pré festivalier. Principal cause de rejet du greffon: la voix geignarde de Jason Lytle, plus pénible qu’un concentré de young Neil Young mixé avec du Girls In Hawaii brut. Chacun son sale goût, et je conçois tout à fait que l’on puisse au contraire adorer le petit organe de Lytle (c’était facile), mais pour moi, c’est niet*.

C’est donc avec un a priori assez négatif que j’ai vu les cinq Californiens débarquer sur scène pour un concert forcément un peu spécial, reformation oblige. Comme je ne connaissais absolument pas la tête des membres du groupe, je ne me suis rendu compte qu’une fois le show commencé que le roadie barbu et revêche (à mi chemin entre Gimli un lendemain de cuite et Zach Galifianakis privé de goûter), roulé depuis les coulisses en même temps que la batterie qu’il devait préparer, n’était autre que le batteur/cloppeur du groupe. Autant pour moi. Le reste de la bande est arrivé sur scène par ses propres moyens, mais ne payait pas franchement de mine non plus. Certes, les membres de groupe de rock indie sont rarement aussi flamboyants que leurs confrères punk ou métal, mais l’impression générale était plus proche de la jam entre pères quarantenaires à la fête de fin d’année de l’école que de musiciens pro sur le retour. Il n’y a guère eu que le guitariste Jim Fairchild pour se rapprocher un peu de l’image d’Epinal de la profession. Pas que j’accorde une importance démesurée au look des artistes lorsque je fais un concert, mais comme je me suis ennuyé (ce qui m’a fait culpabilisé: je suis sûr que n’importe quel fan du groupe arrivé en retard dans le parc aurait donné cher pour être à ma place  au lieu de suivre le concert sur les écrans géants, et je m’excuse donc envers ces personnes que j’ai involontairement lésé… Mais quand ça veut pas, ça veut pas) pendant une heure à les voir jouer, fallait bien que je m’occupe.

Car la malédiction de la cascade a encore frappé ce dimanche, et malheureusement pour les Grandaddy, ce sont eux qui ont eu droit à la balance merdique de la journée. Mêmes symptômes que pour The Temper Trap la veille, et même punition pour les spectateurs, qui, tous fans qu’ils étaient, n’ont pu s’empêcher de tiquer à chaque fois que Kevin Garcia faisait mine de pincer les cordes de sa basse. Inutile de dire que le pauvre Jason a eu beau faire de son mieux, ses vocalises plaintives sont passées largement inaperçues dans le porridge sonore craché par les enceintes. Ironie du sort, ce furent donc les rares morceaux piano-voix qui m’ont semblé les plus réussis: Mr Lytle n’est certes pas Freddie Mercury, mais quitte à choisir, je préfère encore l’entendre geindre en solo qu’accompagné par les infrasons assourdissants de ses petits copains. Mieux, j’ai découvert que la voix du leader de Grandaddy pouvait se révéler plus émouvante qu’irritante dans certains cas, ce qui valait bien d’attendre la fin du set pour qu’il se décide enfin à sortir le grand jeu. On se console comme on peut.

*: Il y avait également eu le visionnage éprouvant de la vidéo du groupe ayant le plus de vues sur Youtube: Nature Anthem. À côté de tant de mièvrerie que je n’ai pas particulièrement perçu comme devant être prise au second degré, le clip de Need Your Love de The Temper Trap apparaît comme sobre et de bon goût.

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Et on se console d’autant plus vite que la suite s’annonce nettement plus intéressante accessible. Exit les grands-pères de Grandaddy, et place à la jeunesse de FOSTER THE PEOPLE. Signe avant-coureur de l’ouragan indie pop qui s’apprête à déferler sur le domaine national de St Cloud, la marée humaine se fait de plus en plus agitée aux alentours de la scène de la cascade. Ça pousse, ça presse, ça crie, et ce n’est qu’un avant-goût de la tempête qui va faire rage dans la fosse dans quelques minutes. Il va falloir être fort.

Il faut dire qu’en trois ans d’existence, le trio de Los Angeles a connu une ascension impressionnante. Il n’aura fallu à Mark Foster, sept ans cette année (il y a donc des gens qui sont vraiment nés un 29 Février), et ses complices qu’un album bourré jusqu’à la gueule de tubes en puissance pour devenir un groupe d’envergure internationale, adulé et réclamé par les fans aussi bien en Amérique qu’en Europe ou au Japon, enchaînant les shows au quatre coins du globe depuis la sortie de Torches afin de capitaliser leur percée. Un parcours maîtrisé et planifié avec minutie, comme nous l’a expliqué Mark entre deux morceaux: la prochaine fois que Foster The People rejouera en France, ce sera pour promouvoir le nouvel album. Un discours qui tranche franchement avec l’esprit carpe diem jemenfoutiste qui est habituellement celui des jeunes groupes pop-rock, et qui pourrait être perçu comme arrogant par certains. Mais provenant de Mark Foster, cela semble couler de source: on ne peut pas être arrivé aussi haut aussi vite sans avoir anticipé les choses.

Il n’est pas resté planté comme ça pendant tout le concert, je vous rassure. Au contraire, bien au contraire (comprendre que toutes mes autres photos sont ratées).

Le gars est intelligent, l’écoute de son opus le prouve assez: chaque titre a été travaillé et poli jusqu’à atteindre une perfection pop immédiate mais non superficielle. Le résultat est à la fois léger (et encore, pas toujours: les paroles de Pumped Up Kicks aussi bien que les clips de Helena Beat et Houdini sont porteurs d’un message assez sombre) et solide, un tour de force que seul MGMT avait réussi à réaliser (Oracular Spectacular) avec le même niveau de succès dans les années précédentes. Même constat en live: tout a été pensé pour que le spectateur en ait plein les yeux. Fond de scène monumental, baudruches géantes gonflées sur scène, artiste invité (en l’occurrence, l’affriolante KIMBRA, qui s’était produite sur la scène Pression live plus tôt dans la journée et a assuré quelques premières parties pour Foster The People au cours de la tournée), pluie de confettis dorés à la fin du set… rien n’a été laissé au hasard. Un show à l’américaine qui peut déconcerter dans le cadre de Rock en Seine, habitué à des prestations plus roots, mais le fait est que ça marche.

Ça marche même tellement bien que je suis ressorti aussi fourbu qu’euphorique du concert, écrasé contre la barrière par la poussée des rangs arrières pendant la plus grande partie de ce dernier. Qu’importe, ça valait vraiment le coup de faire le pied de grue pendant cinq heures pour enfin entendre Helena Beat, Houdini et bien sûr Pumped Up Kicks, final prévisible mais tout de même extraordinaire, joués live. Immense merci donc à BOW TO EACH OTHER d’avoir repris ce dernier titre et par la même occasion, de m’avoir fait faire plus ample connaissance avec un groupe que j’aurais certainement et sottement snobbé sinon.

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Pas l’air très net le type… Référence implicite à American Idiot?

Question: peut-on décemment assister à un concert de GREEN DAY assis? Pour moi, la réponse a été un oui franc et massif. De toute façon, j’ai toujours été trop vieux pour la punk-rock adulescent et déconneur qui constitue le fond de commerce du trio depuis ses débuts. Une fois de temps en temps à la radio, pourquoi pas, mais redescendre dans la fosse aux lions après avoir été concassé avec application pendant une bonne heure juste avant, tout ça pour les beaux yeux eyelinés de Billie Joe Armstrong, vraiment… C’est donc de très, ou plutôt de Tré, loin que j’ai assisté à la performance des trois lascars Californiens (décidément, on ne s’en sort pas), avec un détachement goguenard pas entièrement bienveillant.

Premier constat: c’est tout de même dommage d’avoir autant de titres taillés pour les stades et les festivals de la taille de Rock en Seine dans son répertoire et de laisser retomber l’ambiance aussi régulièrement au cours du set. Armstrong, maître de cérémonie fantasque et bouffon, a en effet souvent préféré faire le pitre pour le public au lieu de se contenter d’enchaîner les morceaux. Ces interludes grand-guignolesques font certes partie du jeu de scène habituel du frontman des Green Day, mais à trop y recourir, c’est la dynamique entière du set qui s’essouffle en enfilage de chapeaux rigolos, détrempage des premiers rangs au tuyau d’arrosage (personne ne lui a dit que la canicule était finie depuis un bout de temps?) et distribution de T-shirts au mortier. Et même si Billie sait s’y prendre pour faire remonter la pression en cas de besoin, son arsenal de chauffeur de salle est malheureusement trop limité pour ne pas l’obliger à utiliser les mêmes vieux trucs plusieurs fois par show (dans le désordre, nous avons ainsi eu droit au classique « Hey Ho… Hey Hey… » en question-réponse avec le public, à l’inusable « Are you ready? I say, are you fucking ready?? », au démago « I love Paris » et à ses nombreuses variations, et, en dernier recours, à l’exutoire « Let’s go crazy!! »). Calm down, shut up ‘n play yer guitar.

Deuxième constat: Green Day aime peut-être Paris, mais Paris adore Green Day. C’est une chose de chanter un couplet d’un tube planétaire comme Boulevard Of Broken Dreams lorsque Billie tend obligeamment son micro vers la foule, mais c’en est une autre de le suppléer au pied levé sur une chanson bien moins connue du grand public (et en l’occurrence, le mètre-étalon de ce que le grand public connaissait ou ignorait, c’était moi), et aussi fort que la fois d’avant qui plus est. Messieurs et mesdames les fans, qui vous êtes déplacés en masse ce dimanche soir à ce que j’ai pu voir et entendre, je vous tire mon chapeau. Paris adore donc Green Day, mais Paris est également horriblement jalouse: quand Billie a fait transhumer un troupeau de fans hystériques sur scène comme à son habitude, l’ambiance s’est méchamment cassée la gueule, et n’est repartie à la hausse qu’après que BJA se soit dépêtré de ses embarrassantes invitées. On ne l’y reprendra plus.

Troisième constat: quand ils se décident à jouer, les gars de Green Day se montrent largement à la hauteur de leur réputation de bêtes de scène. Les chansons sont certes calibrées pour ce genre d’exercice, mais encore faut il que les interprètes se montrent capables de les jouer avec la hargne et l’intensité nécessaire pour que la magie punk opère. Pas de soucis à se faire de se côté là: Billie n’avait pas encore chopé la grippe le soir de sa prestation à Rock en Seine, et avait la voix et les doigts des grands jours. Même état de forme pour Mike Dirnt moins démonstratif que son compère mais toujours présent au bon moment. Quant à Tré Cool, on ne peut que s’émerveiller de la capacité du bonhomme à maintenir un morceau au point mort sans faiblir, le temps que Billie finisse de faire le pitre et embraye sur le couplet suivant. Rappelez-moi de ne jamais le défier au bras de fer.

Quatrième et dernier constat: on peut décemment assister à un concert de Green Day assis, si le concert en question ne s’éternise pas trop. Au delà d’une heure, ça devient inconfortable et la fatigue se fait vraiment sentir. Il est temps de plier les gaules et de repartir une dernière fois vers le parking du parc, en promettant au passage au bénévoles de la sécurité de routière que l’on rentrera prudemment (surtout qu’ils ont installé des radars à l’entrée de Versailles, les gros malins).

Green Day/Bright Night

Green Day/Bright Night

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En conclusion, une édition qui a tenu toutes ses promesses, avec son lot de têtes d’affiches internationales, de groupes indies comme indispensables et de belles découvertes que l’on aura plaisir à suivre dans le futur. Du monde certes, un son pas toujours top parfois, de la pluie au début, des allers-retours éreintants entre les scènes souvent, mais tout cela fait partie du jeu qui se joue dans le domaine national de St Cloud le dernier week-end d’Août, n’est-ce pas? So, so long Rock en Seine et à l’année prochaine pour fêter tes onze ans, si tout va bien.

ROCK EN SEINE – JOUR 2 (SAMEDI)

Une des choses appréciables avec Rock en Seine, c’est que les banlieusards occidentaux (comprendre, qui viennent des Yvelines) n’ont pas de problème pour se garer une fois sur place. Pour un festival « parisien », ça mérite d’être souligné. C’est donc en voiture que nous sommes retournés sur place le samedi, prêts à affronter le très dense programme de la journée. Pensez, pas moins de onze noms étaient couchés sur la roadmap du jour au moment du départ, pour un résultat (espéré) des plus copieux. Il allait falloir s’économiser pendant l’après-midi pour ne pas s’effondrer comme une bûche dans la dernière ligne droite, et c’est avec cette consigne en tête que nous nous glissés dans le parc de St Cloud sur les coups de 15h30. L’homme sage connaît ses limites.

Comme la veille, un décollage un peu trop tardif nous force à faire une croix sur le trio Californiens des UME, dont la frontwoman valait pourtant le détour si j’en crois les élogieux retours qui n’ont pas manqué de pleuvoir après la prestation des Yankees sur la scène Pression live (quitte à nommer les scènes d’après les sponsors, ils auraient pu offrir des bières gratuites aux spectateurs faisant l’effort de se rendre jusqu’ici – car ça fait une bonne trotte depuis la grande scène – ). Tant pis.

Je crois que l’illustrateur n’a pas été très inspiré par son sujet (et pourtant, entre Steinbeck, les monstres, l’Islande et la musique du groupe, il y avait de quoi faire)

Pas question cependant de rater les autres Islandais de Rock en Seine, après avoir du renoncer au show de Sigur Ros quelques heures auparavant. La tribu des OF MONSTERS AND MEN posait en effet ses bagages et instruments à St Cloud pour présenter son album My Head Is An Animal, le jour même de sa sortie française. Le hasard fait tout de même bien les choses. Surfant sur le succès de leur single Little Talks et sur le buzz généré par la presse musicale, toujours prompte à adouber des successeurs aux artistes qui marchent fort (dans notre cas, les Montréalais d’Arcade Fire, dont l’indie rock imparable, luxuriant et volontiers épique  peut en effet être rapproché du style de la bande de Garður), les OMAM tournaient depuis des mois avant leur venue en France, d’où une certaine appréhension de ma part au moment de les découvrir en live. La session acoustique enregistrée en Angleterre quelques jours auparavant laissait en effet apparaître des musiciens visiblement peu enchantés de devoir toujours jouer les mêmes chansons.

Heureusement pour nous, le topo fut tout autre ce samedi, les Monsters ayant visiblement à cœur de réussir leur premier show au pays des fromages. L’occasion pour Nanna, Ragnar et le reste de la troupe de réaliser qu’ils jouissaient déjà d’une considérable notoriété auprès du public français, qui n’avait pourtant eu que Little Talks à se mettre sous la dent avant ce 25 Août. Espérons que ça leur donne envie de repasser par chez nous au printemps prochain, après leur tournée anglaise.

Car la musique d’Of Monsters And Men à ce petit truc spécial, ce zeste de je ne sais quoi qui gonfle à bloc les batteries d’optimisme de l’auditeur en l’espace d’un refrain. Les voir construire des hymnes à la joie d’une évidence absolue à partir de quatre accords ouverts sur une guitare sèche (voire moins: 3 seulement pour Lakehouse) est un spectacle aussi fascinant que délectable pour le spectateur, qui pourra méditer longtemps après coup sur la fabuleuse capacité du rock à générer sans cesse de nouvelles chansons géniales malgré un catalogue de notes et d’accords somme toute assez limité.
Bien sûr, l’équation ne serait pas complète si j’oubliais de mentionner les autres atouts que les OMAM ont en main: un duo de chanteurs-guitaristes très complémentaires en les personnes de Nanna (chant joliment heurté et look de folkeuse punk) et Ragnar (voix de velours et physique de hobbit plutôt que de viking), des arrangements léchés et le côté « bande de potes » apporté par le nombre de musiciens sur scène. Et puis, dans une époque dominée par les artistes américains et britanniques, il y a peut-être une préférence instinctive de la part du public français envers les groupes d’une origine plus « exotique ».  Quoiqu’il en soit, voilà une joyeuse troupe qu’il s’agira de ne pas perdre de vue dans le futur, et qui nous a offert un parfait démarrage pour notre samedi. Takk guys.

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S‘est ensuite ouverte une période assez frustrante, pendant laquelle je n’ai pu, pour diverses raisons, assister à un seul concert d’un bout à l’autre. Premiers à pâtir de cet épisode volage, les petits jeunes de TOY, dont le rock shoegaze et largement instrumental (tout du moins, le morceau sur lequel nous les avons rejoints – et quittés – après dix bonnes minutes de marche) était sans doute trop contemplatif pour un samedi après-midi ensoleillé.

Il faut dire qu’après la cure de bonne humeur gracieusement offerte par OMAM et le rapide passage obligé devant le folk rock rugissant d’ALBERTA CROSS sur le chemin de la scène Pression Live, le spectacle de 5 chevelus courbés qui sur sa gratte, qui sur ses claviers, qui sur ses fûts, l’ensemble tricotant patiemment de longues montées orchestrales entre chaque intervention chantée de Tom Dougall, nécessitait sans doute davantage de concentration que ce que l’immense majorité des festivaliers présents (nous y compris) aurait pu rassembler en y mettant du sien. Je reste toutefois persuadé que cette quintette de jeunes loups au look, à l’attitude et à la musique so totally british mérite qu’on se penche sur son cas avec la plus grande attention (vous êtes d’ailleurs cordialement invités à venir voir les TOY jouer – haha – le 16 Novembre prochain à la Maroquinerie).

Et ce fut donc la grande Alberta qui hérita de nous pour une fin de concert (3 morceaux) passée derrière la barrière d’osier qui interdisait l’accès au côté gauche de la scène. Une ruse de sioux qui nous permit de profiter des derniers morceaux du duo à une distance raisonnable, et même de faire quelques photos pas si pire par un des trous ménagés par les festivaliers nous ayant précédé sur le spot (je n’ai fait que l’agrandir légèrement, je le jure votre honneur). Difficile dans ces conditions de se plonger dans la musique proposée par les sieurs Stakee et Wolfers, d’autant plus que je n’avais aucun morceau connu auquel me raccrocher. Et pourtant, je connais cette voix haut perchée et sans artifice, que j’ai du écouter quelques fois sans prendre la peine de chercher à qui elle appartenait. Bref, un créneau 16/17 assez mal négocié de notre part, puisqu’écartelé entre deux bouts de concerts trop courts pour bien profiter et surtout, beaucoup de randonnée pédestre dans le parc de St Cloud.

Chapi Chapo... Bodobo

Chapi Chapo… Bodobo

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Les choses ne s’améliorèrent que de manière très superficielle pour le show d’HYPHEN HYPHEN (prononcer Aïfeun Aïfeun), qui fit les frais d’un aller et retour à travers le public pour reconstituer le groupe, éparpillé après un passage au stand merchandising. Je n’ai donc retenu de Santa et sa bande que leurs peintures de guerre et leur énergique jeu de scène, ce qui est déjà pas mal, mais loin d’être suffisant au vu de la montagne de commentaires élogieux que j’avais lu sur ce groupe de Niçois déchaînés, qui repasseront par la capitale dans point trop longtemps (le 12 Septembre au Café de la Danse).  La troisième fois sera peut-être la bonne…

Après « Santo et le Trésor de Dracula », « Santa et le Mystère de la Tête Géante »… Ça promet.

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Vint ensuite le temps des retrouvailles avec les joyeux allumés de CARAVAN PALACE, qui avaient considérablement secoué le public du festival de Ronquières lors de leur passage au plan incliné en juillet dernier. De nouveau relégués derrière la barrière/paravent (qui n’a pas du finir Rock en Seine en un seul morceau) du côté gauche de la scène, nous assistons à l’intégralité (enfin!) du concert, qui, s’il fut aussi enlevé que ce que l’on était en droit d’attendre de la part des apôtres de l’electro-swing, toujours menés à la baguette par la délurée Zoé Colotis, ne fut jamais proche de rivaliser avec la folie euphorique qui avait balayé le public belge quelques semaines plus tôt. Encore une fois, on peut expliquer en partie la relative tiédeur du public par la chaleur qui régnait au moment du show et à un horaire de passage (17h30 – 18h30) encore trop précoce pour un emballement populaire digne de ce nom, souvent très largement corrélé à la quantité de bière ingurgitée par le festivalier moyen. Sans alcool, la fête est plus molle.

Prestation… lumineuse de Caravan Palace


De retour devant la grande scène en prévision de la prestation lourde de sens de Noel Gallagher et de ses pioupious, nous assistons à quelques minutes du show donné par le dIEU belge du rock (et ses séraphins intermittents), le toujours fringant Tom Barman. Et puisqu’il s’agit de filer notre métaphore éthylique jusqu’à la lie, je me dois de préciser que les dEUS ont bien joué Girls Keep Drinkin à Rock en Seine (merci à Chacaloute pour la vidéo :-)). Dans un monde parfait, je n’aurais pas eu à quitter le pré après un Quatre Mains très attendu et plutôt décevant en live (difficile de retrouver la tension palpable de la version studio dans une enceinte aussi gigantesque) et aurais ainsi pu approfondir ma connaissance de ce groupe qui semble exceller dans toutes les facettes du rock, particularité rare et louable à une époque où la spécialisation forcenée et les reconversions/expérimentations musicales malheureuses (non, je ne parlerai pas du dernier Muse) sont la norme plutôt que l’exception. Mais, que voulez-vous, à quelques centaines de mètres de là, the sea (et la scène de la cascade par la même occasion) was calling, et il aurait été impoli de ne pas répondre à son appel.

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Les Australiens de THE TEMPER TRAP repassaient donc à Paris pour une deuxième et dernière date après le très bon concert donné à la Maroquinerie le 12 Juillet dernier. Ayant eu la chance d’assister à ce dernier, je doutais très fortement de la capacité de Dougy et ses potes de livrer une prestation d’aussi bonne tenue à Rock en Seine, et malheureusement, ce fut bien ce qui arriva. Premier et principal responsable de ce net coup de moins bien, un son proprement dégueulasse. Je veux bien être compréhensif vis à vis des techniciens en charge des balances, chargés de la mission quasiment impossible d’obtenir un rendu de qualité pour des milliers de spectateurs, aussi bien ceux situés à deux qu’à deux cent mètres de la scène, mais je crois honnêtement qu’on a battu tous les records précédemment établis à St Cloud en matière de basses sur-sonorisées, qui ont atteint sans trop forcer la limite basse de l’insupportable pour les malheureux des dix premiers rangs.

On dirait que le précipité bleu de la couv’ du dernier album en a inspiré certains…

C’est dans des situations comme celles-là que l’on est rudement content de ne pas avoir oublié ses earplugs à la maison, et de ne pas dépendre des douteux suppositoires en mousse distribués gratuitement par les organisateurs (et je ne parle même pas des inconscients qui ont enduré l’intégralité du set sans protections du tout). Car quand on sent le cartilage de son nez vibrer à chaque fois qu’un gonze effleure une corde de sa basse, une touche de son clavier ou la pédale de sa grosse caisse, situations assez fréquentes au cours d’un concert de rock, on ne peut qu’espérer que les quelques grammes de plastique faisant barrage dans le conduit auditif suffiront à préserver nos fragiles et précieux petits tympans du pire de l’agression sonique.

Difficile donc dans ces conditions d’apprécier à leur juste valeur les morceaux de la quintette de Melbourne, qui n’a fort logiquement pas atteint le même état de grâce que lors de leur passage en 2010 (c’était sur la grande scène, et le son avait été très correct), sans parler de la magie pure de leur halte à la Maroquinerie.
En grands professionnels, les Wallabies ont tout de même livré un set généreusement fourni en tubes, confirmés (Love Lost, Fader, Science of Fear et bien entendu, l’incontournable Sweet Disposition) ou en devenir (London’s Burning, Need Your Love ou encore Miracle), qui, s’il ne s’est pas révélé très surprenant (quasiment la même setlist que pour le concert de la Maroquinerie), a offert aux fans présents, dont une bonne quantité d’anglo-saxons, une heure d’exutoire pop-rock. Il y en a même eu pour pogotter durant le show, réaction que j’ai trouvé légèrement déplacée eu égard à la musique jouée, mais bon YOLO comme on dit maintenant. Reste que si je ne devais retenir qu’un seul concert des TTT, celui du 25 Août 2012 ne figurerait même pas sur la shortlist des lauréats potentiels. Il y a des jours avec et des jours sans.

Face à l'adversité, Dougy et Jonathon restent stoïques tandis que Joseph... Oh, Joseph, ça va?

Face à l’adversité, Dougy et Jonathon restent stoïques tandis que Joseph… Oh, Joseph, ça va?

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À 20h, NOEL GALLAGHER fait deux belles surprises au public de Rock en Seine. 1) Il monte sur scène (il aurait pu s’engueuler avec le batteur et annoncer la dissolution des High Flyin’ Birds, hein). 2) Il joue près de la moitié des chansons figurant sur son premier album solo, ce qui, au vu des setlists touaregs (comprendre, basées à 90% sur de l’Oasis) servies par le bonhomme durant pas mal de ses dernières prestations festivalières, n’avait rien d’une évidence. Personnellement, j’ai considéré ce parti pris comme une preuve de respect envers les spectateurs français, à qui Nono et ses zosieaux n’ont pas fait le coup de la nostalgie déplacée.

Évidemment, le final a tout de même été l’occasion de faire chanter la foule avec deux vieux millésimes (parce que, hein, Oasis is good), en l’occurence Whatever et un ultime Don’t Look Back In Anger qui pouvait être interprété de bien des manières dans l’enceinte de Rock en Seine, théâtre de la mort du groupe des frangins Gallagher trois ans plus tôt. Mais l’essentiel du set fut consacré à des compositions plus récentes, certes moins populaires auprès des fans bédouins, et Dieu sait qu’ils étaient nombreux parmi le public ce soir, mais toutes solides et agréables à l’oreille, comme Noel sait en ouvrager: AKA…What A Life!Stranded On The Wrong Beach, (I Wanna Live In A Dream In My) Record Machine, Everybody’s On The RunThe Death Of You And Me, If I Had A Gun

L’occasion pour beaucoup de se rendre compte que même sans le charisme hooliganesque de Liam et sa coupe de cheveux innommable, le cadet de la fratrie Gallagher est capable de voler de ses propres ailes. Évidemment, l’absence du frangin grande gueule se fait principalement sentir au niveau du rythme du concert, qui restera planplan d’un bout à l’autre, mais ce n’est pas comme si on ne savait pas à quoi s’attendre avec Noel, qui n’a jamais semblé très à l’aise sur une scène. C’est donc avec un flegme tout britannique que ce dernier met fin aux réjouissances et repart… sans avoir joué Wonderwall. Une preuve supplémentaire de bon goût, vous irez loin Mr. Gallagher.

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Belle affiche, mais absolument pas en rapport avec la musique du groupe (hommage à la Blacksploitation, vous croyez?)

Entre 22h et 23h au parc de St Cloud, le noir était la couleur reine: la nuit est tombée depuis longtemps, le festival est noir de monde et surtout, les artistes programmés sur ce créneau respectent le dress code imposé par les organisateurs: sur la grande scène, les BLACK KEYS et leur blues-rock crasseux et hautement addictif, et sur la scène de la cascade, les BLACK SEEDS et leur reggae festif et inspiré. Faîtes votre choix bonnes gens.

Et, assez curieusement, je me suis retrouvé devant le show des Néo-Zélandais, alors que mes prédispositions naturelles m’auraient plutôt conduit à assister à la démonstration de la paire Auerbach-Carney, sérieuse candidate au titre de meilleur duo rock du moment (surtout depuis la dissolution des White Stripes). Le concert des Kiwis présentait cependant deux énormes avantages par rapport à celui des natifs d’Akron: 1) il était tout à fait permis d’espérer le suivre à une distance raisonnable, voire accoudé à la barrière si on s’y prenait pas trop tard et 2) la scène Pression live sur laquelle Mark Lanegan devait jouer juste après la fin des deux « Black Sabbats » était bien plus proche de la scène de l’industrie que de la grande scène.

Et au final, le choix de la raison se révéla être un vrai coup de cœur, car les Black Seeds, comme les Fat Freddy’s Drop avant eux (un autre groupe néo-zed qui avait emballé le public de Rock en Seine en 2010) ont livré un set impeccable et généreux dans une ambiance bonne enfant incroyable que je ne m’attendais pas à retrouver dans un festival de cette taille. Visiblement très content d’avoir quand même du public malgré la concurrence des Black Keys, les gars ont déroulé un reggae lustré et profond avec un plaisir évident pour les quelques dizaines d’Happy Few qui avaient fait le déplacement. 45 minutes passées dans un univers parallèle, cosy et chaleureux (et pourtant, il a plu à la fin du show!), plus proche de l’intimité d’une Maroquinerie, d’un Point Éphémère ou d’une Flèche d’Or que du gigantisme parfois un peu pesant du parc de Saint Cloud. Ce n’est pas souvent que l’on voit les techniciens danser dans les travées backstage, et c’est précisément ce qui s’est passé pendant le concert, un spectacle qui n’a fait qu’ajouter un peu à la douce euphorie générale de l’ensemble. Le genre de prestation qui vous réconcilie avec la musique live, si besoin était. Very well done, Wellington.

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Décidément, c’est l’année des tumeurs cérébrales funky (my eye is my sanctuary)

La journée se termine avec un pèlerinage initiatique jusqu’à la scène Pression live, sur laquelle MARK LANEGAN, poète rock buriné à la voix calleuse, doit défendre son dernier disque, le formidable même si légèrement désespérant Blues Funeral (rien que le titre annonce la couleur). Programmé sur un créneau horaire (ooh30-01h30) où l’on s’attend plus à entendre des DJs que de la musique live jouée sur de vrais instruments, et où pas mal de festivaliers n’aspirent plus qu’à aller se coucher après des heures passées à crapahuter de scènes en scènes, les organisateurs ont eu un coup de génie pour attirer tout de même quelques (jeunes) curieux. Ça se passe sur la présentation de l’artiste du livret, je cite: « L’Américain pionnier de la culture grunge […] celui qui fut l’ami de Kurt Cobain… » Bref, de quoi appâter quelques cohortes de nostalgiques des 90’s poisseuses et white trash, à l’époque où porter des jeans troués, des sweats informes et des cheveux graisseux était considéré comme le summum du bon goût.

Seulement, il faut bien se rendre à l’évidence: si Mark Lanegan a bien été l’homme décrit dans le livret, la musique qu’il joue maintenant, et depuis un bon paquet d’années, n’a pas grand chose à voir avec les galettes de Nirvana ou de Pearl Jam. Il ne faut sans doute pas chercher plus loin la cause des nombreuses défections de spectateurs pendant le concert, qui ont estimé, peut-être à raison, avoir été trompés sur la marchandise. D’autant plus que Mark n’a rien fait pour convaincre les indécis de lui donner une deuxième chance: planté devant son micro pendant tout le concert, une étrange casquette de gangsta rap vissé à l’envers sur la crinière, le seul mot qu’il a prononcé en dehors des textes de ses morceaux fut un « merci » enroué à mi-parcours. Il s’est donc montré plus loquace que Dylan aux Vieilles Charrues, mais de pas grand chose. Ajoutez à cela les moues renfrognée, digne d’un Rambo s’apprêtant à s’auto-cautériser avec la poudre d’une de ses cartouches, dont il n’a cessé de régaler le public pendant une heure, et vous comprendrez sans peine pourquoi seuls les fans convaincus étaient encore présents à sa sortie de scène.

Mais pour ceux-là, nul doute que la prestation de Mark et de son band, emmené par un guitariste lead à la croisée de Jamie Hince des Kills et (du fantôme) de Johnny Cash aura été convaincante. Car si le bonhomme n’est pas très causant, il a tout de même de sacrées bonnes chansons, délivrées avec ce mélange de finesse et de rugosité dans laquelle on peut retrouver aussi bien la gouaille d’un Tom Waits que l’élégance d’un Chris Rea. Grandiose. N’étant familier que de son répertoire le plus récent, j’ai particulièrement aimé le final du concert, pendant lequel se sont enchaînés comme dans un rêve le rock bluesy de Riot In My House, les beats mélancoliques de Ode To Sad Disco, et les guitares célestes et pensives du magnifique Harborview Hospital. À peine le temps de respirer (et d’applaudir) que Mark persistait et signait avec un Tiny Grain Of Truth lancinant et hypnotique à souhait. On a vraiment bien fait de rester jusqu’au bout.

La photo d’art c’est facile, il suffit d’un boîtier bas de gamme et d’une luminosité baroque.

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Ce samedi s’achève donc sur une note très positive, grâce à trois derniers concerts variant de la bonne surprise (Noel Gallagher High Flyin’ Birds) au pur moment de magie (Mark Lanegan Band), en passant par une belle découverte (The Black Seeds). Au chapitre des « + », on peut évidemment rajouter les prometteurs Of Monsters And Men en tout début d’après-midi, qui aura tout de même fortement pâti de notre incapacité à nous fixer une fois pour toutes (TOY, Alberta Cross, Hyphen Hyphen, dEUS), de problèmes techniques (The Temper Trap) et, ironiquement, du franc et chaud soleil d’Août, qui favorise plus la torpeur que la communion musicale (Caravan Palace). Merci samedi, et vivement dimanche.

PS:Comme la dernière fois, les lecteurs de bons goûts feront un tour sur le compte-rendu de la journée publié sur mywonderwall.fr, qui prennent de belles photos, font de chouettes vidéos et rendent leurs papiers dans les temps, eux.

ROCK EN SEINE – JOUR 1 (VENDREDI)

110 000. C’est le nombre de festivaliers qui ont déferlé sur le domaine national de St Cloud le week-end dernier, tel un troupeau de criquets sur le chemin de la migration ou un nuage de lemmings dans un champ de maïs. Record d’affluence battu pour le dixième anniversaire de la manifestation, je dis bravo. En compagnie des 109 999 autres individus susnommés, j’ai eu la chance, la joie et l’honneur de fouler de mes semelles la terre martyrisée de cet immense pré carré dans lequel les Parisiens non mélomanes parquent leur congénères pendant trois jours pour pleurer en paix sur l’été qui s’achève. Et bien vous savez quoi? Ils auraient mieux fait de venir au lieu de se morfondre intra-muros. La preuve:

Arrivés sur le champ de bataille aux alentours de 16h30 (autant pour mon magnifique programme soigneusement mis sur pied avec une rigueur absolue, amputé de ses deux premiers artistes à cause d’un virage à droite effectué un carrefour trop tôt… menfin, c’est la vie), nous ne vîmes donc point ni les petits frères Canadiens de Green Day (BILLY TALENT, qui s’il est talentueux, doit également être légèrement schizophrène pour porter un tel nom) cracher leur punk rock juvénile épico-communiste, ni l’énigmatique OWLLE chanter ses non moins énigmatiques compositions (comprendre ici que le chroniqueur a eu bien du mal à se rencarder sur la musique proposée par la rouquine à frange, et pourtant, il – donc je – est/suis dur au mal).

À peine le temps de verser et sécher quelques larme sur la cruauté du monde, nous voilà partis en direction de la scène de l’Industrie, sur laquelle l’abominable duo des neiges devait faire une apparition fugitive avant de repartir dans sa tanière. Bref, nous sommes allés voir YETI LANE (à ne pas confondre avec Herman Dune, autre duo français très porté sur les bipèdes misanthropes à poils longs). Et moi, j’ai plutôt aimé, à la différence de mes deux comparses, quelque peu désemparés par les longues envolées planantes et monochromatiques distillés par Ben (guitare, claviers, cheveux) et Charlie (batterie, amplis, lunettes de soleil). Car contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, le yéti est un être sensible et contemplatif, qui préfère laisser le vent mauvais lui souffler dans la toison pendant qu’il contemple une mer de nuages du haut d’une falaise solitaire (pourquoi croyez vous qu’il habite en montagne?) plutôt que de l’agiter en tout sens dans d’ineptes séances de headbanging. En plus, ça fait des nœuds dans les poils.

Cette condition ayant été posée, rien n’empêche le spectateur de survoler les contreforts de l’Himalaya en compagnie du tandem parisien, pas franchement causant mais parfaitement maître de son son. Mention spéciale à Charlie, au toucher d’une précision et d’une netteté digne d’Echo (et de ses Bunnymen). Et ça tombe plutôt bien, puisqu’une bonne partie des morceaux joués lors de ce (court) set provenaient du deuxième opus du groupe, The Echo Show (#HabileTransition). Peu familier de cette partie de leur répertoire, je suis content qu’ils choisissent de compléter leur prestation par quelques titres extraits de leur première galette éponyme. La demi-heure réglementaire écoulée, les deux yétis repartent piller le Monoprix le plus proche sur un ultime Strange Call. J’aurais bien rempilé pour un quart d’heure supplémentaire, mais le programme de la journée est chargé, et il est temps de se tourner vers la scène de la Cascade où le concert « création » de cette dixième édition de Rock en Seine est en passe de débuter.

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Sur l’estrade, l’ONDIF craquète, frémit, trompette et glapit dans l’attente des GET WELL SOON. L’ONDIF? Non, ce n’est pas un Pokémon de type eau, ni un magasin spécialisé dans la vente de jets d’eau d’agrément par correspondance. Bien essayé. L’ONDIF est la forme ramassée du nom de l’Orchestre National D’Ile de France, formation créée en 1974 avec la noble tâche de – je cite – : « diffuser l’art symphonique sur l’ensemble du territoire régional et tout particulièrement auprès de nouveaux publics. » Bref, toi le jeune de banlieue en jogging et casquette Ünkut, toi pour qui la controverse musicale la plus importante de l’époque est l’opposition entre l’East Coast de Biggie et la West Coast de 2Pac, toi pour qui le basson est une race de chien (« l’espèce de saucisse de Télé Z, sisi! ») et qui croit que Mozart a composé l’Assasymphonie pour clasher les haters, rapproche-toi et ouvre grand les oreilles. L’ONDIF, emmené par son chef Enrique Mazzola, va s’employer à te faire découvrir la grande musique, comme les missionnaires européens sont partis évangéliser les autochtones au cours des derniers siècles.

La tâche promettant d’être rude, l’ONDIF s’est adjugé l’aide d’interprètes afin de s’adresser au public dans une langue connue de ce dernier: le rock. Ce sont donc les Allemands de Get Well Soon qui se chargeront d’appâter les spectateurs, pas forcément enclins à assister de plein gré à un concert purement symphonique. Ça a bien marché avec le concert d’Archive l’année dernière, alors…

Pas de chance, l’arrivée de Konstantin Gropper, aussi livide qu’un jeune allemand féru de philosophie et de musique classique puisse l’être, et de ses troupes se fait sous la pluie, et ce sera sous l’ondée que l’ONDIF se produira cette année. Excentrés sur le côté gauche, relativement à l’abri sous les arbres qui délimitent la scène de la Cascade, nous assistons à la performance de l’ensemble germano-francilien avec un détachement de plus en plus affirmé. En cause, la distance, la pluie, le va et vient incessant des curieux et des déçus, sans oublier le moment où, à cause d’un spectaculaire « ombrella happening », la scène disparut carrément de notre champ de vision derrière une forêt de baleines (et oui, j’ose).

Umbrella, brella, brella (air connu)

Umbrella, brella, brella (air connu)

Ajoutez au tableau la voix « diesel » de Konstantin, qui mit vingt bonnes minutes à se chauffer, et le manque de tranchant et d’impériosité des interventions de l’ONDIF (personnellement, je considère comme anormal le fait qu’une simple guitare électrique puisse faire plus de bruit que toute une section de cordes, ou qu’un clavier puisse tenir la dragée haute à une demi-douzaine de cuivres), et vous comprendrez que notre impression finale ait été un tiède « sympa mais sans plus ». Dommage, car les quelques morceaux de Get Well Soon que j’avais écouté la semaine précédent Rock en Seine m’avaient plutôt plu. Dans le sous-genre de la pop lyrique et mélancolique, romantique en un mot, Herr Gropper promène sa douloureuse élégance avec une facilité scandaleuse, comme le prouve suffisamment son dernier album, The Scarlet Beast O’Seven Heads (disponible en France depuis le début de la semaine). Comme une envie de retenter ma chance lorsqu’il repassera à Paris à la fin du mois d’Octobre (31 Octobre, à la Gaité Lyrique)…

18h45 (car il faut bien un quart d’heure pour se faire servir une bière aux buvettes de Rock en Seine), nous voilà devant la grande scène pour le concert de DIONYSOS (à mon grand regret). J’avais prévu d’utiliser ce créneau horaire pour bien se placer pour THE SHINS, mais la démocratie (ou plutôt, la tyrannie de la majorité) en a décidé autrement. Nous arrivons juste au moment ou l’ineffable Mathias Malzieu invite les spectateurs du premier rang à braver les gorilles de la sécurité pour venir rejoindre le groupe sur scène danser le Bird’n’Roll. Intention louable et généreuse de communier avec son public et d’offrir à une poignée de chanceux un souvenir impérissable de leur 24 Août 2012, mais rien à faire, je ne perçois que le côté démagogique de la manœuvre. Et je m’interroge: qu’est-ce que les pauvres Dionysos ont bien pu me faire pour que je les déteste autant?

Mathias attend la vague (ça m'aurait dit de pas venir)

Mathias attend la vague (ça m’aurait dit de pas venir)

À vrai dire, je ne le sais pas très bien. D’accord, les paroles de leurs chansons rivalisent souvent avec celles d’Indochine dans le non-sens pseudo-poétique (« une fille en forme de fée »? WTF?) et la voix du sieur Malzieu me tape assez vite sur les nerfs, mais bon, ça n’explique pas tout. Il y a aussi la déception que m’a causée La Mécanique du Coeur, que j’espérais être un concept album digne de cette appellation, surtout que mon icône absolue, l’insurpassable Bashung, y faisait l’une de ses dernières apparitions (et je dois dire que le morceau dans lequel il apparaît, La Panique Mécanique, est la meilleure du CD), mais qui s’est révélé être une suite de chansons bancales plus ou moins bien intégrées à la trame narrative (un hamster qui s’appelle Cunnilingus… quel rapport avec le reste de l’intrigue?), dans laquelle ne surnageait guère que Tais-toi mon cœur et le duo précédemment cité. Pour finir, tout le monde semble trouver ce groupe génial, ce qui me chagrine au plus au point. Généreux oui, génial non.

Bref, j’ai supporté avec stoïcisme la fin du concert des Valençois, dont une grande partie fut dévolue à l’aller retour en slam de Mathias jusqu’à la tour régie, performance qui force le respect et montre à quel point le bonhomme est familier de l’exercice du bain de foule (ou du surf digital, c’est selon). Nous eûmes également droit à un solo de perceuse effectué dans les règles de l’art, qui m’aurait presque arraché un sourire pour tout autre groupe, mais là, décidément, je n’y arrive pas. Reste qu’on ne peut pas enlever à Dionysos l’énergie dépensée au cours de leur prestation, qui fut très favorablement accueillie par le reste du groupe. Personnellement, j’étais plutôt que le concert se termine pour retourner à la cascade écouter les Shins.

Un petit côté Kevin Spacey, ikke sant?

Les Shins justement, parlons en. Voilà un groupe qui sait gérer sa communication en direction des gens qui, comme moi, ne les connaissaient pas du tout (ou si peu) avant Rock en Seine.  À l’occasion de la sortie de leur dernier opus, Port of Morrow, en mars dernier, toute la presse spécialisée s’était empressée de relayer l’information en termes onctueusement laudatifs. Je suis donc bien forcé d’apprendre que le groupe d’Albuquerque (comme la chanson de Neil Young) est une force qui compte sur la scène du rock indie yankee, avec un statut de groupe « d’initiés » (comprendre qu’il faut creuser un peu pour entendre parler de ces gonzes) à la carrière parfaite à filer les boules à tous les U2, Coldplay et Depeche Mode de la terre. Aux commandes de la machine, un certain James Russell Mercer, véritable maître du bord n’hésitant pas à renouveler complètement l’équipage d’album en album pour mieux poursuivre sa muse. La dernière livraison de la quintette, Wincing The Night Away, datant de 2007 et ayant été unanimement saluée par la critique, Port of Morrow est donc attendu de pied ferme par tout ce que le 21ème siècle compte de chroniqueurs rock, rétribués ou pas. À l’écoute, le single Simple Song se révèle effectivement plaisant, pas révolutionnaire dans son approche, mais soigneusement construit et totalement maîtrisé. Ce sera en grande partie ce titre qui me poussera à coucher le nom des Shins sur ma road-map clodoaldienne (si si, c’est le vrai gentilé).

Au final, nous nous retrouvons devant la scène de la cascade, décorée pour l’occasion d’un fond de scène astral (lune et étoile), et devant lequel Jason et ses zicos sont déjà à pied d’œuvre. Ces derniers auront la gentillesse de jouer la Simple Songattendue pas trop longtemps après notre arrivée, histoire de nous fournir un mètre-étalon de leur musique à utiliser pour juger de la qualité de leurs autres compositions. Et, rien à dire, le set se révèle être très homogène dans sa composition, un peu trop même, puisqu’il ne convaincra pas mes camarades de rester jusqu’au bout (il faut dire qu’ils étaient venus pour PLACEBO, et qu’il fallait donc sécuriser une place pour ce show). Il est vrai que les chansons de The Shins, du moins celles que j’ai eu le temps d’écouter, se ressemblaient beaucoup. Pas au point qu’on les confonde, mais assez pour rebuter le novice, qui estimera avoir fait le tour de la question en un quart d’heure et partira vers d’autres cieux et scènes voir si le rock est plus vert (et en verve) ailleurs. Sentiment mitigé donc, avec un vague arrière-goût de rendez-vous manqué avec un groupe dont je n’ai pu qu’apercevoir le côté novateur et génial sans pouvoir (ni vouloir, c’est vrai, je l’avoue) trop m’attarder sur la question.

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BLOC PARTY. Encore un groupe que je n’avais pas prévu de voir à Rock en Seine, mais il faut savoir s’adapter aux circonstances. Et, pour l’occasion, ces dernières étaient plutôt en faveur des quatre petits gars d’Essex, que je n’avais pas trouvé très à leur avantage lors de leur passage à Carhaix plus tôt dans la saison. Doit-on mettre ce regain de forme et d’inspiration sur des facteurs endogènes ou exogènes (je peux maintenant l’avouer: j’ai lancé ce blog uniquement pour pouvoir utiliser ces deux termes dans un contexte non académique) au groupe, mystère et boules de gomme, toujours est-il que le show proposé par Kele et ses trois compères s’est révélé être de haute volée, et tout à fait digne de ce que le public était en droit d’attendre d’une des têtes d’affiche du festival.

Rock en Seine, le festival qui pense aux chroniqueurs qui ont des appareils bas de gamme...

Rock en Seine, le festival qui pense aux chroniqueurs qui ont des appareils bas de gamme…

Pour ma part, je serai prêt à hasarder une pièce sur la disposition particulière de la grande scène de Rock en Seine, bien plus artist friendly que la scène Kerouac des Vieilles Charrues. Contrairement à cette dernière, en effet, la perspective étroite et délimitée par une rangée d’arbres d’un côté et des paravents de l’autre donne vraiment l’impression au groupe sur scène d’être seul au monde, alors que le vis-à-vis avec la scène Glenmor aurait plutôt tendance à rappeler aux artistes se produisant sur Kerouac qu’ils ne sont qu’une ligne d’un programme en comptant des dizaines. À cet égard, St Cloud est royal pour l’ego. Et quand le public se masse sur le pré, l’étroitesse de ce dernier permet de jouer devant une foule très profonde, ce qui est évidemment plus flatteur que la disposition vaguement circulaire et assez relâchée qu’adopte naturellement l’assistance d’un concert de plein air.

Bref, tout était en place pour que les créateurs du fameux Banquet remettent le couvert de belle manière à Rock en Seine, trois ans après leur dernier passage. Et dans leur rôle de première Party de luxe, les Bloc ont assuré. Qu’ils puisent dans la partie rock ou electro de leur repertoire, Kele et consorts ont su adapter leurs morceaux choisis au cadre monumental et à l’humeur festive du public, pour un résultat toujours pêchu et entraînant. Même les premiers rangs, que l’on devine être venus pour Placebo, ne boudent pas leur plaisir et se acceptent volontiers de se piquer au jeu de la foule conquise et sautillante*. Sur scène, Mr Okereke et sa grande bouche ne ménagent pas leurs efforts (craquage de chemise littéral à la clé), tandis que Russell Lissack distille ses riffs imparables avec un métier qui me surprendra toujours au vu du look de lycéen shoegazer que le gratteux en chef de la bande se plaît à cultiver depuis les débuts du groupe. Cerise confite sur le pudding, le soir tombe juste à temps pour permettre au public d’apprécier les jeux de laser qui agrémentent les derniers morceaux du set. À la fin de ce dernier, Bloc Party repart avec le sentiment du devoir accompli. Difficile de ne pas leur donner raison.

*: et à y repenser, un tel engouement n’est pas si étonnant que cela, puisque le premier – et meilleur – album de Bloc Party, Silent Alarm, est sorti en 2005, c’est à dire juste entre l’énorme Sleeping With Ghosts (2003, 2004 pour la version avec les Covers) et le décadent Meds (2006) du trio londonien: pas vraiment la même musique, mais la même époque, et comme les fans de Placebo ont la nostalgie facile…

 

This awkward moment when… tu réalises que tu ne verras pas SIGUR ROS cette année à Rock en Seine. D’après les retours de la plupart des gens qui ont eu cette chance, j’ai vraiment raté quelque chose, ce que je peux très bien comprendre: Jonsi, en solo et sans ses instruments « électroniques » (oubliés quelque part entre Lisbonne et Paris au moment du concert) avait déjà réussi à faire planer tout le parc de St Cloud il y a deux ans, alors avec le renfort de Goggi, Kjarri et Orri (les trois nains islandais recalés au casting de Bilbo le Hobbit), je ne peux qu’imaginer le feu d’artifice que ça a du être. Laisser moi pleurer dans un coin en écoutant Inni (il va falloir que je prenne le temps de pencher une oreille sur cette galette achetée à vil prix dans une FNAC il y a quelques semaines), ça vaudra mieux.

On va dire que c’est une vision d’artiste de la musique du groupe…

Le bon côté de la chose a été que j’ai pu assisté au concert de PLACEBO pas trop trop loin de la scène. Évidemment, il suffit d’un spectateur un peu plus grand que soi-même pour réduire cet avantage à néant, et évidemment, ça n’a pas manqué, mais bon, l’ambiance « au cœur du public », ça compte aussi, et pour le coup on a été servi. Car malgré la désaffection d’une partie des fans de la première heure depuis la sortie de Battle for the Sun, album marquant le début d’une certaine décadence, ou du moins, d’une remise en question profonde, de la part du groupe (départ du batteur Steve Hewitt, paternité de Brian Molko, ajout de cordes et de cuivres sur certains morceaux…), Placebo conserve une côte de popularité indéniable auprès du public, qui s’est déplacé en masse pour entendre les hymnes glam-goth qui ont servi de bande-son à la fin du deuxième millénaire et le début du troisième.

Certes, le trio remanié n’a plus rien proposé de nouveau depuis trois ans, et se contente de vivre sur sa propre légende en replissant un stade ou servant de tête d’affiche à un festival de temps à autre. Certes, le concert s’annonce sous des auspices menaçantes (Brian est en délicatesse avec sa voix – une « grenouille dans la gorge » dixit lui-même – ) et sent le réchauffé avant même d’avoir commencé, au vu du pilote automatique enclenché par le groupe depuis quelques mois. Certes, le gars Molko ressemble maintenant plus à Greg Dulli qu’à l’icône androgyne qu’il incarnait au début des années 2000. Mais tout de même, Placebo a écrit suffisamment de bonnes chansons en ses années fastes pour qu’on prenne le temps de se pencher sur son cas sans prononcer la sentence avant la tenue de l’audience.

Et au final, Placebo fait toujours son petit effet (jeu de mot facile et foireux). Brian, sans livrer une prestation dévastatrice, a assuré toutes ses parties vocales avec facilité, ne refusant l’obstacle que sur les hauteurs du I Know (16 ans depuis la sortie du premier album tout de même… il a du en fumer des clopes depuis). Torse nu au fond de la scène,  Steve Forrest martèle ses fûts sans états d’âme, son look de barbare howardien ne contrastant plus tant que ça avec l’esthétique du reste du groupe. Il faut dire que le temps du power-trio emo-goth est révolu depuis longtemps, au profit d’une efficacité scénique incontestable mais quelque peu dénaturée. Les nostalgiques peuvent toutefois se consoler avec Stefan Olsdal, qui n’a pas bougé, ou si peu, depuis la période de Nancy Boy, et enchaîne grands écarts et fentes avant sur scène comme quand Placebo était l’étoile montante de la nébuleuse de l’indie rock.

Après une heure de show maîtrisé de bout en bout (et pour cause, la setlist n’a pas bougé depuis un mois), première sortie de scène pour le groupe, qui revient bien vite livrer un rappel un poil plus surprenant que la rétrospective offerte par la bande à Molko auparavant (rétrospective bien trop centrée sur Battle for the Sun à mon goût, avec pas moins de cinq morceaux – dont l’horrible chanson titre – sur quatorze tirés de cet album), avec en ouverture le toujours appréciable Running Up That Hill (A Deal With God) emprunté à Kate Bush. Suivront un inédit, B3 (ça fait plaisir d’apprendre qu’ils ont composé au moins un titre durant les trois dernières années), jamais joué en France auparavant d’après Brian, dont le français impeccable explique peut-être pourquoi le public de l’Hexagone lui reste encore si fidèle; et un Infra-Red sur lequel les lasers utilisés par Bloc Party feront un retour remarqué. À 23h30, l’histoire est pliée et Placebo quitte Rock en Seine pour de bon. Ils étaient les derniers programmés sur la grande scène le vendredi soir, mais il n’y a eu que les fans les plus fleurs bleues pour espérer une troisième mi-temps impromptue, en hommage à l’époque où le groupe tournait ses live à Paris et invitait Franck Black à le rejoindre pour un Where Is My Mind d’adieu. Un autre temps…

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En fin de compte, une première journée mitigée, avec quelques bonnes surprises (Yeti Lane, Bloc Party), des prestations honnêtes mais pas transcendantes (Placebo, Get Well Soon), des trucs que j’aurais pu aimer (The Shins) ou détester (Dionysos) plus que je ne l’ai fait, en d’autres circonstances, et quelques rendez-vous manqués (Billy Talent, Grimes, Sigur Ros). Un début en demi-teinte, mais comme aurait pu le dire Thoreau au Rock en Seine de 1854 (si Rock en Seine il y avait eu): « qu’importe si le début semble petit ».

PS: Le lecteur souhaitant en savoir plus sur cette première journée serait bien inspiré de faire un tour sur myonderwall.fr, dont les rédacteurs sont des gens sérieux, cultivés et pleins d’humour, comme leurs compte-rendus le laissent bien paraître.

W.H.A.T.T. (I.F.): Silence, je révise!

Et voilà. À chaque fois, c’est la même chose. La programmation finale du festival vient de tomber, vous êtes devant votre ordinateur et contemplez d’un air gourmand la grille horaire complète des festivités à venir. Seulement, il faut bien se rendre à l’évidence: sur les 50+ artistes bookés, vous ne devez en aimer que 10%, être plus ou moins familier avec un autre 20%, et avoir lu une ou deux fois le nom de 30% du reste. Ce qui vous laisse avec 40% de parfaits inconnus (admirez au passage la magnifique progression 10/20/30/40)..
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Face à cette situation, deux types de réaction:
1) « Bah, c’est pas grave: je fais mes concerts (sous-entendus, je vais voir les 10% pour lesquels j’ai acheté mon billet) et avec un peu de chance, je tomberai bien sur des groupes sympas pendant les heures creuses. »
2) « Raaah, mais ils font chier les orgas à donner les infos au dernier moment! Je vais encore être obligé d’enquiller les nuits blanches pour me faire une idée sur tout le monde avant de venir. »
Ces temps-ci, je dois admettre que je me reconnais plus dans la seconde que dans la première catégorie, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Mes premiers festivals ont ainsi été marqués des sceaux de l’innocence et de la baguenaude, ce qui ne m’a pas empêché de faire de très belles découvertes de temps en temps.
Boum, un petit The Temper Trap à Rock en Seine en 2010, crac, un joli Concrete Knives aux Francofolies de 2011. Et en 2012… Rien en 2012. Enfin, si, plein de choses en 2012. Mais 99% mes coups de cœur avaient été soigneusement repérés bien avant le concert en question, si bien qu’on ne peut que difficilement les classer dans la première rubrique*..
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*: Ah, il y a tout de même eu le sympathique Rich Aucoin aux Vieilles Charrues.
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Dans mon cas, le déclencheur a été le festival de Steinkjer. Le raisonnement a été le suivant: « quitte à claquer 600 euros pour un week-end en Norvège, autant ne pas faire le voyage pour rien ». Avouez qu’il aurait été bête d’y aller les mains dans les poches et de se rendre compte une fois de retour dans l’Hexagone qu’on a raté le concert de the-groupe-de-la-mort-qui-tue parce qu’on cassait la croûte à ce moment là. J’ai donc fait ce que je n’avais fait auparavant pour un festival (un tableau Excel) et je me suis attelé à la tâche d’écouter la musique proposée par la grosse trentaine d’artistes programmés.
Heureusement pour moi, novice en la matière, les organisateurs avaient eu la riche idée de créer une playlist spéciale sur Spotify, ce qui m’a épargné la tâche fastidieuse de la réaliser moi-même. Ne restait plus qu’à l’écouter, encore et encore et encore, en relevant les noms des artistes les plus intéressants, jusqu’à avoir une idée précise du déroulé du festival. Je ne suis pas sûr que j’aurais découvert des groupes aussi intéressants que Bendik, Baskery, The Cute Crash Combo ou Hedvig Mollestad Trio sans cette préparation « rigoriste », et croyez bien que je m’en serais mordu les doigts après coup..
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Tout ça nous amène à la conclusion suivante: un bon festival, ça se prépare soigneusement en amont. J’ai essayé de couvrir précédemment toute la partie logistique des opérations, mais en ce qui me concerne, l’essentiel du travail s’effectue avec un casque sur les oreilles. Et, oui, je considère cette « révision » comme un travail, car cette besogne est longue, parfois fastidieuse (quand les orgas n’ont pas trouvé utile de créer une playlist, et que 75% des liens qu’ils ont mis sur leur site ne marchent pas…) et nécessite une concentration minimum pour être menée à bien. Pas toujours une partie de plaisir donc, mais comme ils le disent de l’autre côté de l’Atlantique: no pain, no gain..
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Vendredi prochain,
ce sera Rock en Seine. Je ne sais pas pour vous, mais ce festival a toujours un arrière-goût de fin de vacances pour moi. Alors, histoire de terminer la saison des concerts de masse et de plein air en beauté, faisons les choses dans les règles et révisons en profondeur pour arriver au parc de Saint Cloud totalement maîtres de notre sujet..
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I) Trouver la grille horaire complète du festival
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3 jours et 61 concerts… Pas sérieux, s’abstenir.

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II) Sélectionner les concerts que vous voulez faire à tout prix

Généralement, ils ne sont pas très nombreux. Je parle bien des artistes que vous suivez avec attention, et que vous iriez revoir en concert le jour d’après avec joie..
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Dans mon cas, on a Sigur Ros, Placebo, The Temper Trap et The Waterboys (oui je sais, j’ai très bon goût)

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III) Compléter avec les concerts que vous aimeriez faire « en curieux »

Pour coller à notre cas de figure, j’ai sélectionné un bon paquet d’artistes, pour des raisons diverses:

– J’ai un CD d’eux que je trouve sympa, mais pas transcendant non plus: Yeti Lane, Deus, The Bewitched Hands, Noel Gallagher, The Black Keys, Mark Lanegan, Green Day

– Ils ont une très bonne presse dans les médias musicaux que je consulte régulièrement (magazines, webzines, blogs, radio, télé…): The Shins, Of Monsters And Men, Alberta Cross, Hyphen Hyphen, Caravan Palace, Deus, Ed Sheeran, The Black Keys, Mark Lanegan, Stuck In The Sound, Foster The People

– Ce sont des « grands noms » qui ne passent pas souvent en France et/ou dont les places de concert coûtent assez chers: Bloc Party, Noel Gallagher, The Black Keys, Green Day

– Je les ai déjà vus sur scène, et c’était pas (trop) mal: Bloc Party, Caravan Palace, The Bewitched Hands, Stuck In The Sound

– J’aime bien un de leurs morceaux (sans connaître le reste): The Shins, Bloc Party, Of Monsters And Men, Foster The People

– …

Comme vous pouvez le voir ci-dessus, certains artistes se retrouvent dans plusieurs catégories, ce qui les place évidemment en tête de ma shortlist. Et comme vous pouvez le voir ci-dessous, certains concerts ont lieu sur le même créneau horaire, ce qui va poser problème….
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IV) Isolez les tranches horaires où « vous n’y connaissez rien » et rencardez vous sur les artistes programmés

La plupart du temps, ce sont les débuts d’après-midi qui nécessitent ce type d’enquêtes plus poussées, puisque les têtes d’affiche trustent les soirées. Pour progresser efficacement, soyons organisés: le premier contact se noue généralement sur la page dédiée par le festival au groupe/artiste inconnu dont il est question. Même si les bios qui illustrent ce genre de publications sont la plupart du temps bien trop laudatives pour qu’on puisse en tirer grand chose, elles vous apprendront au moins le style pratiqué par l'(es) invité(s) mystère(s). Plus constructif, un morceau « représentatif » accompagne souvent l’article, et pour peu que le lien fonctionne, vous pourrez faire une première idée sur la question.

Pour aller plus loin, I-tunes est bien pratique, puisqu’il permet d’écouter entre 30 » et 1’30 » de chaque chanson du groupe/artiste. Prenez l’album le plus récent de ce dernier (puisqu’il s’agira certainement de celui dans lequel il tirera le plus de morceaux pour le set), lancez une lecture de tous les extraits disponibles et jugez sur pièce. YouTube, Spotify et Deezer sont également pratiques pour approfondir les titres les plus prometteurs*.

*: Certains artistes qui viennent juste de commencer leur carrière ne sont répertoriés nul part sur le web. Avec un peu de chance, ils auront pensé à proposer leur musique à l’écoute sur leur site personnel, mais ce n’est pas le cas de tous. Et bien, tant pis pour eux..
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V) Sélectionnez les artistes que vous voulez voir dans les plages définies à l’étape précédente

Si vous arrivez à remplir tous les vides, bravo! Mais comme on a parfois le choix de l’embarras plus que l’embarras du choix, ne rien sélectionner peut s’avérer être la meilleure alternative possible. L’occasion de faire un tour aux stands, d’arriver plus tôt pour avoir une bonne place pour le concert suivant, ou encore de rentrer se reposer pour attaquer le jour suivant en pleine forme..
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Vendredi entre 18h30 et 19h: le rock aviaire de Dionysos ou le hip hop bangesque de The Knux? Ni l’un ni l’autre…

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VI) Vérifier que les choix de l’étape II) valent vraiment le coup en les comparant aux inconnus programmés sur les mêmes tranches horaires

L’étape la plus longue, la plus fastidieuse, mais également celle qui vous permettra de faire un paquet de belles découvertes. Courage!.
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VII) Arbitrer les incompatibilités horaires restantes avec les oreilles… Vous avez votre roadmap! .
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Ah… ces concerts qui se chevauchent de quelques minutes. Un grand classique des festivals. Ajoutez à l’équation l’éloignement entre les scènes, et vous vous rendrez compte qu’à moins de maîtriser l’art délicat de la téléportation, vous allez forcément rater des petits bouts de sets de ci de là. Ce qui vous dire que vous allez devoir choisir si vous préférez sacrifier la fin d’un show pour ne pas rater le début du suivant sur votre liste, ou le contraire. Ce n’est jamais évident, mais ça fait partie du jeu*.

*: Et pour ceux qui ne veulent pas rater la chanson pour laquelle ils ont choisi de voir un concert, le site setlist.fm est un must. Il y a encore des artistes qui changent de setlist tous les soirs, mais (faut-il en rire ou en pleurer?), ces empêcheurs de planifier en rond sont assez rares..
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Le bras de fer entre The Bewitched Hands et Deus a vu la victoire des Belges. Faut dire qu’ils y sont allés à 4 mains (huhu)…

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VIII) Se faire une playlist récapitulative du programme et se la passer en boucle pour être au top le jour J

La « révision » proprement dite. Vous allez me dire qu’une fois que l’on sait que l’artiste est bon, ça ne sert pas à grand chose d’apprendre tous les morceaux qu’il joue par cœur. Vous avez parfaitement raison. Ça doit être mon côté FBDM….
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Bref, après bien des efforts, vous voilà avec une magnifique roadmap personnalisée du festival. Félicitations, vous pouvez être fiers de vous! Vous voilà prêt à enquiller les concerts avec l’assurance et l’optimisation d’un vieux briscard. Vous avez toutes les cartes dans les mains pour passer un super week-end musical, reste à espérer que la météo soit de votre côté….
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The long and winding road…

W.H.A.T.T. (I.F.): You will cry if you forget this (Part 2)

Have you learned your lesson?* Car les choses sérieuse commencent maintenant. Aller à un festival est en effet une chose assez intuitive pour toute personne ayant l’habitude de faire des concerts dans l’année. Certes, ça dure plus longtemps, il faut sans cesse marcher et, parfois, il pleut. Mais dans l’ensemble, la similitude entre ces deux types d’évènements est assez grande pour que les rats de salles se muent en rats des champs sans trop de problèmes.
À ce titre, le précédent article a sans doute été perçu par une partie du pointilleux et affuté lectorat que j’ai la chance d’avoir (j’ai tous les noms sur mon cahier) comme une session effrénée d’enfonçage  de portes ouvertes (et surtout, n’oubliez pas de prendre de l’eau et de quoi manger… « C’est moi où il me prend pour un abruti, le père Schattra? »).Allez, ne mentez pas, vous l’avez pensé très fort derrière votre écran. Je ne vous en veux pas, j’aurais réagi exactement de la même façon.
Mais voici le moment où l’exposé pontifiant s’élève légèrement au dessus du niveau des pâquerettes, puisque nous allons poursuivre notre exercice avec la checklist de tous les objets que le festivalier devrait avoir avec lui quand il choisit de vivre son expérience à fond, c’est à dire de planter sa tente au camping pour la durée du week-end. Aha. J’en vois déjà qui écoutent/lisent plus attentivement. Ils font bien, car à force de pratiquer cette forme si particulière d’hébergement, j’en suis venu à la conclusion suivante: c’est ce qui passe en camping qui décide du succès ou de l’échec du festival pour le participant.
Car on a beau venir plein de bonne volonté, et tout prêt à passer un super moment, si les pépins se succèdent dans l’éphémère ville de toile dans laquelle on a élu domicile, il y a fort à parier que le souvenir global que l’on retirera de l’expérience sera plus négatif que positif, et ce même si l’on assiste à de très bons concerts.
Alors bien sûr, je ne prétends pas que les quelques lignes qui vont suivre suffiront à elles seules à vous garantir un séjour absolument merveilleux parmi vos semblables festivaliers. Il y a bien trop de facteurs à considérer, bien trop de sources potentielles d’ennuis et de complications, pour être certain que tout va bien se passer de A à Z. Et puis, un aléa de temps en temps, ça permet de rester aiguisé, et ça fait de chouettes souvenirs en perspective à raconter aux générations futures quand elles seront en âge de partir en festival à leur tour (aaaah, la fois où j’ai fait tombé mon portable dans le trou de la toilette sèche… Depuis, j’ai fait posé une dragonne sur mon GSM, on n’est jamais trop prudent).

Mais comme un peu de planification et d’organisation a priori ne font jamais de mal, et que je crois fermement que nous sommes capables de tirer profit des expériences des autres, sans avoir à répéter les erreurs de nos aînés pour retenir les leçons qu’ils ont du apprendre de la manière forte (heureusement d’ailleurs… sinon on aurait droit à une guerre mondiale tous les 25 ans, juste pour le fun), allons-y gaiement pour une nouvelle checklist, spéciale camping de festival.

*: Comme je n’étais pas certain du caractère cristallin de la référence du titre de ce diptyque d’articles, je me permets de rajouter une couche en ouverture..
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JE PARS EN CAMPING DE FESTIVAL : CHECKLIST

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Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois que je vois ça, je pense au matos des Ghostbusters…

Qui dit camping dit tente, à moins que vous n’ayez la chance de faire partie de l’infime minorité des festivaliers qu campent en mobile-home (mais peut-on encore parler de camping?). Il vous faudra donc une tente pour commencer.
Si vous en avez déjà une chez vous qui pourrait faire l’affaire (évitez juste de partir en vadrouille avec la robuste et spacieuse – mais hyper lourde à porter et méga longue à monter – canadienne familiale… c’est fini les camps de beatniks dans le Lubéron), pas de problème particulier à ce niveau des opérations.
Mais comme la plupart des impétrants festivaliers campeurs sont des jeunes pas encore super équipés, il est plus que probable que vous échouiez au Décathlon quelques semaines/jours/heures/minutes avant le départ pour acquérir une fameuse Quechua 2 secondes. Il y a de fortes chances qu’elle soit verte. Si vous comptiez vous démarquez des tentes du voisinage, c’est raté.
Mais à côté de ça, ce modèle présente des avantages tels qu’on fait généralement fi du manque d’originalité. La Quechua 2 secondes est en effet très facile à (dé)monter, peu chère, plus robuste qu’il n’y paraît (même si on est jamais à l’abri d’un lot défectueux avec arceaux cassants… je vous conseille de faire quelques montages/démontages chez vous avant de partir, afin de vérifier que tout est ok de ce côté) et légère. Ses principaux défauts sont une absence de système de portage digne de ce nom, manquement particulièrement handicapant sur les plus grands modèles, et une ergonomie assez imposante en position repliée. Vous voilà prévenus*.

*: Il va de soi qu’il vaut mieux savoir comment replier la tente avant de partir en camping. Les premières tentatives ne sont en général pas très concluantes, mais une fois le coup de main pris, l’affaire se plie (huhu) en 15 secondes 2 minutes montre en main. N’ayez pas peur de tordre franchement les arceaux au moment délicat du « huit »: ils sont fait pour ça.

□ Tente

À gauche, le modèle 1 place. À droite, le modèle… 3 places. Oui, ça fait pas large.

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Vous avez maintenant une tente. C’est un bon début. À moins d’être un fakir avec des lombaires en acier trempé, il y a de fortes chances que vous souhaitiez aussi disposer d’un matelas, d’un duvet et d’un oreiller pour (essayer) de dormir. Profitez donc de votre balade chez Décathlon pour regarder les modèles proposés en magasin.

Le principal écueil ici est de sélectionner du matos avec un encombrement minimum, surtout si vous prévoyez de ne pas venir en voiture (et donc, aurez à porter vos affaires avec vous). Pris séparément, le matelas gonflable et le duvet de base sont en effet assez volumineux pour remplir les ¾ de n’importe quel sac, ou de monopoliser un bras chacun pour le portage. Pas glop. Même les espèces de cubes tout compris proposés par Décathlon représentent un volume assez importants, en plus d’être impossible à caser dans un sac à dos standard.
Pour ma part, j’ai opté pour un Sleepin’ Bed (on passera sur le nom particulièrement peu inspiré de l’objet), qui inclut à la fois un matelas (certes très fin), un coussin gonflable pour la tête et un duvet (très fin aussi) pour un prix, et surtout un encombrement très modéré. Comme l’ensemble se range en se roulant sur lui-même, il est très facile de le coincer en haut du sac, ce qui en fait un must absolu pour les baroudeurs aimant voyager léger et compact. Évidemment, une telle ergonomie se paie au niveau du confort, un matelas pneumatique de 3 cm d’épaisseur ne pouvant rivaliser avec des modèles quatre fois plus profonds. Mais pour un séjour d’un week-end, ça passe tout à fait.

□ Matelas, oreiller et duvet

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Terminons cette première partie consacré au « logement » par un petit accessoire souvent oublié, et qui, je l’espère, ne vous sera jamais utile: un cadenas. Pour fermer votre tente, oui oui.
Au risque de passer pour un misanthrope paranoïaque fini, j’affirme haut et fort que je ne campe jamais sans cette petite précaution, au pouvoir de protection tout relatif il est vrai (car ne nous voilons pas la face: un coup de couteau dans la toile de la tente, et la forteresse inexpugnable devient une ruine ouverte aux quatre vents), mais qui, on ne sait jamais, pourrait un jour décourager un visiteur non désiré (que ce dernier ait des intentions chapardeuses ou pas: l’alcool aidant, certaines personnes développent soudainement des comportements extrêmement… extravertis) de rentrer chez vous. Et puis, avec toutes ces tentes identiques, un cadenas vous donne un moyen d’identifier la vôtre à coup sûr, même à 4h du matin par une nuit sans lune.

*: Je pars du principe que si vous n’arrivez pas à ouvrir le cadenas, ce n’est pas votre tente (ou alors vous êtes complètement torché).
□ Cadenas

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Maintenant que vous avez réglé la question de l’hébergement, il est temps de passer à celle, à peine moins importante, de la toilette. La plupart des campings de festival proposant des douches à leurs utilisateurs (et même des douches chaudes pour certains d’entre eux!), plus d’excuse pour se vautrer dans sa propre crasse pendant tout un week-end. La crasse des autres est bien suffisante, croyez-moi sur parole.
Ce chapitre hygiéniste commence bien sûr par le paragraphe des vêtements de rechange. Sans vouloir paraître trop optimiste, l’été, saison des festivals, est généralement une période chaude de l’année, ce qui signifie, entre autres choses, qu’à moins de vous être préalablement roulé dans le talc jusqu’à ressembler à une sole meunière, vous risquez fort de transpirer. Mariner dans son propre jus pendant trois jours de suite n’étant pas une expérience des plus plaisantes, je préconise fortement d’emporter avec soi au moins autant de t-shirts, chaussettes et sous-vêtements que de journées de camping prévues. Si la météo est à la canicule, vous pouvez même prévoir plus large. Comme toute cette lingerie prend de la place dans le sac, on peut mettre la pédale douce sur le reste de la vêture, moins directement exposée aux conséquences corporelles des grosses chaleurs. Un seul jean et sweat-shirt (ou équivalents… vous pouvez favoriser le kilt et le poncho, à votre guise) devraient suffire le temps d’un week-end. Si vous êtes de nature confiante et peu frileuse, vous pouvez remplacez le premier par un short.

□ Vêtements de rechange

Hop, c’est parti pour un petit week-end (vendredi/samedi/dimanche/lundi).

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On continue avec l’indispensable trousse de toilette, qui vous permettra de tirer le meilleur des magnifiques infrastructures mises à votre disposition par les organisateurs. Dans la mienne, on peut trouver: du savon (en pain: rustique mais compact et durable), une serviette, une brosse à dents, du dentifrice, une brosse à cheveux et du déodorant. Basique, mais assez complet. Je suppose qu’on peut toujours trouver un peu de place dans le sac pour ajouter fond de teint, rouge à lèvre et mascara…
J’emporte aussi un sac poubelle, qui me sert de sac à linge sale et m’évite de transporter ce dernier à même le sac à dos une fois le festival fini.

□ Savon Serviette Brosse à dents Dentifrice Brosse à cheveux Déo Sac poubelle

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Avec tout ça, vous avez de quoi parer à la plupart des situations, mais vous pouvez faire encore mieux. La suite de la checklist sera donc consacré à tous les objets dont vous n’aurez pas forcément l’usage (ou ne pourrez pas toujours utiliser), mais qui, le cas échéant, vous rendront de fiers services. Comme je ne les considère pas comme absolument essentiels au bon déroulement du week-end, ce sont eux que je « sacrifie » en premier en cas de manque de place dans le sac à dos.
En vrac, on trouve donc dans cette catégorie fourre-tout: un masque de sommeil, de l’anti-moustique, mon(es) lecteur(s) MP3, le(s) câble(s) d’alimentation de ce(s) dernier(s), ainsi que l’adaptateur prise idoine (de plus en plus de trains sont équipés de prises de courant, ce qui permet de recharger les batteries sur le chemin… pour peu que les prises en question fonctionnent), le câble d’alimentation de mon portable, un livre… Impossible de faire le tour du sujet de manière exhaustive!

Dernier conseil: n’hésitez pas à laisser un peu de place dans votre sac, car 1) on est généralement beaucoup plus soigneux et ordonné dans la préparation de ce dernier à l’aller qu’au retour, ce qui se traduit par des volumes plus importants dans le deuxième cas 2) il n’est pas rare qu’on revienne d’un festival avec des souvenirs (éco-cup, t-shirt, CD, cochon empaillé…), alors autant prévoir un peu de place pour ces goodies.

□ Masque de sommeil Anti-moustique Lecteur MP3 Câble d’alimentation MP3 Livre       Adaptateur prise Câble d’alimentation portable 

J’ai perdu mon masque aux Vieilles Charrues et le spray anti-moustique a été saisi par la sécurité de l’aéroport de Trondheim… I miss you guys.

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Voilà qui conclut notre propos.Comme pour le précédent article, on se quitte avec un gabarit PDF qui récapitule toute la checklist et que vous pouvez utiliser librement si vous en avez l’usage. N’oubliez pas de m’envoyer une carte postale.

Checklist Camping Festival