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K.W.A.S.S.A.: TEN LOVE SONGS

TLSEt donc, le voici. Il était écrit dans les étoiles que le 6ème album de Susanne Sundfør, Ten Love Songs, serait celui du virage (ou du retour, selon les points de vue) pop. 3 ans après la sortie de The Silicone Veil, ce nouveau disque s’annonce d’ores et déjà comme un jalon important dans le parcours de la chanteuse de Haugesund, qui fête en 2015 ses dix ans de carrière. À quelques jours du lancement de la tournée promotionnelle européenne de Ten Love Songs (tournée qui ne passera pas, a priori par l’Hexagone, ou en tout cas pas tout de suite), premier retour sur cet album tant attendu.

Lundi 16 Février 2015. Le D-Day (ou SS-Dag, dans mon cas). J’ai reçu un mail le vendredi d’avant me prévenant que ma copie physique de Ten Love Songs avait bien été envoyée. D’après les interviews que j’ai pu lire au cours des derniers mois, l’album, enregistré et finalisé durant la première moitié de 2014, attendait dans les tiroirs de Sony depuis un petit bout de temps. Raison de plus pour ne pas rater le lancement du disque, dont la sortie nous semblait, pauvres fans que nous sommes, imminente depuis un an. Quelques photos d’une session d’enregistrement avec les Solistes de Trondheim, un extrait des paroles de nouveaux morceaux, l’annonce d’une mini-tournée norvégienne. Ectopic beatings. Et puis, enfin, la confirmation espérée depuis des lustres: ce sera donc en Février prochain que l’ère du silicone prendra fin. I love you.

Lundi 16 Février donc. Un fin colis m’accueille chez moi au retour du travail. Le pauvre ne survivra pas longtemps à mon arrivée, et de son flanc déchiré est rapidement extrait une pochette ivoire, à la couverture frappée d’une composition de Grady McFerrin. Tout est prêt pour la « découverte » (le concert de Bergen, évidemment enregistré, m’ayant permis de me familiariser avec la majorité des titres de Ten Love Songs avec un peu d’avance) de ce sixième opus. Gleder meg, comme le dit la formule consacrée.

Samedi 21 Février. J’en suis à ma sixième écoute au moment où je commence la rédaction de ce billet. Mon emploi du temps ne m’a pas permis de faire mieux, d’autant plus que je n’ai pu me résoudre à me familiariser avec ces nouveaux morceaux lors de mes trajets domicile-travail. Ce serait comme boire du champagne dans un gobelet en plastique: une faute de goût impardonnable. Avant d’exposer Ten Love Songs à la rudesse et à l’ingratitude de mon environnement sonore quotidien, et de lui demander de me servir de rempart face au monde extérieur (mission à laquelle ses prédécesseurs s’emploient depuis plusieurs années maintenant, au point que je soupçonne The Brothel d’avoir apposé une empreinte physique sur les circuits de mon MP3), je veux en avoir une connaissance, non pas totale (objectif illusoire), mais profonde et intime. Il n’en faut pas moins pour entendre until there’s nothing else to see au moment où un métro entre en station, ou identifier l’introduction de Diamonds malgré les gémissements du bus sur le chemin de la gare. Nul doute que dans les prochaines semaines, Ten Love Songs commencera à livrer ses premiers secrets. L’une des raisons pour lesquelles je tiens Sunfdør en si haute estime est la profondeur abyssale de ses compositions, et il me semble que ce nouvel album ne fait pas exception. Nothing’s ever easy.

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Sur ces six premières écoutes, je dois avouer m’être endormi quatre fois pendant le dyptique Accelerate/Fade Away (ce qui est très bien), m’être réveillé une fois à la fin de Slowly, et d’être resté conscient assez longtemps pour terminer l’album avant de rebasculer dans les bras de Morphée (ce qui est encore mieux). Rares sont en effet les disques sur lesquels je peux m’endormir, ma réaction habituelle étant en effet d’éteindre mon iPod et d’enlever mes écouteurs lorsque mon cerveau décide qu’il est temps de passer en veille. Piquer du nez en pleine écoute est donc pour moi le signe d’une qualité rare; se réveiller (qui plus est, par un morceau calme) avant la fin de la lecture de l’album en question marque ce dernier du sceau de l’excellence. Je ne saurais pas expliquer précisément pourquoi, mais j’y perçois confusément la preuve d’une affection insurpassable pour ce que j’ai écouté, comme si la musique avait atteint les strates les plus profondes de ma conscience, et en était revenue avec les félicitations du jury. Bref, deep down inside, j’aime déjà beaucoup Ten Love Songs. Reste à multiplier les écoutes « conscientes » afin de confirmer ce jugement viscéral.

Pour être honnête, j’avais peur d’être déçu par l’orientation choisie par Sundfør pour cet album. Mon attachement pour The Brothel et The Silicone Veil m’avait fait prendre les signes manifestes d’évolution de l’univers sundførien avec circonspection. On nous promettait plus de pop, plus d’accessibilité, et je n’en voyais pas vraiment l’intérêt. Le concert de Bergen avait révélé des incursions disco et dance, et il m’avait fallu un peu de temps pour digérer (et finalement apprécier) cette nouveauté. Cependant, je savais déjà que seul l’écoute de l’album dans son intégralité me permettrait de me positionner par rapport à la Susanne Sundfør de 2015. C’est donc avec une impatience matinée d’appréhension que j’ai lancé la lecture de Ten Love Songs lundi dernier.

Plutôt que de décortiquer chaque chanson dans le détail, exercice trouvant rapidement ses limites (à mes yeux), je préfère m’attarder sur les impressions suscitées par l’album dans son ensemble. Mon premier constat (que j’exprime avec soulagement) est que Ten Love Songs est au moins aussi complexe que ses deux prédécesseurs, et ce à tous les niveaux. Il dispose en effet d’un thème fort (l’amour donc, et plus précisément, la passion, influence de la première piste explorée par Susanne Sundfør au début de la conception de l’opus: la violence) et présent sur toutes les pistes du disque, sous une forme ou sous une autre. Les morceaux couvrent un spectre de styles et d’influences très vaste, apportant à l’album une diversité appréciable (et supérieure à celle des précédentes offrandes, camaïesques, de Sundfør), mais ils se répondent également les uns aux autres, que ce soit par le texte (« we have different heartbeats but all the same heartbreaks » présent à la fois sur Memorial et Slowly), l’instrumentation (l’harmonium de Darlings revient par exemple sur Trust Me) ou la production (enchainement entre Accelerate et Fade Away).

Mieux encore, j’ai trouvé qu’ils répondaient également à d’anciens morceaux, présents sur d’autres albums (Silencer – O Master, Delirious – Black WidowMemorial – Your Prelude). Certes, les textes sibyllins de Susanne Sundfør rendent possibles toutes les interprétations (et je dois reconnaitre que je ne manque pas d’imagination quand il s’agit de tirer d’échafauder des théories grandioses sur la sens caché de ses chansons), et peut-être que les indices plaidant pour un grand dessein que j’ai relevé jusqu’ici ne sont en faits que des coïncidences heureuses, mais je ne peux que remercier Susanne de m’avoir fourni un nouveau puzzle à déconstruire et à reconstruire dans tous les sens pendant les prochains mois.

Ten Love Songs fourmille en effet d’éléments dont l’auditeur ne peut qu’essayer deviner le sens, car tout est fait par ailleurs pour le convaincre que rien sur cet album n’est dû au hasard. Depuis le bruitage mystérieux précédant l’introduction de Darlings jusqu’à Insects (dans son intégralité: je n’ai pour l’heure pas trouvé le rôle joué par ce morceau dans l’album, mais je suis intimement persuadé qu’il en a un – après tout, quel titre est plus stratégique que celui qui clôt une tracklist ? -), en passant par la monumentale envolée de Memorial et l’emprunt à Bach sur Accelerate, ce nouveau disque ne manque pas de complexité.

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La richesse de cet album s’explique également par les nombreuses collaborations ayant émaillé sa réalisation. Bien que créditée comme productrice de Ten Love Songs, Susanne Sundfør s’est en effet appuyée sur les compétences de vieux (Lars Horntveth, Gard Nilssen, Morten Qvenild, Jørgen Træn et les solistes de Trondheim, tous présents depuis The Brothel) et de nouveaux (Anthony Gonzalez, Røyksopp, Jon Bates) comparses pour l’enregistrement et la finition de ses nouveaux morceaux. Malgré ces multiples influences, ce sixième opus s’affirme comme davantage qu’une simple collection de chansons, et dégage une cohérence indéniable. Je n’en attendais pas moins de Susanne Sundfør, dont les premiers pas en matière de production d’album (The Urge Drums du duo Bow To Each Other) m’avaient franchement convaincus. Et même si elle a déclaré à plusieurs reprises qu’elle passerait le relai à un tiers pour son prochain disque, je pense que l’on n’a pas fini de voir (et d’entendre) Sundfør produire de la musique, tant la sienne que celle d’autres artistes. Et c’est tant mieux.

Au final, Ten Love Songs est certes une petite révolution dans la discographie de son auteur, mais tout cela a été fait avec tant de soin, de passion et de talent qu’il serait idiot de bouder son plaisir. Il ne reste plus qu’au public français qu’à croiser les doigts pour avoir l’occasion de découvrir ces chansons d’amour sur scène, si possible dans un futur pas trop éloigné. Vivement l’automne donc.

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 Annexes: Susanne Sundfør sur S.A.U.S.O.R.O

K.W.A.S.S.A. : Susanne Sundfør

Steinkjerfestivalen 2012 (Part One)

Susanne Sundfør @ Le Point Ephémère (10/11/12)

Susanne Sundfør @ USF Verftet (15/11/14)

Ten Love Songs (Paroles et Traductions)

 

SUSANNE SUNDFØR @ USF VERFTET (15.11.2014)

N'ayez crainte braves gens, Haakon VII veille sur le fjord

N’ayez crainte braves gens, Haakon VII veille sur le fjord

Bergen. Certains diront que cela fait un peu loin pour un concert, surtout quand on habite en région parisienne. Mais quand on aime, on ne compte pas les kilomètres et les heures d’avion. 22 heures en Norvège, juste le temps nécessaire pour forger quelques souvenirs impérissables, avant de replonger dans le traintrain quotidien. Une parenthèse enchantée  venant conclure une attente de deux ans, et permettre de patienter jusqu’à la date fatidique du 16 Février 2015. Chronique d’un aller et retour.

La mini-tournée norvégienne de Susanne Sundfør, signe du retour aux affaires de la native de Haugesund après quelques mois de hiatus, constituait un évènement intéressant à plus d’un titre pour les fans de la reine des renards blancs. D’abord parce qu’il s’agissait d’une bonne opportunité de la voir interpréter sur scène ses propres morceaux, après deux années principalement consacrées à diverses collaborations (M83, Röyksopp, Bow To Each Other, Kleerup). Ensuite, car c’était l’occasion de découvrir une partie de Ten Love Songs, le très attendu sixième album de l’artiste scandinave, dans des conditions privilégiées. Enfin parce qu’à quelques mois du probable virage pop annoncé par le premier extrait de ce prochain disque (Fade Away), il était intéressant de voir comment Sundfør allait conjuguer anciens et nouveaux titres afin d’obtenir un tout cohérent.

Deuxième étape de la tournée, Bergen accueillait le concert du 15 Novembre dans l’USF Verftet, complexe culturel situé en bord de fjord, en plein cœur d’un quartier résidentiel de la ville. L’évènement avait beau afficher complet, la grande salle lambrissée de 1200 places se remplit lentement, beaucoup des participants s’attardant au bar pour un siroter un verre de vin au comptoir. Sur scène, les nombreux claviers et synthétiseurs devant être utilisés au cours de la soirée attendaient patiemment l’arrivée des musiciens. Une sorte de rambarde constituée de tubes de plastique transparent séparait l’estrade en deux dans le sens de la longueur, avant-goût prometteur du nouveau dispositif son et lumière devant accompagner le show, moins imposant que l’appareillage mis au point par Kyrre Heldal Karlsen pour la tournée de The Silicone Veil, mais toutefois assez fourni pour rehausser dignement la future représentation.

Comme annoncé par Susanne elle-même quelques jours avant le début de son road trip norvégien, la première partie fut assurée par le trio APOTHEK, emmené par le fébrile Morten Myklebust. On se souviendra que Sundfør avait posé sa voix sur un titre (Away) du premier album de ce dernier pour justifier, si besoin est, la présence du groupe sur ce créneau. À l’écoute des quelques morceaux proposés par Myklebust et ses comparses, il ne fut en outre guère difficile de rapprocher l’univers musical de la tête d’affiche de celui de ses ouvreurs néophytes (deuxième concert pour Apothek, le premier ayant eu lieu la veille à Trondheim, première date de la mini-tournée): même amour pour l’electro-pop léchée, et même mise en valeur de la voix par rapport aux instruments. Au petit jeu des ressemblances, on aurait même pu sans mal tirer un parallèle entre la nervosité palpable de Morten Myklebust et l’attitude réservée de sa “marraine” sur scène (et pousser jusqu’à une certaine ressemblance capillaire entre les deux – du temps où Susanne n’était pas encore blonde, du moins – , pour les plus caustiques). Sans vouloir rabaisser la performance d’Apothek, qui s’avéra très correcte eut égard à la jeunesse du groupe et de son répertoire encore limité, j’aurais toutefois préféré commencer la soirée en compagnie de Bow To Each Other, autre groupe intimement lié à Susanne Sudfør (qui a produit le premier album du duo et l’a accompagné sur de nombreuses dates au cours de l’année passée) et dont les deux membres se révélèrent faire partie du live band de cette dernière. L’embarras du choix, en quelque sorte.

Le départ d’Apothek fut rapidement suivi par la tombée des rideaux, permettant au staff de la salle de préparer la scène pour la suite de la soirée dans un secret propice à l’élaboration des théories les plus folles quant aux surprises que ne manqueraient pas de nous réserver le concert à venir. Cette entracte placée sous le sceau du mystère me permit de découvrir que je n’étais pas le seul à avoir fait le déplacement depuis une distance respectable pour assister au retour de l’ex-membre de Hypertext, mon voisin de gauche confessant avoir fait le déplacement d’Angleterre pour l’occasion. Sundføriens de tous pays, (ré)unissez-vous! Peu après cette annonce, des volutes de fumée grise se mirent à s’élever depuis l’arrière des rideaux toujours tirés, qui ne tardèrent pas à s’ouvrir après que la clameur tonitruante du public de Bergen soit venue confirmer que l’USF Verftet était fin prêt à accueillir comme il se devait sa pasionaria. And so it began…

Apothek 1

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Accompagnée de ses musiciens, dont beaucoup de têtes connues (Bow To Each Other donc, mais également Øystein Moen aux synthétiseurs), SUSANNE SUNDFØR, toute de noir vêtue et coiffée d’un fedora à l’avenant (Stevie Nicks-like, blame it on her wild heart), vint s’installer derrière le clavier de son fidèle Fender Rhodes, et débuta les hostilité avec Darlings, premier morceau du futur album. Au classique piano-voix des premières mesures vinrent se greffer progressivement quelques effets de synthétiseurs, montée en puissance subreptice couronnée par un chorus final à quatre voix. L’effet crescendo ne fut cependant pas utilisé à plein, le groupe enchaînant après quelques notes erratiques de glockenspiel et trente secondes de quasi-silence (autant dire que la pression avait tout à fait retombé) sur le bien connu Lilith, choix bruyamment plébiscité par le public dès les premières notes. Guitare électrique et batterie entrèrent ainsi dans la danse, leurs déferlantes de décibels venant mourir sur une plage d’auto-harpe hantée par la berceuse de nos quatre sirènes.

Le morceau suivant, simplement présenté par une Susanne Sundfør souriante comme un inédit, se révéla être Kamikaze (prononcer “Kamikatza”), hymne electro-pop à la cadence martiale, et, reconnaissons-le, tout bonnement entraînante. Pourra-t-on danser sur du Susanne Sundfør dans les nightclubs de Norvège et d’ailleurs à partir du printemps prochain? C’est ma foi fort possible. L’influence 80’ perceptible tant sur Let Me In que sur Fade Away ressort en tout cas de manière éclatante sur le titre central de Ten Love Songs, qui pourrait être décrit comme une tentative plutôt réussie de faire entrer la dance musique dans l’univers sundførien. C’est toutefois la formidable expressivité de la voix de Susanne, capable de passer du susurrement transi à l’imprécation impérieuse en l’espace d’une seconde, qui fait de Kamikaze un morceau attachant, dans lequel nouveaux et anciens fans peuvent et pourront se retrouver.

Susanne 15

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Suivit une petite pièce de facture classique, exécutée sur the coolest piano ever (dixit Sundfør elle-même) par une Mégane Kovacs ayant désertée pour l’occasion sa console en fond de scène. La raison d’être de cet interlude n’ayant pas été expliquée, on supposera qu’il s’agissait de la transition prévue entre Kamikaze et Memorial (ces deux morceaux devant se succéder sur l’album), exécutée pour la forme et la beauté du geste à Bergen. Le fameux piano prodigue résonnait encore des accords de cette mystérieuse incartade que Sundfør enchaînait sur un superbe Can You Feel The Thunder, première visite du côté de la tracklist de The Silicone Veil.

Le titre suivant, Silencer, précédé par un passage de guitare assez peu académique (plonk), nous ramena six ans en arrière, à l’époque de Take One. Jamais en effet à ma connaissance Sundfør ne s’était accompagnée à la guitare depuis l’enregistrement de ce second disque en 2008. Cette ballade délicate, dentelle d’arpèges discrètement doublée de quelques nappes de synth bass, constitua pour ma part la plus belle surprise de la soirée, autant à cause de son interprétation parfaitement maîtrisée que pour la richesse qu’elle augure pour Ten Love Songs, qui s’annonce de fait comme l’album le plus éclectique de l’artiste à date. Un constat encore renforcé par la découverte de Slowly, qui, loin de ce que laissait envisager son titre laconique, s’avéra être une composition disco avec basse élastique et battements de mains sur le refrain, comme à la grande époque. Vous avez bien lu.

Susanne 8

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Cette séquence découverte de Ten (very different) Love Songs fut suspendue pendant cinq minutes, soit le temps nécessaire pour interpréter une version amoureusement iconoclaste de Diamonds, à l’image de l’introduction a cappella plus incantée que chantée, à mille lieues de la parfaite plénitude de la version studio. Reste qu’à la fin du morceau, le premier rang de l’USF Verftet était bien le paradis terrestre promis par Sundfør.

La dernière partie du set fut l’occasion de se familiariser avec un nouveau mouvement de Ten Love Songs, soit l’ensemble Accelerate + Fade Away, enchaîné pour l’occasion comme ce sera le cas sur l’album. Débuté par un motif oriental évoquant un peu le riff à l’oûd du C’est Déjà Ca d’Alain Souchon (ceci est un live report documenté), rapidement intégré dans un canevas new wave 2.0 (eh, il y avait des tambourins!), Accelerate poussa l’expérimentation jusqu’à incorporer un sample de la Fugue en Ré Mineur de Bach (ceci est un live report de plus en plus documenté) là où la plupart des morceaux se contentent d’un pont plus classique. S’il y a bien une chanson du futur album dont j’ai hâte de découvrir la version studio, c’est celle-ci. Comme expliqué plus haut, le final d’Accelerate laissa apparaître comme par magie le tempo de Fade Away une fois réduit à la simple association de la batterie et des synthétiseurs: si vous vous demandiez pourquoi le premier single de Ten Love Songs démarrait si rapidement, vous tenez votre réponse. Très au fait de la situation, le public de Bergen ne manqua pas de faire un triomphe à ce déjà quasi-classique dès que Susanne Sundfør eut confirmé que c’était bien the sound of your heart dont il était question (et pour ceux qui se le demande, et je sais qu’ils sont nombreux, ce fut une sonnette de table qui, en l’absence d’un véritable four à micro-ondes, vint marquer la fin du deuxième couplet).

On ne parle pas assez du calme après la tempête. En cette soirée du 15 Novembre, ce fut l’incontournable The Brothel qui se chargea de réduire au silence les fans les plus échauffés par la démonstration de force des minutes précédentes, les conversations mourant d’elles-mêmes au fur et à mesure que s’invoquaient les brumes sonores servant d’écrin à la monumentale maison close du repertoire sundførien. Pourra-t-on jamais se lasser de ce chef d’oeuvre absolu (un indice, la réponse est non)? Le mot de la fin revint au justement, si cruellement, nommé It’s All Gone Tomorrow, ou IAGT pour les intimes, qui vint rappeler à tous qu’à moins d’avoir pris des places pour les concerts de Stavanger et/ou d’Oslo, il faudrait bientôt passer à autre chose. Un sursis momentané était cependant possible en cas de bruyante manifestation d’enthousiasme après le départ de scène du groupe, et il faut croire que les 1200 de l’USF Verftet se montrèrent assez convaincants puisque, devinez quoi…

Susanne 1

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Le rappel concédé de bon coeur par les héros de la soirée débuta par le retour d’un serpent de mer dont les fans attendaient la réapparition depuis plus de trois ans et demi. Memorial, ce nom ne parlera sans doute pas à tout le monde, mais ne manquera de susciter un vif intérêt chez ceux ayant gardé quelque souvenir du Kontorkoncert donné par Sundfør en Avril 2011. À l’époque, nombreux furent ceux qui espéraient retrouver ce titre sur le successeur de The Brothel (The Silicone Veil donc, même si aucun nom ne circulait encore à ce moment). L’histoire devait finalement en décider autrement, et Memorial être écarté de la tracklist du cinquième album. La possibilité de précommander Ten Love Songs sur iTunes permit de statuer une fois pour toutes sur le sort réservé par l’artiste à sa création, le morceau figurant en sixième position parmi les dix titres annoncés. Un bonne surprise n’arrivant jamais seule, les plus observateurs ne manquèrent pas de remarquer que cette version studio ne durait pas moins de 10 minutes, un format épique laissant espérer de substantielles modifications par rapport à l’ébauche proposée en 2011 (suivant l’exemple d’Among Us, dont la version officielle diffère fortement de ce qu’on en avait pu entendre auparavant).

Susanne 16Le concert de Bergen n’a pas permis de répondre à toutes les questions entourant Memorial (tant mieux), l’interprétation live ne durant “que” 5 minutes 30, mais fut toutefois riche d’enseignements. Si la mélodie est restée assez similaire au fil des années, et qu’il est toujours question d’une robe enlevée et jamais remise (you took off my dress and never put it on again), le reste des paroles a subi un gros travail de réécriture (avec un rappel d’un passage de Slowly: c’est officiel, Ten Love Songs sera un concept album). La différence la plus notable est toutefois venue des arrangements, le morceau laissant désormais la part belle à la guitare (une nouvelle fois tenue par Susanne, comme pour Silencer) là où le clavier régnait autrefois sans partage. Que dire de plus sinon que l’attente va être longue, très longue jusqu’au 16 Février prochain?

Une cadence métronomique instantanément reconnaissable vint ensuite rappeler à l’audience que les rappels étaient aussi le moment idéal pour jouer des classiques bien établis, catégorie à laquelle White Foxes appartient désormais totalement. La toute dernière cartouche de la soirée, le sybillin Your Prelude fut quant à lui l’occasion pour Sundfør de fouler totalement aux pieds son image d’interprète introvertie, en partant en slam sur la foule en délire* incitant le public à battre la cadence sur le final de la chanson. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup (et, oui, elle joue du piano debout). Peut-on en conclure qu’elle a autant apprécié sa soirée à l’USF Verftet que nous autres qui étions de l’autre côté du miroir? J’espère de tout cœur que ce fut le cas, et que les autres dates de la tournée se révélèrent être aussi gratifiantes pour toutes les parties en présence. En tout cas, le petit Frenchie du premier rang te dit tusen takk Susanne.

*: restons sérieux deux minutes

Setlist Susanne Sundfør:

1)Darlings 2)Lilith 3)Kamikaze 4)Can You Feel The Thunder 5)Silencer 6)Slowly 7)Diamonds 8)Accelerate 9)Fade Away 10)The Brothel 11)It’s All Gone Tomorrow

Rappel:

12)Memorial 13)White Foxes 14)Your Prelude

Susanne 13

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Au final, je suis sorti tout à fait rassuré et très satisfait de l’USF Verftet après cette soirée mémorable. Pour autant que je puisse en juger, Ten Love Songs présente tous les gages de qualité que l’on peut attendre de la part d’un disque de Susanne Sundfør, tout en s’annonçant comme plus accessible que ses trois prédécesseurs immédiats (comme Susanne Sundfør a pu l’être en 2007). Ce parti pris représente certes un pari assez audacieux, certains fans de The Brothel et de The Silicone Veil pouvant juger d’un oeil critique cette réorientation mainstream (le mot est lâché), mais je reste persuadé, sur la foi de mon expérience de spectateur et sur mon (lourd) passif d’aficionado de l’univers de la demoiselle, que ce choix s’avéra payant et que l’immense majorité trouvera son bonheur dans la décalogie amoureuse à venir. Il se pourrait même que Ten Love Songs soit l’album de la reconnaissance internationale pour Susanne Sundfør, méga star norvégienne et micro phénomène à peu près partout ailleurs (le monde est mal fait). Rendez-vous dans trois mois pour une éventuelle confirmation de ce pronostic enthousiaste mais non extravagant, ainsi que pour un retour détaillé sur ce sixième album. D’ici là, restez à l’affût: c’est un hiver à renards qui s’en vient. À renards blancs, bien entendu.

W.H.A.T.T. (N.O.W.): AMONG US

Le 17 Août 2013, l’artiste norvégienne Susanne Sundfør annonçait sur sa page Facebook l’ouverture d’un concours portant sur la réalisation du clip du troisième single extrait de son dernier album (The Silicone Veil), Among Us. S’associant à Genero.tv, plateforme mettant en relation artistes et fans créatifs, Sundfør proposait au tout venant de tourner la vidéo officielle illustrant ce morceau, l’heureux gagnant se voyant de plus récompensé par un prix de 4000 dollars. Totalement novice en la matière mais séduit par le concept, j’avais résolu de participer à ce concours, avant de réaliser que je ne disposais tout simplement pas des capacités nécessaires pour obtenir le résultat escompté. Cruelle désillusion, renforcée par le développement avancé atteint par le projet au moment où je décidai de laisser le soin à d’autres fans de défendre l’univers si particulier de mon artiste scandinave favorite. Plutôt que d’abandonner totalement cette aventure qui m’a occupé à plein temps pendant près de trois semaine, je préfère considérer qu’elle se trouve en stand by, le temps que je développe les aptitudes nécessaires à sa bonne complétion.

En attendant, et just for the record comme disent les anglais, j’ai pensé qu’il ne coûtait rien de présenter mon projet cryogénisé au grand public (ou plutôt de l’infime fraction du grand public passant par ce blog), afin de clore (temporairement, je l’espère) ce chapitre sur une note positive. Hey, it’s something.

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CONTEXTE:

En tant que troisième single issu de The Silicone Veil, Among Us s’inscrit dans une continuité qu’il serait dommage de laisser de côté. Les clips de White Foxes et The SIlicone Veil présentent en effet des caractéristiques communes que j’ai trouvé intéressant d’inclure également dans celui de Among Us. Pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de visionner ces deux vidéos, tournées par deux réalisateurs différents (respectivement Mats Udd et Luke Gilford) avec une grande liberté d’interprétation laissée par Sundfør, voici de quoi combler ce manque:

En ce qui me concerne, plusieurs éléments se devaient d’être incorporés au projet Among Us, afin de préserver la cohérence de l’ensemble de cette « trilogie ». Premièrement, il me paraissait évident que le ton de la vidéo devait être assez grave, afin de perpétuer l’atmosphère doom & gloom des deux autres clips (dans lesquels les personnages ne respirent pas franchement la joie de vivre).
Deuxièmement, il fallait inclure un rapport homme-animal prononcé et potentiellement dérangeant au récit: White Foxes raconte l’histoire d’un homme avec un fœtus de renard dans le cerveau, The Silicone Veil traite de la transformation d’une escort girl en créature serpentine. Après le mammifère du premier opus et le reptile du second, j’ai décidé que le troisième mettrait en scène un oiseau, et plus précisément un corbeau (animal assez récurrent dans l’univers de Sundfør – on le retrouve notamment sur la pochette de The Brothel et dans les paroles de O Master).
Troisièmement, pour contraster à la fois avec les extérieurs neigeux et glacés de White Foxes et ceux très lumineux et solaires de The Silicone Veil, j’ai décidé de faire se dérouler une partie de l’histoire de Among Us dans une forêt automnale (profitant par là du timing imposé par le concours).
Quatrièmement et pour terminer, je ne pouvais pas me résoudre à ne pas faire figurer, même si de manière allégorique, Susanne Sundfør dans la vidéo, puisqu’on la retrouvait dans les deux clips précédents. Pour résumer, voici à quoi ressemblait mon cahier des charges au début du projet:

1) Atmosphère grave
2) Le personnage principal doit entretenir un rapport fusionnel avec un corbeau, ou être lui-même un corbeau
3) Le clip doit être au moins en partie être tourné dans une forêt automnale
4) Susanne Sundfør doit apparaître dans le clip (de manière figurée, évidemment)

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AMONG US:

Une fois ce premier travail effectué, j’étais prêt à passer à l’analyse du morceau. La première étape consistait évidemment à se familiariser avec les paroles de ce dernier, qui, à l’image de la plupart des textes de Sundfør, laissaient une large place à l’interprétation personnelle de l’auditeur.

There is a killer among us
Looking for kisses, looking for jaws
He is a desperate soul
He collects hearts in jars

He claims the heavens
He covets hell
He dumps his bodies
Into a wishing well

Ooh, save me from his menace

What he does is a venial sin
He is a god within

Ooh, save me from his menace

He peeled off every vein I had
‘Till there was nothing left
But a bloodless heart
Still beating for him (He plays with fire)

Pour ma part, je comprends ce texte comme le récit très imagé d’une relation amoureuse au dénouement (attendu ou déjà produit) plus ou moins fatal pour la proie du « tueur », qui, malgré la crainte qu’il/elle éprouve pour son futur assassin, continue de l’aimer. Une sorte de syndrome de Stockholm romancé en quelque sorte.

De plus,  suivant la carrière de Sundfør de près depuis trois ans, je savais qu’il existait une version allongée de ce morceau, comportant notamment une strophe entière absente sur le mix final de The Silicone Veil, comme on peut l’entendre lors de cette performance remontant à 2010.

La strophe manquante (retranscription personnelle):

I wouldn’t die for him
But I would let him kill me
I’m a stone covered with moss
A mausoleum entangled in ivory
He made my heart
He may heed (?) my heart but he will never reach my balm(?)

Je tenais là ma représentation allégorique de Susanne Sundfør: une pierre recouverte de mousse (plus simple à se procurer qu’un mausolée incrusté d’ivoire).

Après cette analyse littéraire, il fallait également tenir compte de la dimension musicale du morceau, de son rythme et de son interprétation. Contrairement à la plupart des autres titres de The Silicone Veil, Among Us est résolument up tempo et dynamique (ce qui constitue un changement notable avec les premières versions disponibles à l’écoute sur internet), ce qui devait influencer le clip. Favoriser l’enchaînement de plans courts me paraissait être un moyen pertinent de tenir compte de cette dimension dans le clip.
De même, la cassure de rythme se produisant au début de la dernière strophe me semblait être trop significative pour être mise de côté: il devrait donc nécessairement se passer quelque chose de fort dans la vidéo à ce moment précis, ce qui m’a amené à considérer la possibilité d’inclure une sorte de twist final à l’intrigue du clip. Les thèmes développés dans les paroles de la chanson étant assez sombres (la fuite, la peur, la mort), il me semblait approprié de centrer mon propos sur le jeu du chat et de la souris entre un tueur et sa victime. Révéler à la fin du clip que les rôles n’étaient pas forcement clairement distribués entre ces deux personnages pouvait très bien constituer le retournement de situation recherché. Au final, je commençais à avoir une idée assez précise de la suite des opérations.

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SYNOPSIS:

Au cours des quelques trois semaines pendant lesquelles j’ai activement travaillé sur le projet, l’intrigue de la vidéo a bien entendu évolué, les idées s’agrégeant les unes aux autres pour former un ensemble cohérent dans le fond mais fluctuant en ce qui concernait les détails. Les principales caractéristiques de l’histoire étaient les suivantes:

– Le personnage principal est affecté par un mal qui l’affaiblit petit à petit, jusqu’à le « tuer » symboliquement. La progression de ce mal est représenté par le passage du blanc au noir (un élément attaché au personnage passant graduellement du blanc au noir – son cœur -).
– En parallèle, le personnage du corbeau (le tueur) se rapproche de plus en plus de sa cible, sans que cette dernière s’en rende compte. Le corbeau est un tueur en série qui collectionne les cœurs de ses victimes (représentés symboliquement), et dont on ne sait pas trop s’il est réel ou imaginaire.
– Le personnage principal tombe par hasard sur le corbeau juste après que ce dernier ait fait une nouvelle victime (il vient de lui arracher le cœur). Il s’enfuit mais le corbeau semble toujours le devancer, où qu’il aille. Il finit par se réfugier dans sa chambre, qu’il verrouille de l’intérieur, et s’effondre au sol, terrassé par le mal qui le ronge.
– Le corbeau entre magiquement dans la chambre, se penche sur sa victime, lui prend son cœur… et le remplace par celui prélevé sur sa précédente victime. Il disparaît subitement.
– Le personnage principal se réveille brusquement, porte  la main à son cœur et s’aperçoit qu’il a changé. Un dernier plan suggère que le personnage principal et le corbeau ne sont en fait qu’une seule et même personne, le second tuant pour remplacer les cœurs que le premier corrompt les uns après les autres.

Ce scénario était l’aboutissement du travail de réflexion mené à partir des différents éléments présentés ci-dessus. Sans prétendre à une retranscription littérale de l’histoire racontée par les paroles de Among Us, il reprenait et  expliquait les aspects que je trouvais les plus forts du récit de Susanne Sundfør: le tueur en quête d’une affection qu’il n’obtiendra jamais, la collection de cœurs, le côté véniel des crimes commis (on suppose que le personnage principal n’a pas le contrôle des actions du corbeau), le cœur exsangue battant toujours pour le tueur (au sens littéral, puisqu’il remplace son ancien cœur). J’avais en outre prévu de faire référence à d’autres passages de manière plus anodine, comme la fontaine à souhaits (wishing well) et le fait que le tueur joue avec le feu (encore une fois, de manière littérale, par exemple avec un briquet).

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COSTUMES ET ACCESSOIRES:

L’aspect du projet sur lequel je me suis le plus investi, à la fois personnellement et financièrement. Ayant fait le choix (très problématique après coup) de tout faire moi même, je me suis retrouvé à devoir incarner tous les personnages de l’histoire, ce qui m’a logiquement amené à recourir à des masques pour différencier les différents protagonistes.

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Le corbeau:

Personnage énigmatique, entièrement camouflé par son costume: il peut être n’importe qui. Le noir est la seule couleur qu’il porte. Il possède une élégance macabre, se déplace avec nonchalance mais finit toujours par rattraper sa proie malgré les efforts de cette dernière (ce qui renforce sa dimension cauchemardesque, et donc son caractère intangible). Il laisse une plume noire sur ses victimes et appose également sa marque sur ces dernières. Il porte une cassette noire (plus pratique que la jarre dont il est fait question dans la chanson) dans laquelle il dépose les cœurs qu’il collectionne. Il disparaît et apparaît à volonté.

Le masque du corbeau. Les yeux ont été couverts par du tissu noir pour le déshumaniser totalement.

Le masque du corbeau. Les yeux ont été couverts par du tissu noir pour le déshumaniser totalement.

La redingote du corbeau. Les plumes et la queue de pie renforce l'identification avec l'animal. Le corbeau est entièrement vêtu de noir.

La redingote du corbeau. Les plumes et la queue de pie renforce l’identification avec l’animal. Le corbeau est entièrement vêtu de noir.

La cagoule vient compléter le masque et parfait l'anonymat du corbeau. Son côté mystique est accentué par l'arme qu'il utilise pour tuer: ses mains/serres.

La cagoule vient compléter le masque et parfait l’anonymat du corbeau. Son côté mystique est accentué par l’arme qu’il utilise pour tuer: ses mains/serres.

Pochoirs servant à apposer (à la bombe noire) la marque du corbeau. Dans le clip, il lui suffit de lancer une pincée de poudre en direction de sa victime pour que la magie opère. La plume est un autre moyen de signer ses meurtres.

Pochoirs servant à apposer (à la bombe noire) la marque du corbeau. Dans le clip, il lui suffit de lancer une pincée de poudre en direction de sa victime pour que la magie opère. La plume est un autre moyen de signer ses meurtres.

Le corbeau jette une de ces pièces dans une fontaine (wishing well) pour chacune de ses victimes. Rappel à la pochette de The Brothel.

Le corbeau jette une de ces pièces dans une fontaine (wishing well) pour chacune de ses victimes. Rappel à la pochette de The Brothel.

Coffret dans lequel le corbeau place le cœur de sa victime, en attendant la "greffe".

Coffret dans lequel le corbeau place le cœur de sa victime, en attendant la « greffe ».

Coffre dans lequel le corbeau garde les cœurs "usés" par le personnage principal. On retrouve également la "stone covered with moss" des premières versions de Among Us.

Coffre dans lequel le corbeau garde les cœurs « usés » par le personnage principal. On retrouve également la « stone covered with moss » des premières versions de Among Us.

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Le Personnage Principal:

Il souffre d’un mal qui fait progressivement noircir et rétrécir son cœur. Sa responsabilité dans les agissements du corbeau est trouble. Il semble redouter la venue de cet aspect destructeur de sa personne, mais ne fait rien pour prévenir ses méfaits. Sa relation avec son alias meurtrier tient du rapport entre  Smeagol et Gollum: il le déteste et le craint, mais n’a pas la volonté suffisante pour l’empêcher de nuire.

De gauche à droite: Personnage Principal (les bandes de couleur symbolisent le fait qu'il n'a pas d'invidualité propre: il n'est que l'agrégation de fragments de personnalité qu'il prend à ses victimes en même temps que leur cœur), Victime 1 et Victime 2

De gauche à droite: Personnage Principal (les bandes de couleur symbolisent le fait qu’il n’a pas d’invidualité propre: il n’est que l’agrégation de fragments de personnalité qu’il prend à ses victimes en même temps que leur cœur), Victime 1 et Victime 2

Représentations symboliques des cœurs des personnages (collés sur la poitrine). Celui du personnage principal commence par noircir, puis rétrécit. Le corbeau intervient alors en remplaçant l'organe corrompu par un cœur sain (qui connaîtra rapidement la même déchéance).

Représentations symboliques des cœurs des personnages (collés sur la poitrine). Celui du personnage principal commence par noircir, puis rétrécit. Le corbeau intervient alors en remplaçant l’organe corrompu par un cœur sain (qui connaîtra rapidement la même déchéance).

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Sweat shirt porté par l'ue des victimes. Triples lacérations parallèles (les corbeaux ont quatre doigts, dont un opposable).

Sweat shirt porté par l’ue des victimes. Triples lacérations parallèles (les corbeaux ont quatre doigts, dont un opposable).

Autres:

Le clip devait également comporter de nombreuses références à l’univers de Susanne Sundfør, que je considère (peut-être à tort) comme formant un tout cohérent. Cette croyance est notamment nourrie par les nombreuses correspondances entre les morceaux de The Brothel (qui est en outre un concept album) et The Silicone Veil, et le fait qu’une partie des titres du second aient été écrit sur la même période que ceux issus du premier. Susanne Sundfør elle-même incorporant souvent des références plus ou moins évidentes aux textes de ses chansons (James Joyce, C.S. Lewis, Sylvia Plath, Frank O’hara…), il m’a semblé tout à fait approprié d’en faire de même. Les objets suivant devaient donc se retrouver fortuitement dans le champ de la caméra au cours du tournage.

La boîte de loukoums (turkish delight) fait référence à la chanson éponyme figurant sur The Brothel. Les figurines de renard et de serpent sont des clins d'œil aux clips de White Foxes et The Silicone Veil.

La boîte de loukoums (turkish delight) fait référence à la chanson éponyme figurant sur The Brothel. Les figurines de renard et de serpent sont des clins d’œil aux clips de White Foxes et The Silicone Veil.

Meditations In An Emergency (Frank O'Hara), livre de chevet du personnage principal et morceau instrumental de The Silicone Veil. Le badge Knight Of Noir (titre issu de The Brothel) devait être cousu sur la redingote du corbeau, à moitié dissimulé sous les plumes.

Meditations In An Emergency (Frank O’Hara), livre de chevet du personnage principal et morceau instrumental de The Silicone Veil. Le badge Knight Of Noir (titre issu de The Brothel) devait être cousu sur la redingote du corbeau, à moitié dissimulé sous les plumes.

Le parfum Joy de la maison Jean Patou est évoqué dans la chanson Father Father de The Brothel

Le parfum Joy de la maison Jean Patou est évoqué dans la chanson Father Father de The Brothel

Le corbeau devait laisser tomber l'image de droite lors de sa poursuite du personnage principal. L'image de gauche est l'art worjk du premier album de Susanne Sundfør.

Le corbeau devait laisser tomber l’image de droite lors de sa poursuite du personnage principal. L’image de gauche est l’art worjk du premier album de Susanne Sundfør.

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PREMIER MONTAGE:

J’ai mis à profit les rushs disponibles pour réaliser un « brouillon » très rudimentaire du clip.

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Voici donc où en est le projet à l’heure actuelle. J’espère pouvoir le terminer dans un futur plus ou moins proche, lorsque je disposerai du matériel et des capacités nécessaires pour obtenir un résultat conforme à l’idée que je m’en fais. Je suis un peu déçu de ne pas avoir abouti à une vidéo digne d’être soumise au concours de Genero.tv, mais heureusement, d’autres fans plus doués que moi en la matière ont travaillé dur sur le sujet, et ont posté des clips très réussis, dont l’un d’entre eux deviendra bientôt la vidéo officielle d’Among Us. Je ne peux que vous inciter à jeter un coup d’œil à leurs travaux respectifs, tant qu’ils sont encore librement visionnables.

K.W.A.S.S.A. : LE NORDIC MUSIC PRIZE

NMPL’hiver n’est pas uniquement la saison des rhumes, de la neige et de la dinde aux marrons. En matière culturelle, et en particulier, musicale, l’hiver est également la saison durant laquelle les prix récompensant les meilleurs artistes et albums de l’année écoulée sont remis. En attendant que soient attribués Grammy et Brit Awards, Victoires de la Musique et autres Spellemanprisen, je vous propose de vous pencher sur un prix d’un genre particulier, puisque pensé à une échelle régionale plutôt que nationale: le Nordic Music Prize.

Décerné pour la première fois en février 2011, le Nordic Music Prize (NMP) récompense le meilleur album « nordique » de l’année, et est ouvert aux artistes des cinq pays suivants: Islande, Danemark, Norvège, Suède et Finlande. La sélection des nominés se fait en plusieurs étapes, la première voyant cinq comités nationaux définir chacun une liste de 25 albums, d’où sont ensuite sélectionnés 10 noms par pays par un panel comprenant entre 50 et 150 professionnels du monde de la musique. Cette liste de 50 noms est alors réduite à 12 par le comité central du NMP, qui charge un jury international de choisir le nom du vainqueur. Ce dernier reçoit son prix, accompagné d’une dotation de 20.000 euros, lors du festival By: Larm organisé à Oslo à la mi-février.

Inspiré par l’exemple du Mercury Prize récompensant le meilleur album britannique ou irlandais de l’année, le NMP poursuit un triple objectif: consolider les liens unissant l’industrie musicale des pays nordiques, attirer l’attention du reste du monde sur les artistes de la scène « scandinave », et mettre en valeur l’album comme format de création artistique (en opposition avec le single et le clip).

De par son orientation clairement internationale, le NMP constitue un excellent moyen de se tenir au courant de l’actualité de la foisonnante scène musicale nordique pour les observateurs étrangers. Pas besoin en effet de décortiquer des blogs musicaux finlandais ou de s’abonner à des newsletters islandaises pour ne pas rater les dernières révélations nationales: cet épuisant travail de prospection a déjà été effectué par des équipes compétentes et averties, qui, fierté nationale aidant, auront pris soin de ne sélectionner que la crème de la crème (avec une prédilection pour les artistes anglophones, qui, étrangement, sont ceux ayant le plus de chance de faire des tournées internationales, et donc de passer par la France un jour ou l’autre). C’est presque trop facile.

En attendant que soit révélée la liste des 12 finalistes de l’édition 2012 (le 3 décembre, soit dans quelques heures au moment où j’écris cet article), je vous invite donc à faire un tour du côté du site officiel du NMP, afin de jeter une oreille sur ce que les 50 pré-sélectionnés ont à vous proposer. Tâche de longue haleine, c’est vrai, mais on n’est jamais à l’abri d’une erreur de casting de la part du comité central, qui condamnerait un artiste prometteur à rester dans l’anonymat et vous ferait passer à côté de la découverte musicale qui illuminera votre hiver.

Comment ça, vous n’avez vraiment pas le temps de tout passer en revue? Allez quoi, c’est le week-end! Mais si votre emploi du temps est aussi chargé que vous le dîtes (qu’il s’agisse de trouver un cadeau potable au caniche de votre grand-mère, de finir de construire le bunker souterrain dans lequel vous prévoyez de passer la journée du 21 décembre ou de vous reconstruire après l’énorme désillusion qu’a été la défaite de Taïg Chris en finale de Danse Avec Les Stars), je veux bien faire un geste pour vous aider à rester à la point de la tendance de la musique de nos cousins du Nord. Voici donc ma shortlist des 12 artistes que vous devriez suivre avec la plus grande attention à partir de maintenant.

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FIRST AID KIT (Suède) – The Lion’s Roar

Un choix pas vraiment audacieux, étant donné la popularité des frangines Söderberg (dont le précédent opus, The Big Black And The Blue, faisait partie des 12 sélectionnés de 2010) à l’heure actuelle. Reste que The Lion’s Roar est incontestablement un très bon album de folk, magnifiquement servi par les harmonies vocales époustouflantes de Klara et Johanna, ainsi que par des arrangements simples et de bon goût. Un des favoris incontestables de cette édition.

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ANNA VON HAUSSWOLFF (Suède) – Ceremony

Un second album majestueux et complexe, construit autour de la puissance onirique du grand orgue d’église dont les tuyaux figurent sur le cover-art du disque. Grandeur et mysticisme, juste ce qu’il faut pour passer l’hiver.

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THE TALLEST MAN ON EARTH (Suède) – There’s No Leaving Now

Vous reprendrez bien un peu de folk suédois? Jens Kristian Mattsson n’est peut-être pas vraiment l’homme le plus grand sur cette planète, mais guitare en main, il ne craint personne. Si le nom de Bob Dylan revient souvent dès qu’il s’agit de décrire sa musique (ce qui est le lot d’à peu près tous les jeunes chanteurs de folk, soyons honnêtes), je le rapprocherai pour ma part davantage d’Angus Stone, avec lequel il partage plus qu’un look de songwriter néo-hippie.

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CHOIR OF YOUNG BELIEVERS (Danemark) – Rhine Gold

Derrière ce nom prosélytique se cache Jannis Noya Makrigiannis et sa bande de (parfois) joyeux musiciens, experts es compositions planantes et envolées lyriques. Successeur très attendu de This Is For The White Of Your Eyes (et son merveilleux Hollow Talk), Rhine Gold fait mieux que confirmer le talent du groupe: il place ce dernier parmi les figures de proue de la scène indie européenne.

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EFTERKLANG (Danemark) – Piramida

Laissez une poignée de Danois mélomanes errer dans une ville fantôme  perdue quelque part dans les hautes latitudes norvégiennes, bien au dessus du cercle polaire, et avec un peu de chance, vous obtiendrez un album du calibre de ce Piramida dans les mois qui suivront. Quatrième opus de ce groupe jamais rebuté par l’expérimentation, Piramida transporte l’auditeur au pays des aurores boréales et de la longue nuit en moins de temps qu’il n’en faut pour écrire que les Efterklang passeront au Café de la Danse le 13 décembre prochain.

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JACOB BELLENS (Danemark) – The Daisy Age

Si Guy Garvey (Elbow) était né à Copenhague plutôt qu’à Bury, il se serait sans doute appelé Jacob Bellens. On retrouve en effet la même puissance teintée de douceur dans le timbre de cet viking rêvant de l’âge des marguerites. En attendant que son album soit distribué à l’international, Jacob nous invite à faire une petite balade jusqu’au cœur de l’Afrique, histoire de se réchauffer un peu. Attention louable.

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THE NEW SPRING (Danemark) – Secret Armor

Une voix, une guitare acoustique, quelques overdubs de piano et de guitare électrique pour faire joli, et voilà Bastian Kallesøe prêt à conquérir le monde, sanglé dans sa Secret Armor. L’avenir nous dira si le printemps 2013 sera celui de son sacre…

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ANTERO LINDGREN (Finlande) – Mother

Antero Lindgren vaut le détour, ne serait-ce que parce qu’il est toujours bon de pouvoir citer un artiste finlandais (autre que Nightwish ou Lordi, bien sûr) dans les réceptions mondaines pour prouver que l’on possède une culture musicale digne de ce nom. Si en plus, l’artiste en question est à peu près aussi (mé)connu à Helsinki qu’il l’est à Paris (ce qui semble être le cas), le hipster frise l’orgasme. Mais si vous ne deviez avoir qu’une seule raison de retenir le nom d’Antero Lindgren, ce serait d’abord et avant tout parce que son premier album, Mother, est un joyau nu-folk. Raison bonus: il a la même voix qu’Eddie Vedder…

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TILBURY (Islande) – Exorcise

Un peu de pop-électro éthérée? Malgré son titre démoniaque et son cover-art dégoulinant, l’album de Tilbury n’est que calme et volupté, à mi-chemin entre Grandaddy et Wheezer. À moins qu’un volcan islandais ne décide de faire des siennes, ces gars-là devraient bientôt débarquer sur le continent pour convertir les foules européennes aux joies du relaxing, alors préparez-vous.

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SIGUR ROS (Islande) – Valtari

Valtari siginifie « rouleau compresseur » en islandais, et le nouvel album de la bande à Jónsi, premier lauréat du NMP pour son album Go en 2010, risque fort d’écraser la concurrence avec autant d’aisance que la machine dont il a emprunté le nom, à moins que son statut de grandissime favori ne vienne justement jouer en sa défaveur. Quoiqu’il en soit, Valtari devrait, sauf coup de théâtre, se retrouver dans les 12 finalistes de cette année, et ça ne serait que justice.

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PÉTUR BEN (Islande) – God’s Lonely Man

Pas encore distribué sous format physique et déjà nominé! C’est peu dire que le nouvel opus de Pétur Ben a séduit les journalistes musicaux islandais, à raison. Connu comme le loup blanc sur son île, Pétur a toutes les cartes en main pour se faire un nom à l’international: une gueule d’archange viking, une voix aussi sexy que celle de feu Michael Hutchence, un excellent album et les moyens financiers d’assurer sa sortie (une des nombreuses belles histoires du net 2.0). Préparez-vous (bis).

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SUSANNE SUNDFØR (Norvège) – The Silicone Veil

Pourrais-je écrire quelque chose de plus à propos de celle qui bénéficia du K.W.A.S.S.A. inaugural de ce blog? Bien sûr que oui (on est fan ou on ne l’est pas), mais pour sauver l’impartialité de façade de cet article, je me contenterai de renvoyer les curieux vers le billet en question. The Silicone Veil réussira-t-il là où The Brothel a échoué? Bank i bordet! Rendez-vous le 3 décembre pour savoir s’il fait au moins aussi bien que son illustre prédécesseur.

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Quelle que soit la composition de la liste des finalistes, le Nordic Music Prize s’impose donc comme un must follow (mais si ça existe, la preuve) pour tous les amateurs de musique, et pas seulement scandinave. Les talents d’Europe du Nord n’attendent plus qu’un clic de votre part pour venir enchanter votre hiver, alors cap sur le septentrion, sudistes mélomanes.

EDIT

La liste des 12 nominés vient d’être révélée. Avec seulement quatre coups au but, j’ai encore du chemin à parcourir avant d’être tout à fait en phase avec les membres du comité central… et je réalise que j’ai eu raison de défricher la liste des 50 premiers noms, faute de quoi les deux tiers des merveilleuses découvertes que j’ai fait ces derniers jours me seraient passés sous le nez. Grosse surprise: Sigur Rós n’a pas accédé au dernier carré. Et double confirmation pour Susanne Sundfør et First Aid Kit, qui deviennent les premières à placer deux albums dans la shortlist du NMP. Rendez-vous le 14 février pour la remise du prix au vainqueur!

Liste des finalistes de l’édition 2012:

• Selvhenter (Danemark) Frk. B. Fricka
• Choir Of Young Believers (Danemark) Rhine Gold
• Susanne Sundfør (Norvège) The Silicone Veil
• Tønes (Norvège) Sån av salve
• Lindstrøm (Norvège) Smalhans
• Pää Kii (Finlande) Pää Kii
• Kerkko Koskinen Kollektiivi (Finlande) Kerkko Koskinen Kollektiivi
• Neneh Cherry & The Thing (Suède) The Cherry Thing
• First Aid Kit (Suède) The Lion’s Roar
• Anna von Hausswolff (Suède) Ceremony
• Ásgeir Trausti (Islande) Dýrð í dauðaþögn
• Retro Stefson (Islande) Retro Stefson

Pour ceux qui voudraient peser de tout leur poids afin de maximiser les chances de leur album favori, il est possible de voter ici, en attribuant des points suivant le même principe que celui utilisé pendant l’Eurovision: 12 pour le premier, 11 pour le deuxième… et 1 pour le douzième. Je ne sais pas de quelle manière cette participation populaire pondère le résultat du jury international, mais il s’agit en tout cas d’une occasion en or pour soutenir concrètement vos artistes préférés dans la dernière ligne droite. Go go go!

EDIT 2

Le jury a  remis son verdict et décerné le Nordic Music Prize 2012 à First Aid Kit, pour l’album The Lion’s Roar. Je l’avais dit ou pas*? Bravo donc aux sœurs Söderberg, qui n’en finissent plus de remporter des prix, et qui sont d’ores et déjà de grandes dames du folk. Dans quarante ans, on leur dédiera des morceaux, c’est moi qui vous le dit. I’ll be your Johanna, I’ll be your Klara…

*: Pour le moment, 100% des groupes suédois sur lesquels j’ai misé une couronne sont repartis avec le trophée. Une statistique bidon qui prouve amplement à quel point mes goûts musicaux sont au dessus de tous soupçons.

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ANNEXES

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Composition du Comité central du NMP:

Ralf Christensen (Danemark)
Jan Gradvall (Suède)
Ilkka Mattila (Finlande)
Audun Vinger (Norvège)
Arnar Eggert Thoroddsen (Islande)

Composition du jury international:

Andres Lokko – Président  (Journaliste, Suède)
Laurence Bell (Domino Records

, Royaume-Uni)
Jeannette Lee (Rough Trade Records, Royaume-Uni)
Mike Pickering (Columbia Records, Royaume-Uni)
Jonathan Galkin (DFA Records, États-Unis)

Précédents lauréats du NMP:

– 2010: Jónsi (Islande) pour l’album Go Do

– 2011: Goran Kafjes (Suède) pour l’album X/Y

Liste des finalistes des éditions précédentes:

2010:

• Dungen (Suède) Skit I Allt
• Paleface (Finlande) Helsinki – Shangri-La
• Susanne Sundfør (Norvège) The Brothel
• Robyn (Suède) Body Talk
• Efterklang (Danemark) Magic Chairs
• Serena Maneesh (Norvège) S-M 2: Abyss In B Minor
• The Radio Dept. (Suède) Clinging To A Scheme
• Ólöf Arnalds (Islande) Innundir Skinni
• Kvelertak (Norvège) Kvelertak
• First Aid Kit (Suède) The Big Black & The Blue
• Frisk Frugt (Danemark) Dansktoppen Møder Burkina Faso I Det Himmelblå Rum Hvor Solen Bor, Suite.

2011:

• Ane Brun (Norvège) It All Starts With One

• Lykke Li (Suède) Wounded Rhymes

• Rubik (Finlande) Solar

• Gus Gus (Islande) Arabian Horse

• Malk De Koijn (Danemark) Toback To The Fromtime

• Siinai (Finlande) Olympic Games

• Björk (Islande) Biophilia

• Iceage (Danemark) New Brigade

• Montée (Norvège) Renditions Of You

• Anna Järvinen (Suède) Anna Själv Tredje

• The Field (Suède) Looping State Of Mind

SUSANNE SUNDFØR @ LE POINT ÉPHÉMÈRE (10.11.2012)

En Norvégien, samedi se dit lørdag, ce qui signifie: « jour de lessive ». Partant, il était peu étonnant que les fameuses pluies de Novembre, immortalisées par un certain Mr Rose et ses Guns, s’invitent au décorum de la soirée à thème (nordique) organisée au Point Éphémère. Coïncidence? Je ne crois pas.
Sans pour autant se féliciter du climat froid, humide et détestable dans lequel s’est déroulé l’attente devant les portes de la salle, il était à propos de souligner les conditions exceptionnelles dans lesquelles l’unique date française de SUSANNE SUNDFØR, valkyrie songeuse à la voix de cristal, allait se dérouler: pour une artiste à laquelle l’étiquette du doom and gloom (rien à voir avec le dernier sursaut créatif en date des fossiles du rock) est si souvent accolée, il y avait quelque chose d’approprié à se produire dans un cadre aussi lugubre*. Le spleen, c’est bon et c’est de saison, écoutez-en.

*: J’adore le Point Éphémère (malgré son incapacité à orthographier correctement le nom des artistes scandinaves qui viennent s’y produire), mais force est de reconnaître que l’endroit évoque plus le squat bohème en déréliction que la retraite des Muses au sommet de l’Hélicon. Ajoutez des problèmes récurrents avec la préfecture et une forte population de SDF plus ou moins amicaux  aux abords du lieu, et vous comprendrez pourquoi il était opportun que la créatrice de The Brothel fasse escale ici.

Soirée à thème donc, puisque la première partie était assurée par une autre Norvégienne, la ravissante THEA HJELMELAND, qui semblait être une habituée des lieux. Multi-instrumentiste nomade ayant sorti son premier album Oh, The Third… plus tôt dans l’année, Thea nous venait aussi bien de Forde que de Cuba, du jazz que du hip-hop (pas forcément dans cet ordre). Un cocktail détonnant d’influences multiples, mises au service d’un folk à la fois intimiste et déluré, mais toujours classieux, comme quelques écoutes de l’opus en question (sur lequel l’incontournable Bernhoft a filé un coup de main et de voix, élément très favorable à verser au dossier) vous en convaincront rapidement.

Débarquée sur les planches du Point FMR avec armes, bagages, guitare, mandoline, banjo et ukulélé, resplendissante dans sa robe pailletée, Miss Hjelmeland a débuté son set par quelques morceaux joués en arpèges sur les manches de ses multiples instruments, canevas minimaliste sur lequel Thea broda à loisir d’incroyables motifs. Car, mazette, quelle voix! Difficile de décrire l’étendue des possibilités vocales de cette sirène du grand Nord avec mes pauvres mots tout muets, mais les exercices de haute-voltige auxquels l’ex-choriste de Lars Vaular* s’est prêtée étaient largement au niveau des vocalises psychédéliques de The Great Gig In The Sky, pour recentrer notre propos sur un exemple bien connu. Pour ceux et celles qui ont un jour essayés d’accompagner Clare Torry dans ses loopings soniques (et ils sont nombreux je pense – moi le premier – même si le résultat n’a pas du être très probant), imaginez réitérer cette performance en position assise et en jouant de la mandoline, et vous aurez une idée du respect que je porte désormais à Thea Hjelmeland en tant qu’interprète.

Le moment fort du set fut indubitablement la version participative (comprendre que Thea invita le public à l’accompagner sur le refrain avant de commencer le morceau) de It’s Too Late, étendue bien au delà de ses 4’45 » réglementaires par une Hjelmeland très inspirée, soutenue par un banjo plus folk que blue-grass. S’en suivit un Ladies aux petits oignons (et au ukulélé) ainsi qu’un Perfume dans la droite ligne du Midnight Blues de Liz Green, ultime escapade dans la discographie officielle de cette artiste prometteuse, qui finit sa partie avec deux unreleased comme on dit en anglais (ne me demandez pas comment ça se dit en norvégien), The Well et Reven. Il ne tient qu’à vous d’accélérer la mise en disponibilité de ces titres en votant pour la bonne personne sur cette page. À bon entendeur…

*: Comment, vous ne connaissez pas le Joey Starr viking, le Booba arctique, le Kerry James de Bergen? Mais comment se fait-ce? Sachez, pauvres béotiens, que nous parlons du rappeur le plus connu de Norvège, rien de moins. Cessez de ricaner, c’est également le cousin de Sondre Lerche. Comment, vous ne le connaissez pas non plus?

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Setlist Thea Hjelmeland:1)Age 2)Make Believe 3)Define 4)It’s Too Late 5)Ladies 6)Perfume 7)The Well 8)Reven

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« From Rhodes, Rhodes, Rhodes/From the ashes of Rhodes/Come back… » (air connu)

Thea partie, le staff du Point s’activa à l’installation de la star de la soirée, j’ai nommé l’emblématique clavier Rhodes que l’on retrouve sur une bonne partie des titres de Susanne, The Brothel en tête. La belle ayant choisi de voyager léger pour sa tournée européenne (un choix raisonnable compte tenu de son relatif anonymat à l’international, mais qui a du frustrer plus d’un fan étranger familier du faste des concerts norvégiens de Sundfør), quitte à ne prendre qu’un seul instrument pour faciliter le transport, autant choisir celui-ci. Un « petit » piano à queue de complément aurait sans doute été le bienvenu pour varier les plaisirs et les sonorités au cours du set, mais la salle n’en possédant pas en réserve, le régime musical de ce soir fut donc strictement limité aux vibratos éthérés du synthétiseur fétiche de Susanne Sundfør, enrichis par une foultitude de pédales amenés, aux dires de cette dernière, principalement parce qu’elles avaient l’air cool (blague).

L’imposante machine en place, voilà le taciturne roadie de Susanne qui revient avec dans les mains un fardeau bien plus léger mais tout aussi important au bon déroulé de la soirée: la setlist. Et là, divine surprise, j’aperçois sur le papier blanc les sept lettres que j’avais secrètement espéré lire depuis ce premier concert il y a presque un an de celà: O Master. Pour la faire courte, il s’agit du morceau qui m’a fait découvrir et adorer la musique de Sundfør, quand elle n’était encore à mes oreilles qu’une jeune auteur-compositeur-interprète scandinave dont Francis Zegut s’efforçait (en vain) de prononcer correctement le nom au cours de ses émissions nocturnes. Sauf imprévu de dernière minute, c’est une partie de ma boucle sundførienne qui devait donc être bouclée dans les prochaines minutes, et rien que pour ça, ça valait amplement le coup de venir. Tusen hjertelig takk, Susanne.

Et enfin arrive le moment tant attendu, espéré et fantasmé depuis le 24 Septembre dernier: Susanne surgit des coulisses et s’installe devant son noir pupitre, derrière lequel elle disparaît presque totalement (du point de vue des premiers rangs tout du moins). Après les quelques applaudissements de bienvenue de rigueur, un silence religieux tombe dans la salle, et la première touche effleurée libère la première note du premier morceau de ce récital parisien. Le temps suspend son vol sur le canal St Martin.

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Tout commence par une berceuse (Lullaby), introduite après un prologue atmosphérique et déroutant duquel émerge petit à petit le thème principal du morceau. Issu de The Brothel, ce titre présente la redoutable spécificité de reposer en grande partie sur une progression de synthétiseur d’une complexité toute baba o’rileyenne, impossible à reproduire en live, à plus forte raison lors d’un concert en solo. L’écueil sera contourné par de nouvelles « expérimentations » musicales de Sundfør, qui permettront au morceau d’atterrir sans heurts, même si la grâce onirique de la version studio ne sera pas émulée au cours de l’opération.

Directement greffé aux dernières mesures de Lullaby, When, valse lente faite d’amour et de neige, marcha sensiblement dans les traces de son aîné. Joué adagio, soit sensiblement plus lentement que sur l’album (un parti pris étendu à tous les morceaux joués au cours du set), et introduite par des chemins détournés, cette ballade romantique et funèbre fit forte impression sur un Point Éphémère religieusement à l’écoute. S’ensuivit un Turkish Delight à peine plus enjoué (et pourtant, il s’agissait probablement de la chanson la plus « légère » du concert), avant que Susanne n’attaque le terrible O Master, perle d’une noirceur absolue dans laquelle se reflètent les silhouettes de corbeaux et de chats sans yeux, nourris des os fendus des poupées ayant eu le malheur de déplaire au maître. Ambiance.

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Avant de poursuivre plus avant, Susanne prit le temps de discuter avec le public, réussissant du même coup à alléger un peu l’atmosphère, apprendre un nouveau mot de français et se faire offrir un verre de « vin de rouge ». Pas mal du tout pour une artiste souvent attaquée pour son apparente froideur sur scène.

La suite (et fin) du set fut largement consacrée à des morceaux plus récents (Rome, White Foxes et The Silicone Veil, tous tirés de l’album éponyme distribué en France depuis début Octobre), à l’exception d’un Torn To Pieces tout droit sorti du premier effort de Sundfør, et qui aurait sans doute gagné à être complété par le Day Of The Titans avec lequel il forme une sorte de diptyque naturel sur le CD. Dommage.

Dommage aussi, et c’est bien plus regrettable, que Susanne ait finalement choisi de ne pas jouer l’inédit Trust Me qui pourtant figurait sur la setlist (merci au spectateur du show de Köln qui a eu la bonne idée d’immortaliser ce work in progress plus tôt dans la semaine). Mais bon, le seul fait de savoir que la native de Haugesund est d’ores et déjà en train de travailler sur de nouveaux morceaux suffit à mon bonheur. Winter is coming, new songs too. Kul.

Après nous avoir remercié d’être venus, et nous avoir demandé ce que nous comptions faire après le concert  (si c’était une invitation déguisée à une virée parisienne, personne n’a osé saisir sa chance), Susanne fit mine de partir, avant de revenir conclure la soirée par l’incontournable The Brothel, chef d’œuvre désespéré au potentiel lacrymal encore renforcé par la certitude qu’après ce morceau, c’en serait définitivement fini. Mais, comme Susanne le chante, seuls vivent vraiment ceux qui peuvent mourir, et ça vaut aussi pour les concerts. Carpe Noctem.

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Et c’est ainsi que se termina le passage de Susanne Sundfør au Point Éphémère, laissant dans son sillage ce mélange de joie et déception qui est la marque des évènements espérés plus que de raison. Pouvant sans doute prétendre au qualificatif de fan hardcore de la sirène de Norvège, je suis sorti de la salle avec des étoiles dans les yeux et dans la tête, sans douter un instant que mon sentiment ne puisse pas être partagé par le reste du public. Avec le recul, j’en suis toutefois venu à réaliser qu’il y avait pourtant de nombreuses sources potentielles de déception pour les spectateurs moins avertis/partiaux/enthousiastes que moi. Sonorisation parfois limite, set assez court (neuf titres), artiste peu communicative, « bidouillages » expérimentaux avec les pédales du Rhodes, public très (trop?) discret*… Pour qui escomptait assister à un concert aussi impressionnant que ceux dont les extraits sont visionnables sur le net (celui de la release party de The Silicone Veil au Parkteatret par exemple, ou la session jouée pour la radio suédoise P3), ou imaginait retrouver les luxuriants arrangements des albums en live, la désillusion a pu être grande.
J’aurais évidemment préféré moi aussi que Susanne emmène avec elle toute sa fine équipe de musiciens dans sa tournée continentale, mais, outre le fait que la plupart de ces derniers est engagée dans des projets musicaux parallèles (et donc passablement occupés), le coût de l’opération aurait sans doute été disproportionné au regard de la notoriété limitée de Sundfør en dehors de Scandinavie.

Pour ma part, je préfère voir ce concert, aussi minimaliste fut-il, comme un cadeau offert par Susanne à ses fans européens, sentiment renforcé par l’absence de stand de merchandising et la diversité de la setlist (quatre morceaux de The Brothel, quatre de The Silicone Veil et un de Susanne Sundfør): de toute évidence, Sundfør n’est pas venue au Point Éphémère pour vendre son nouvel album (d’ailleurs, elle n’a a aucun moment évoqué le fait qu’elle venait de sortir un nouveau LP au cours du show). Et cependant, elle est tout de même venue « all the way from Norway » (dixit herself) pour se produire dans une petite salle parisienne. Venant d’une artiste qui pourrait se contenter de vivre de sa seule aura nationale (deux prix Spellemann à son actif, une critique dithyrambique, un succès commercial qui ne se dément pas et des concerts programmés dans les salles les plus prestigieuses du pays – dont un passage par l’Opéra d’Oslo avec les TrondheimSolistene en Décembre prochain -), le geste est, à mes yeux du moins, hautement symbolique.
Merci donc Susanne pour cette soirée trop vite passée, et à une de ces nuits froides, terribles et belles que tu chantes si bien.

*: Je pense tout de même que Susanne Sundfør préfère que son public soit trop calme (comprendre, attentif) que trop bruyant. Elle a ainsi suggéré aux bavards qui étaient venus la voir se produire à Kongsberg en Octobre de – je cite – : « gå hjem og spis bæsj » (traduction littérale: rentre chez toi et mange de la m….). 

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Setlist Susanne Sundfør:

1)Lullaby 2)When 3)Turkish Delight 4)O Master 5)Torn To Pieces 6)The Silicone Veil 7)Trust Me (pas jouée, malheureusement) 8)Rome 9)White Foxes

Rappel:
10)The Brothel

K.W.A.S.S.A. : SUSANNE SUNDFØR

À l’occasion de l’annonce de sa venue en France (10 Novembre prochain au Point Éphémère) pour un concert unique, et dans l’espoir de l’aider à élargir sa fanbase française, j’inaugure un nouveau type de rubrique dans ce blog, dédiée non pas à la revue d’un festival ou d’un concert, mais à la présentation d’un ou une artiste et de son œuvre.
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Par souci d’utilité et d’originalité, les noms couverts dans cette série que nous (moi c’est sûr, vous peut-être moins) espérons tous être longue et variée ne seront pas les plus connus de l’auditorat hexagonal. Pas que je me considère comme un détecteur de talents particulièrement intuitif – même si j’essaie comme tout un chacun de précéder la tendance au lieu de la suivre bêtement – mais quitte à exposer (une partie de) ma vie au vu et su de tous les êtres humains disposant d’une connexion internet, autant favoriser la biodiversité de cette grande jungle qu’est le web en essaimant des avis sur de jeunes pousses prometteuses et encore méconnues du plus grand nombre plutôt que de favoriser les monocultures pop-rock. Point de K.W.A.S.S.A.* consacrés aux Stones (je ne suis pas géologue), aux Beatles (je ne suis pas entomologiste), à Led Zep (je ne suis pas ingénieur aéronautique) ou encore aux Doors (je ne suis même pas ébéniste, hé!) donc.
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Commençons alors notre saga avec une des artistes les plus enthousiasmantes que j’ai eu la chance de découvrir ces dernières années. Et en tant que jeune vieil aigri musical, souffrant d’un penchant prononcé à la glorification du passé et au dénigrement du présent, laissez-moi vous dire que ce n’était pas gagné d’avance. Comme vous l’aurez deviné si vous avez au moins lu le titre de l’article, cette personne miraculeuse a pour nom Susanne Sundfør (et je me fais un devoir d’orthographier son patronyme correctement, même si je n’ai toujours pas trouvé le raccourci pour taper la lettre ø). Artiste, et non pas chanteuse ai-je écrit, car la démarche de la native de Haugesund, Norvège (mais vous l’aviez déjà deviné, malins que vous êtes… il y a des signes qui ne trømpent pas) s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large que la simple performance vocale. Interprète, mais également auteur, compositeur et designer d’univers musicaux, Susanne Sundfør couvre un spectre étendu de disciplines artistiques. En plus de cela, le terme « artiste », parce qu’il ne fait pas la différence entre les deux sexes, lui convient merveilleusement bien, comme nous le verrons plus tard.
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*: ce qui veut dire (je sais que tu te le demandes en ton fort intérieur, sans oser demander) Kind Words And Something Substantial About… Les maîtres mots de ce genre d’exercice seront donc le prosélytisme et l’abondance, tout un programme. En plus, ça évoque une chanson de Vampire Weekend, donc je suis assez content de moi.
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Son premier album, éponyme, sort en Norvège en 2007, où il reçoit un accueil critique et commercial très favorable. Porté en haut des charts par deux singles, Walls et I Resign, démontrant pleinement le talent de songwriter de Miss Sundfør, il sera consacré au cours de la cérémonie du Spellemannprisen 2007 (l’équivalent de nos Victoires de la Musique, généralement en beaucoup mieux) et permettra à Susanne de repartir avec le prix d’artiste féminin de l’année, non sans avoir indiqué lors de la remise du prix qu’elle se considérait d’abord comme une artiste, et non comme une femme (déclaration qui contribuera à la faire étiqueter comme artiste féministe engagée par les médias norvégiens).Ce premier opus est marqué par l’emploi d’instruments acoustiques, en particulier le piano, que Susanne met à contribution avec une efficacité redoutable. Forte d’une formation à la fois classique et jazz, elle se montre aussi bien capable de composer des titres à la dynamique indéniablement pop, comme l’introductif I Resign, que de s’aventurer dans des sphères plus dépouillées et contemplatives, tel le mélancolique Torn To Pieces. Deuxième instrument mis particulièrement en avant: la guitare sèche, que l’on retrouve aux commandes de trois morceaux: Gravity, The Dance et Morocco. Enfin, on remarque l’utilisation d’un ensemble de cordes sur plusieurs titres (Dear John, The Dance, Morocco), penchant classique qui se confirmera sur les deux albums studio suivants.Mais le principal atout de Susanne Sundfør reste sa voix. Encore un peu « brute » par certains aspects sur ce premier opus, elle cependant déjà la force (I Resign), l’expressivité (le diptyque Torn To Pieces/Day Of The Titan, attaqué avec une mélancolie tourmentée et conclut par une imprécation vengeresse et exutoire) et l’aisance déconcertante (The Dance) qui constituent encore aujourd’hui les marques de fabrique de la Norvégienne. Mais comme il l’a été annoncé plus haut, ce serait faire une grossière erreur de jugement que de considérer Susanne Sundfør comme une simple chanteuse à voix.

Les paroles qui accompagnent chaque morceau révèlent ainsi à l’auditeur attentif (et anglophone) des capacités littéraires certaines et une aspiration forte à traiter son sujet d’une manière novatrice. Certes, ce premier album ne parle pas de grand chose d’autre que d’amour et de ses conséquences, souvent malheureuses dans les chansons de Sundfør (qui confirmera par la suite ce penchant pessimiste avec The Brothel) et en cela ne peut guère s’élever en parangon de l’originalité. Douleur de l’absence, renoncement, regrets, déchirement, désenchantement…  Susanne Sundfør semble avoir fait sienne la formule d’Aragon: il n’y a pas d’amour heureux, et ne trouver un peu de joie de vivre qu’après s’être résignée à ne plus croire au mythe de l’idylle éternelle (I Resign, morceau OVNI de la discographie de Susanne tant par le fond, avec ses paroles  ouvertement prosélytiques, que par la forme, résolument pensée à destination des radios grand public).

On peut également regretter les formules ampoulées et éculées que l’on retrouve sur certains titres, en particulier Dear John, (« The universe is just waiting for another transformation » ou encore « I’ve seen blood on hands of an innocent nation »… c’est niet pour moi), à mettre sur le compte de la jeunesse de l’auteur au moment de la rédaction des lignes incriminées. Tout le monde n’a pas la plume de Bob Dylan quand il s’agit de jongler avec des concepts abstraits et des références métaphysiques sans se les reprendre sur la figure (écoutez le maître donner un masterclass sur cet art délicat et hautement casse-gueule pour les  songwriters en herbe: Jokerman*).

Cependant, l’interprétation magistrale de Susanne rattrape à elle seule les quelques platitudes incriminées et emporte l’adhésion du même coup. C’est tout l’art des grands interprètes de faire oublier au public la banalité ou la maladresse d’un texte par la manière qu’ils ont de le chanter (voilà sans doute pourquoi Élie Semoun ne s’est pas hasardé à reprendre Que Je T’Aime de Johnny sur sa galette perso – ce dont je lui suis infiniment reconnaissant – ). Mais on trouve aussi quelques lignes ciselées avec soin sur l’album, le genre de formules que l’on prend plaisir à reprendre en chœur à chaque fois que l’on écoute le morceau qui les contient. Que dîtes vous par exemple de l’assassin:

..I wanna be your enemy/I wanna be everything you fear/I wanna love you, I wanna lynch you, I’ll leave you there/I wanna silence you, so you can’t say you little prayer.

qui orne le pont de Day Of The Titan? Bien envoyé n’est-ce pas? Qui s’y frotte s’y pique.

S’il comporte beaucoup d’éléments que l’on retrouvera dans les disques suivants de Susanne (voix et piano mis très en évidence, emploi récurent d’une section de cordes, prédilection pour les sujets sombres, continuité entre certains morceaux qui semblent ne former qu’un seul ensemble à l’écoute, présence d’un titre instrumental), ce premier album se démarque cependant franchement de ses successeurs sur d’autres points.

Son atmosphère pop-folk, assez légère malgré les thèmes explorés, ne se retrouvera ainsi ni sur The Brothel ni sur The Silicone Veil, tous deux marqués de l’empreinte d’une electro à la beauté glaciale et crépusculaire. Cette évolution musicale se reflètera également au niveau des paroles, les textes directement basés sur des expériences personnelles laissant place à des tableaux plus imagés, voire poétiquement sibyllins. Autre transition marquée, les arrangement seront désormais pris en main par Susanne elle-même, épaulée par le producteur et multi-instrumentiste Lars Horntveth (Jaga Jazzist, The National Bank), qui deviendra ainsi pleinement maîtresse de la direction artistique et esthétique de ses productions. Exit donc les guitares omniprésentes sur certains titres du premier album, et qui se contenteront de discrètes et ponctuelles interventions par la suite. Exit aussi les chœurs « gospel » de I Resign, remplacés par un gros travail d’overdubs que Susanne assurera seule, comme on peut déjà l’entendre sur le résolument « pré-bordélique » Day Of The Titan. Cette mainmise absolue sur les parties vocales aura pour autre conséquence de faire de Morocco le seul duo (chanté avec Odd Martin Skålnes) figurant sur un album solo de Sundfør.  Exit enfin les hidden tracks (même si dans le cas présent, on peut plus parler de hidden bonus, le cadeau en question étant une version instrumentale de The Dance, démarrant sept minutes après la fin de After You Left), devenues franchement has been depuis l’avènement du MP3.

*: Paroles et traduction ici

Face au succès rencontré par ce premier effort en Norvège, Susanne Sundfør enregistre une version que l’on pourrait qualifier de live dans sa forme, si tant est qu’on puisse qualifier de tel une prestation réalisée sans public. Comme son nom l’indique, Take One (Première Prise) a donc été capté en une seule fois, Susanne livrant pour l’occasion des versions dépouillées (piano/guitare-voix) des titres de son premier opus. S’il ne réédite pas la performance commerciale de ce dernier, ce nouvel album apporte confirmation du talent de compositrice et d’interprète de la jeune Norvégienne, capable d’embarquer l’auditeur dans son monde même sans recourir aux arrangements sophistiqués de la version studio.

La setlist diffère quelque peu de celle de la première galette, et Morocco a logiquement disparu (tant mieux d’ailleurs, je trouve que c’était la chanson la plus faible du lot), mais le reste est une retranscription fidèle du contenu de cette dernière, ainsi qu’une chance pour les fans « tardifs » (comprendre qui n’ont découvert Susanne Sundfør qu’au début des années 2010) d’entendre en live, ou presque, des titres que Susanne ne joue plus guère en concert aujourd’hui.

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3 ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour que le deuxième album voie enfin le jour. Enfin, le jour, façon de parler! Un seul regard à la pochette suffit à se convaincre que Susanne a changé de catégorie, et que l’époque (presque) guillerette de I Resign et autres Walls appartient au passé. Le pimpant rouge-gorge crayonné des débuts a laissé place à un vol de corbeaux, et la verte prairie au turquoise gothique d’un intérieur élégant mais anxiogène. Bienvenue dans The Brothel.

À l’origine de ce nouveau projet qui a du faire tomber de sa chaise plus d’un chroniqueur musical, persuadé que le deuxième disque de Sundfør exploiterait le même filon que son prédécesseur (pourquoi changer une recette qui marche?), une collaboration artistique et pas mal de galères. Les secondes étant d’ordre personnel, je passerai rapidement dessus (voilà, c’est fait) pour me concentrer sur la première. Entre 2007 et 2009, Susanne a en effet travaillé avec la plasticienne Kristin Austreid sur plusieurs projets fusionnant les installations de la seconde (la photo de la pochette a d’ailleurs été prise au cours d’une exposition) avec la musique de la première. On peut donc voir dans The Brothel la continuation de ce dialogue entre les deux artistes, en même temps qu’un acte de catharsis.

Car si on devait résumer l’esprit de l’album en un seul mot, « ténébreux » remplirait parfaitement la mission. Pas besoin d’aller bien loin dans l’écoute pour se retrouver plongé dans un univers onirique aussi raffiné que glacial, aussi sensuel que dangereux… un peu comme les maisons closes d’après lesquelles le disque a été nommé:

Purple pavement/Crooked fingers knocking on windows without souls/Bodies are swinging from rooftops and poles

The Brothel s’ouvre avec le morceau éponyme, déambulation de plus de six minutes à travers un paysage à la glauque splendeur, où les ombres des puissants au sourire doré croisent celles de parias n’ayant même plus la force de se désespérer sur leur sort. Évocation terrible et poignante d’un monde parallèle duquel il est vain de tenter de s’échapper, où la survie passe par un renoncement, un détachement envers sa double condition d’animal et de dieu/déesse. Gladiateurs et prostituées errent, vivent et meurent dans un microcosme crépusculaire régi par des règles iniques mais inviolables, et dans lequel Dieu n’a pas sa place (parallèle intéressant avec I Resign, morceau d’ouverture du précédent album, qui célébrait au contraire la libération « de la pauvreté et de l’enfer »). Il y a toutefois une leçon à tirer de ce premier tableau d’une noirceur consommée: la beauté peut s’épanouir même depuis le terreau le plus fangeux et ne resplendit que plus dans les ténèbres. The Brothel est en effet un morceau d’une splendeur sublime, dans lequel Susanne dévoile toute l’étendue de son talent d’interprète, appuyée par les arrangements magistraux de Lars Horntveth.

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Les neuf autres morceaux que comptent l’album sont autant de passerelles vers d’autres paysages, d’autres scènes de cet univers nocturne et impitoyable, et pourtant terriblement attirant, issu de l’union baudelairienne entre le beau et le mal. Voyez donc la poétesse déchue Lilith allumer et éteindre la lumière rouge à sa fenêtre chaque nuit, contemplez ses consœurs d’infortune, Black Widow et Selena, qui avaler le cœur de son malheureux amant, qui réduire à l’esclavage le dernier honnête homme de la ville jusqu’à ce qu’il devienne son âme damnée, son Knight Of Noir. Partagez un Turkish Delight  avec Susanne et succombez à l’ivresse sacrée provoquée par les interminables nuits de l’hiver polaire, ou bien aventurez vous hors de la cité et errez quelque temps dans les sous bois enneigés (As I Walked Out One Evening). Vous pouvez même tomber amoureux si cela vous chante (It’s All Gone Tomorrow), mais n’espérez pas vous échapper de la cage sans barreaux qui est à présent la vôtre. Le maître (O Master) veille, et mieux ne vaut pas penser au destin de ceux et celles qui ont tenté de le défier… Quand vous aurez réalisé que votre prison n’a absolument aucun échappatoire, il sera bien temps de regretter l’insouciance de l’enfance (Lullaby) et les proches que vous avez laissé derrière vous (Father Father) pour vous rendre dans la ville… dont vous ne repartirez jamais.

S’il est si facile de laisser son imagination ré-assembler les morceaux de The Brothel pour composer sa propre tragédie musicale, c’est que l’album est d’une remarquable unité. Là où Susanne Sundfør s’était dispersé dans plusieurs directions différentes et explorait plusieurs ambiances  (résultat du en grande partie à l’aspect « best of » de l’album et au fait que Susanne n’a pas eu la mainmise sur les arrangements et la production de ce dernier), son successeur est un monochrome parfaitement décliné, dans lequel aucun titre ne vient contraster violemment avec les autres. Même les chansons les plus pop de l’ensemble, tel que It’s All Gone Tomorrow ou Turkish Delight (qui ont d’ailleurs été utilisées comme singles) conservent en effet cette teinte douce-amère que l’on retrouve dans le reste des compositions. Une absence de dissonance qui résulte de  l’utilisation d’une palette limitée d’instruments, au premier rang desquels on retrouve bien sûr les claviers fétiches de Sundfør. Celui du piano qui l’avait accompagné sur son premier effort bien sûr, mais d’abord et avant tout celui du Fender-Rhodes, dont les vibratos vaporeux s’accordent merveilleusement à la voix de Susanne et contribuent fortement à l’atmosphère onirique qui se dégage de l’album. Enfin, les synthétiseurs font un retour fracassant après s’être invités sur la conclusion de Day Of The Titans, et entraînent l’auditeur dans l’autre galaxie promise dans Lullaby.

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Au chapitre des  collaborations reconduites, l’ensemble à cordes qui avait habillé quelques titres de Susanne Sundfør revient lui aussi en force, apportant une majesté tragique ici (It’s All Gone Tomorrow, débuté et conclus dans la stridence anxieuse et magnifique d’une escadrille de violons et violoncelles), une profondeur lyrique là (guettez son intervention, capitale mais « souterraine », lors de la construction du climax de The Brothel), et si les guitares ne peuvent plus prétendre jouer un rôle de premier plan, elles font également quelques interventions remarquées sur certains morceaux: rythmique apaisante à la conclusion de Lilith, overdubs discrets mais judicieux sur Knight Of Noir, on aurait tort de réduire leur participation au son de The Brothel à portion congrue. Ce dernier bénéficie également de la contribution d’instruments plus exotiques, tel que le clavecin, les timbales (timpani), la sansula ou encore le marimba. Mais c’est d’abord la tessiture chaude et profonde de la clarinette basse (instrument de prédilection de Lars Horntveth) qui se remarque dès la première écoute, puisque c’est elle qui tient la vedette sur  As I Walked Out One Evening. Comment ne pas tomber aussitôt amoureux de la douceur de ce bois injustement méconnu, et dont Berlioz disait tant de bien? Enfin, impossible de clore cette revue instrumentale sans évoquer le rôle absolument central qu’occupe la réverbération dans The Brothel: chaque note continue à hanter l’oreille et l’inconscient de l’auditeur longtemps après qu’elle ait été jouée. Ces échos lointains font plus que simplement enrichir et embellir le son de l’album, ils renforcent l’impression d’intemporalité que véhiculent les paroles de Sundfør: on ne sait plus très bien si le drame raconté par les différents morceaux appartient à un passé révolu ou se déroule sous nos yeux.

Les paroles justement, parlons-en (si je puis me permettre). Comme on pouvait s’y attendre, elles n’ont pas grand chose à voir avec celles du premier disque. Le propos est évidemment différent (concept album oblige), mais le style a également évolué, en mieux. Susanne Sundfør a répété a plusieurs reprises que la littérature constituait une de ses sources d’inspiration principales et en effet, références et clins d’œil plus ou moins évidents parsèment ses textes. Étant un fan fini de Bashung (et de ses paroliers Bergman et Fauque), j’apprécie particulièrement les artistes qui prennent le risque de coucher sur le papier leurs sentiments sans les rendre expressément intelligibles au non-initiés (c’est à dire le reste du monde): on ne comprend certes pas tout du premier coup, mais quelle satisfaction de « décoder » petit à petit leur propos, chaque écoute apportant un élément nouveau! Si vous éprouvez aussi un plaisir coupable à vous triturer les méninges sur le moindre vers un peu abscons, The Brothel constitue un bon terrain de jeu. Il y a même des chances que vous appreniez deux ou trois choses pour votre culture personnelle, si vous allez jusqu’au bout de vos tendances compulsives.

Et même si vous ne goûtez pas à ce genre de défi, vous pouvez toujours vous contenter de savourer la voix de Susanne Sundfør, sans chercher à comprendre l’entièreté de son propos. Enfin, sa voix… Je devrais plutôt parler de ses voix, tant les overdubs vocaux sont nombreux sur l’album. Plus question pour Susanne de laisser à d’autres le soin de réaliser les chœurs sur ses compositions, comme ce fut le cas sur I Resign, et si on devine que ce parti pris a du entraîner d’interminables prises  pour parvenir à un résultat final aussi complexe, abouti et magnifique, le jeu en valait très largement la chandelle. Fermez les yeux, et essayez de suivre tous les contrechants de Father Father, ou d’isoler les harmoniques de Black Widow. Si vous y arrivez, frottez vous ensuite au deuxième refrain de The Brothel, dans lequel on peut entendre un vers mystérieux. Impossible d’en saisir le sens (bienvenue au club)? L’important est ailleurs: vous avez pu vous rendre compte que l’extrême sophistication des parties chantées de morceaux de Susanne Sundfør répond à la fois à des critères esthétiques et symboliques. Lucky you.

Si The Brothel désorienta le public norvégien, qui avait laissé Susanne en 2007 sur quelques chansons remplies de fleurs et de peines de cœur, il sut également reconnaître ce nouveau disque pour ce qu’il était, c’est à dire un chef d’œuvre d’une noirceur indéniable, mais un chef d’œuvre tout de même. L’album se classera immédiatement en première position des charts nationaux au moment de sa sortie, une place qu’il conservera quatre semaines consécutives, pour trente semaines de présence d’affilée. Deuxième album le plus vendu en Norvège en 2010, The Brothel  consacre Susanne Sundfør comme l’une des artistes majeures de sa génération. L’accueil critique, également excellent, se doubla cependant d’une polémique lorsque Sundfør refusera sa nomination au Spellemannprisen 2010 dans la catégorie « artiste féminine de l’année », une décision cohérente par rapport à sa déclaration lors de la remise du même prix trois ans plus tôt, et qui ré-enclenchera le débat sur l’égalité entre les genres au sein du pays (que l’on ne peut pourtant pas qualifier de bastion du machisme). Elle ne repartira cependant pas bredouille de la cérémonie, le jury lui attribuant le prix de « compositeur de musique populaire » de l’année.

Les corbeaux étaient là. Moi aussi.

Face à une telle réception, il était somme toute assez logique que Sundfør tente enfin sa chance à l’international, une étape qu’elle avait toujours voulu franchir depuis le début de sa carrière. Une tournée européenne (qui passa par La Cigale le 28 Mai 2011) en tant que première partie de Thomas Dybdhal lui permit de partir à la rencontre de ses fans étrangers. Distribué en France à partir de Mai 2011, The Brothel ne connut pas le même succès qu’en Norvège, à cause d’une couverture médiatique inexistante, mais réussit tout de même à passer en radio, notamment dans l’émission Pop-rock Station de Francis Zegut sur RTL2, qui diffusa O Master assez de fois pour que je prenne la peine de me pencher sur le cas de cette Susanne au un nom imprononçable, mais qui faisait tout de même de la bien belle musique. Merci Tonton. La relation privilégiée entre la radio française et l’artiste norvégienne se concrétisa à deux reprises au cours de l’année, d’abord par une session acoustique enregistrée en Avril, puis en Novembre par un concert exclusif, joué dans l’immeuble de la radio et diffusé en direct pendant la seconde heure de Pop-rock Station. Ce passage sur Paris fut également l’occasion pour Susanne de donner sa première (et pour l’instant unique) représentation française en tant que tête d’affiche, le 23 Novembre à la Flèche d’Or, pendant laquelle le public eut droit à quelques extraits de son prochain album, comme le futur single White Foxes et l’hispanisant Can You Hear The Thunder (qui s’appelait encore King à l’époque). Un show très court, mais suffisant pour succomber définitivement à l’univers si particulier de miss Sundfør.

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Ce quatrième album (cinquième si l’on inclut au compte A Night At Salle Pleyel – Paris, toujours Paris! – œuvre expérimentale écrite par Sundfør uniquement pour des synthétiseurs, et qui, contrairement à ce que son titre le laisse à supposer, a été enregistré au Sentrum Scene d’Oslo), ne fut, fort heureusement pour nous, pas aussi long à enfanter que son aîné, certains de ses morceaux ayant déjà été présentés au public dès 2010. Restait toutefois à enregistrer et arranger toutes ces nouvelles compositions, afin d’obtenir un résultat aussi impressionnant que The Brothel. L’état avancé du processus de réalisation laissait certes présager une sortie en 2012, mais à quel moment exactement? Mystère.

Ce fut donc avec une excitation certaine et croissante que les  fans virent les choses se préciser, jusqu’à ce que la date du 26 mars soit enfin dévoilée comme  celle du D-Day (ou D-Dagen, pour rester en VO). Au fil d’une campagne de promotion savamment orchestrée, dévoilant d’abord le cover-art de l’album, d’une abstraction fractale assez proche du Unknown Pleasures de Joy Division, un premier single (White Foxes), puis quelques secondes de certains titres finalisés, les semaines passèrent jusqu’à ce qu’enfin le grand jour arrive.

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« Apocalypse, death, love and snow. » Voilà la description que fit l’artiste de son dernier disque auprès des médias. The Silicone Veil s’inscrivait donc logiquement dans la veine de The Brothel plus que dans celle  de Susanne Sundfør ou de Take One, mais jusqu’à quel point? Certains fans s’étaient inquiétés après que White Foxes ait été dévoilé en février,  jugeant que ce nouvel opus marchait trop dans les traces de son illustre aîné. Même propos assez sombre, même univers de beauté glacée, même mise en avant des pianos et claviers, même amour inconditionnel pour la réverbération… Les renards blancs poursuivis par Susanne Sundfør n’étaient-ils pas en train de la ramener droit dans la maison close qu’elle avait laissé derrière elle?

Après un mois d’attente, le temps que le jour tant attendu du 26 Mars arrive, la réponse tomba, sans appel: The Silicone Veil, sans constituer une progression aussi révolutionnaire  de l’approche musicale que celle qui s’était faite jour entre les deux premiers albums studios de Sundfør, était bel et bien une œuvre à part, et pas une redite d’un travail précédent. Nous voilà rassurés.

Tout commence par un (presque) silence. Et puis, la voix de Susanne retentit, a capella, pour quelques mots d’ introduction quant à ce qui va suivre:

We are in capsules/Slip away/Disloyal/To the doctors The sea is hungry/All the waves/The sea is hungry/Slip away

Ces « capsules » qui nous séparent les uns des autres, constituent un des thèmes les plus affirmés de l’album. Le « voile de silicone » du titre est d’ailleurs une métaphore de cette frontière, tantôt invisible, tantôt obsédante, qui délimite notre univers, à la fois dans notre relation avec les autres, mais également dans notre rapport avec l’environnement, l’histoire et, ultimement, notre propre mortalité. Par dessein ou par accident, on retrouve également ces concepts de frontière et de capsules dans la production de l’album, sur lequel les pistes s’enchaînent avec une certaine brutalité, donnant l’impression à l’auditeur de « tomber » d’un morceau à l’autre. Après le souci de continuité et d’unité très présent sur The Brothel, ce parti pris ne manque pas de marquer les esprits.

Autre idée-force de l’album, qui fait un retour remarqué après près de cinq années d’absence, l’amour réapparait enfin dans les textes de Susanne. Un amour toujours un peu contrarié et subtilement désespéré, proche des évocations amères qui parsemaient le premier album, mais de l’amour tout de même. Entre le très direct « I love you » de Diamonds, et le non moins explicite « You are loved » de When, on retrouve ainsi de nombreuses allusions au tendre sentiment, parfois introduites de manière assez « saignante », comme la macabre conclusion de Among Us:

He peeled off every vein I had/Till there was nothing left/But a bloodless heart/Still beating for him

Sur le plan musical, The Silicone Veil peut évoquer l’univers sombrement onirique de The Brothel à la première écoute, mais si les différences entre ces deux albums ne sont pas aussi marquées que celles, évidentes, entre Susanne Sundfør et son successeur, elles n’en existent pas moins. Première évolution, particulièrement audible sur des titres comme Diamonds ou Among Us, la prédominance des sonorités électroniques, quand The Brothel avait usé de ces dernières avec plus de retenue. Influencé par le dubstep et l’electronica , The Silicone Veil offre un son moins organique que celui de son prédécesseur, sans pour autant se départir de la grâce douloureuse qui imprégnait ce dernier. Un tour de force qui doit sans doute beaucoup à la collaboration entre l’artiste et l’ensemble des Trondheimsolistene. Signe éloquent de l’importance des cordes, l’instrumental de l’album, Meditations In AnEmergency, a été composé exclusivement à leur attention par Sundfør, qui a également fait appel à une harpiste pour l’ouverture du morceau-titre et pour la conclusion de Diamonds.

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Cet entremêlement d’influences et de sonorités modernes et classiques, électroniques et acoustiques, froides et chaudes, donne une couleur particulière à The Silicone Veil, dont l’hybridité peut confondre et étourdir de prime abord, d’autant que la tracklist de l’album semble avoir été pensée pour « choquer » l’auditeur, comme lorsque le  le lyrisme tragique de Meditations In An Emergency laisse place à l’introduction dub de Among Us (et l’expérience se répète entre When et Stop (Don’t Push The Button), vous voilà prévenus). Si vous cherchiez un album pour servir de bande son à votre assoupissement progressif, The Silicone Veil risque de vous jouer quelques tours pendables. En revanche, si vous étiez à la recherche d’un disque à la beauté à la fois évidente et complexe, vous avez soulevé le bon voile.

Cette complexité, on la retrouve également dans les paroles et dans l’interprétation de Sundfør. Pas besoin d’être un adepte convaincu de la théorie du complot pour se rendre compte que Susanne s’est amusée à relier entre eux certains morceaux, pas forcément très proches au niveau musical, pour le plus grand plaisir (coupable) de ses fans les plus imaginatifs/tordus. Un exemple? Rome se termine sur un mystérieux « Don’t let anyone enter » (d’autant plus mystérieux que cet ultime vers ne figure pas sur les paroles du livret), formule répétée quelques minutes plus tard sur le pénultième Stop (Don’t Push The Button). Simple coïncidence? Allons allons, restons sérieux. Ce ressenti de jeu de piste musical est fortement renforcé par le recours intensif de Sundfør aux hidden lyrics (à défaut de trouver une expression plus élégante), qu’elle avait déjà expérimenté sur The Brothel. Vous souvenez-vous de la phrase mystérieuse qui figurait dans le morceau-titre de ce dernier? Et bien, ce procédé proprement subliminal est de retour sur The Silicone Veil, et pas qu’un peu. Rome, décidément très riche en énigmes, bénéficie ainsi largement de ce traitement sibyllin, pratiquement indécelable à moins de consulter le livret. Si vous le faîtes, vous vous rendrez compte que l’hiver approche et que Jésus était un menteur, détails que vous aviez sans doute négligé à la première écoute. Quand au « feu ami » qui se fera également jour après un examen soigneux du morceau précité, se pourrait-il qu’il ait quelque chose à voir avec le collectionneur de cœurs de Among Us, que Susanne décrit comme « jouant avec le feu », bien évidemment à mots cachés? Libre à vous de tirer les conclusions qui s’imposent, ou non. Vous avez tout un album à votre disposition pour forger votre intime conviction.

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Les auditeurs au tempérament moins joueur pourront quant à eux se pencher sur les paroles immédiatement audibles, généreusement fournies en évocations nébuleuses et références peu évidentes. Qu’il s’agisse de faire la tournée des dômes (parfois cachés comme dans White Foxes, parfois inondés comme dans Rome), de fouler le sable du spoliarum de Pampelune (Can You Hear The Thunder), de localiser la mer morte évoquée dans Diamonds ou de découvrir l’identité de celle qui nous garde dans ses tiroirs sales, parmi les feuilles et les aiguilles de pins (Your Prelude), les sujets ouverts à interprétation ne manquent pas. Et c’est tant mieux.

Comment faire revenir les gens dans les églises? Une piste...

Comment faire revenir les gens dans les églises? Une piste…

La release party de l’album, donnée dans le cadre du prestigieux Parkteatret d’Oslo le lendemain de la sortie officielle du nouvel opus, fut l’occasion pour Susanne et ses musiciens de démarquer encore un peu plus cette nouvelle oeuvre de son prédécesseur. Adieu donc les corbeaux de bois et les toiles blanches qui constituaient le coeur de la scénographie à l’époque de The Brothel, et bienvenue dans le monde embrumé et lumineux de The Silicone Veil. Avec l’aide de l’artiste Kyrre Heldal Karlsen, le spectacle offert aux quelques centaines de chanceux présents ce soir là fut donc un authentique son et lumière, qui contribua à transformer le concert attendu en véritable expérience sensorielle, ainsi qu’à conférer aux compositions, nouvelles et anciennes, de Sundfør une aura féérique comme elles n’en avaient pas connu de telles jusqu’alors.  Fort heureusement pour les cohortes de fans n’ayant pas pu faire le déplacement, la plupart des morceaux joués ont été gracieusement mis en ligne par le journal Dagbladet. Contemplez donc ce qui risque de vous attendre dans peu de temps, et réjouissez-vous par avance (ou désespérez si vous êtes épileptiques). Bien que les Trondheimsolistene ne devraient pas accompagner Susanne dans l’Hexagone (il faut bien que les Norvégiens conservent ce privilège), je peux personnellement attester, pour avoir eu la chance d’assister à une prestation comparable lors du Steinkjerfestivalen de Juin dernier, que le résultat est tout simplement époustouflant (tant que le détecteur de fumée ne se décide pas à faire du zèle, tout du moins).

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Voilà qui termine ce premier K.W.A.S.S.A., dont j’espère qu’il vous a donné l’envie de suivre de plus près la carrière de cette fantastique artiste (mission première de cet article). Je vous donne donc rendez-vous le 10 Novembre prochain au Point Éphémère pour un concert haut en couleurs et en émotion, comme seule Susanne et ses acolytes sont capables d’en donner. D’ici là, ha det bra, comme on dit dans le grand nord norvégien.

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ANNEXES

 

En parallèle de sa carrière solo, Susanne Sundfør a collaboré avec de nombreux autres artistes, en grande majorité norvégiens. Ces rencontres ont donné naissance à des morceaux, voire à un album en bonne et due forme dans le cas d’Hypertext. Tous sont l’occasion de (re)découvrir la créatrice de The Brothel et The Silicone Veil sous un nouveau jour, parfois très éloigné de son univers musical habituel. Just enjoy!

J’en ai également profité pour joindre à la liste quelques reprises réalisées au fil des sessions d’enregistrement, interviews et plateaux-télé auxquels elle a participé ces dernières années, une poignée de remix ainsi que des liens vers les quatre mini (ou pas) concerts filmés réalisés pour le compte de ABC Studio, Kontorkonsert, le Parkteatret d’Oslo et la radio suédoise IP3. Les deux premiers, parce qu’ils incluent des versions de titres de The Silicone Veil très différentes du rendu final, sont particulièrement intéressants. Enfin, j’ai compilé toutes les paroles (traduites) de l’artiste sur un PDF, pour ceux que ça intéresse (c’est pas pour me vanter, mais vous ne trouverez nulle part ailleurs les paroles de The Dance et de Torn To Pieces sur le net 😉 ).

Collaborations:

– En 2008, Susanne participa à l’album Sorgen og Gleden (Peines et Joies), pour lequel la princesse Mette-Marit réunit une douzaine d’artistes norvégiens qui revisitèrent un répertoire très classique de manière plutôt classique également (famille royale oblige). Enregistré dans la Kulturkirken Jakob, le concert fut l’occasion pour l’auteur de l’assez religieux, au moins dans les paroles, I Resign de se frotter au plutôt pesant Ingen Vinner Frem Til Den Evige Ro (Nul ne prévaut jusqu’au repos éternel… tout un programme) dans une version ultra-dépouillée. Déconseillé aux dépressifs (mais disponible sur iTunes pour les plus courageux).

– Avec la sortie de The Brothel, peu s’attendaient à retrouver Susanne Sundfør derrière une musique aussi légère (« jamspace, polyrhymtic, electronic pop mod », d’après le groupe lui-même) que celle proposée par le collectif Hypertext dans son deuxième album, le festif Astronaut Kraut!, lancé en Novembre 2010. Clavier et chanteuse de luxe pour ses camarades de jeu, qui bénéficièrent de sa notoriété déjà bien établie pour se faire (un peu plus) connaître du grand public, Sundfør accompagna la joyeuse troupe dans le cadre de sa tournée norvégienne, avant de repartir assurer la promotion de son propre album. Rafraîchissant et original. Écoutez Astronaut Kraut! gratuitement.

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– 2011 fut l’occasion d’une belle rencontre avec le rappeur suédois (car oui, il y en a) Timbuktu sur le titre Kapitulera. Pour l’anecdote, il chante en suédois et elle en norvégien. On passera en revanche sur le look assez ostentatoire de Miss Sundfør et de ses choristes au cours de l’émission d’où est tirée la vidéo suivante:

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– La Norvège étant un petit pays (5 millions d’habitants, trolls non inclus) et la scène musicale norvégienne plus petite encore, il n’est pas étonnant de retrouver certains noms bien connus sur de nombreux projets différents. L’album I Like You de Martin Hagfors, produit par l’incontournable Lars Horntveth, compte ainsi deux morceaux (Floating From A Dream et Hanging On To Innocence) sur lesquels un auditeur attentif pourra déceler la présence de Susanne Sundfør, backing vocalist de standing. Le deuxième titre est téléchargeable gratuitement sous réserve de s’inscrire à la newsletter de Hagfors.

– Toujours en 2011, on retrouve Susanne aux côtés des Real Ones, dont le sixième album First Night On Earth, bénéficie des attentions bienveillantes de la native de Haugesund sur le titre Sister To All.

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– Plus récemment (2012), Susanne a participé au premier album de Morten Myklebust. Le duo issu de cette collaboration, Away, est plutôt gentillet (une sorte de Morocco inversé, si vous voyez ce que je veux dire), mais je vous laisse seuls juges.

– En pleine préparation de The Silicone Veil, Susanne Sundfør collabore avec le trio BOA dans le cadre de son premier album, mOOn Over tOwns. Le morceau composé pour l’occasion, Last Thoughts At The Stake, s’avère être une version expérimentale de The Silicone Veil, les austères arrangements voix/clarinette/violoncelle du groupe accouchant d’un titre pour le moins dépaysant.

– Le fruit de la collaboration entre la native d’Haugesund et les deux prodiges electro de Röyksopp a été présenté en avant première sur le plateau de l’émission de télévision norvégienne Lydverket. En plus d’une reprise du Ice Machine de Depeche Mode, le trio a joué un inédit, Running To The Sea, qui devrait sortir sous forme de single sous peu. Un troisième morceau, Save Me, figure également sur l’album The Inevitable End du duo.

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– Le morceau White Foxes a été composé pour la bande-originale du prochain film de la réalisatrice suédoise Mariken Halle, Verden Venter (Le Monde Attend), dans lequel Susanne fera une courte apparition (lors d’un mariage, apparemment). Sortie prévue en 2013 et teaser ici.

– L’année 2014 a vu la sortie du premier album (The Urge Drums) produit par Susanne Sundfør, sollicitée par le duo Bow To Each Other à cette fin comme révélé dans l’interview donnée par le groupe à l’occasion de leur participation au festival by:Larm (voir Sources). Gunhild Kristoffersen, moitié de Bow To Each Other, fait partie du backing band  de Sundfør (chœurs et claviers), et le duo a ouvert pour cette dernière sur de nombreuses dates de sa tournée norvégienne de 2012. Les singles Darling et Darkness peuvent être écoutés ici et , et l’album est à découvrir ici.

– Plus proche de nous, la sortie du film Oblivion de Joseph Kosinski en Avril 2013 permettra aux fans de M83 et de Susanne Sundfør de découvrir de nouveaux morceaux de leurs idoles respectives*. On retrouvera en effet Anthony Gonzalez aux commandes de la bande originale de cette grosse production, épaulé par le compositeur Joseph Trapanese et par la native de Haugesund, qui devrait plus précisément apporter sa contribution sur le morceau de fin du film. Restez pour le générique!

*: Collaboration qui découle sans doute des trois concerts de l’été 2012 durant lesquels Sundfør a ouvert pour le groupe d’Antibes.

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– Le doom and gloom serait elle une spécialité norvégienne? Même si l’intéressée s’en défend dans l’interview qu’elle a accordée à Noisey Vice en Octobre 2012, ce n’est pas avec Death Hanging qu’elle convaincra son monde. Fruit d’une collaboration avec Susanna Wallumrød (Susanna and the Magical Orchestra) et Siri Nilsen, ce morceau 100% nordique réussit l’union parfaite entre gravité et poésie. Éloge de l’élégie.

– Le clip du troisième single extrait de The Silicone Veil, Among Us, a fait l’objet d’un concours sur le site Genero.tv en septembre 2013. En attendant le début de la campagne de promotion officielle de cette vidéo et son téléchargement sur YouTube, il est possible de visionner le travail de couchfort (le gagnant) ainsi que celui des autres participants à ce projet sur la page Among Us de Genero.

– Septembre 2014. Dans l’attente de la sortie du successeur de The Silicone Veil, et avant de retrouver son public pour une (mini)tournée norvégienne en Novembre, Susanne Sundfør révèle sa collaboration avec Kleerup pour le compte du second (mini) album de ce dernier, As If We Have Never Won. Le titre s’appelle Let Me In (let me out!), s’inscrit dans la droite ligne de l’electro-disco remise au goût du jour par Arcade Fire sur Reflektor et ouvre officieusement l’acte IV de la saga Sundfør. Winter is coming…

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– Troisième acte de la collaboration entre M83 et Susanne Sundfør, le morceau For the Kids, figurant sur la tracklist du 7ème album du groupe d’Antibes (Junk). Après les épiques Oblivion et Memorial, cette balade d’amour ne paie pas de mine à première vue, mais pourquoi ne pas essayer d’y voir le 11ème morceau de Ten Love Songs et s’amuser à lui trouver une place dans la fresque passionnée peinte par ce concept album? Après tout, il y a un -s à la fin de Darlings

– Il semblerait que nous soyons en droit d’espérer un single de Röyksfør (pas besoin d’expliquer, non?) tous les deux ans, et c’est loin d’être une mauvaise nouvelle. Après Running to the Sea (2012) et Save Me (2014), le millésime 2016, Never Ever, a été rendu public en Septembre 2016. 

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Reprises et Inédits:

– Quelques mois après la sortie de son premier album, Sundfør interpréta le Masters Of War de Bob Dylan lors de sa venue dans le Store Studio de Bodø.

– Suite aux dramatiques évènements du 22 Juillet 2011, Susanne Sundfør, comme de nombreux autres artistes norvégiens, s’est produite au cours de cérémonies dédiées à la mémoire des victimes d’Anders Behring Breivik. On peut la voir ci-dessous reprendre Mitt Lille Land (Mon Petit Pays), composition d’Ole Paus.

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– Pour le compte de la chaîne de télévision NRKp3TV (et le bénéfice de ses spectateurs), une reprise du Try Sleeping With A Broken Heart d’Alicia Keys en compagnie du groupe Puma.

– De passage dans les studios de la radio P3 pour la promotion de The Silicone Veil, Susanne se fend d’une reprise piano-voix du We Found Love de Rihanna et Calvin Harris. Quand la chanson est bonne…

– Après une interview pour Gimmie Indie, même cadeau pour les auditeurs, cette fois avec After The Gold Rush de Neil Young, qui se termine par une petit discours militant écologiste qui fait toujours plaisir à entendre.

– J’ai souvent lu que Fleetwood Mac était une source d’inspiration pour Sundfør, sans vraiment comprendre pourquoi (ni de quel Fleetwood Mac on parlait). Merci donc à la Nett-TV NRK d’avoir levé toute ambiguïté en rendant public cette version du Wild Heart de Stevie Nicks.

– Audrey Hepburn actrice, vous devez connaître. Audrey Hepburn chanteuse, peut-être pas (bravo si oui). Quand à savoir ce qu’elle chantait… Contentez-vous de ce Moon River (Mancini/Mercer), repris par qui vous savez.

– Au chapitre des inédits, on retrouve tout d’abord ce Memorial, qui a fait hurler plus d’un fan norvégien quand la tracklist de The Silicone Veil est tombée (et qu’ils se sont aperçus que la chanson, qui apparaissait pourtant comme bien avancée, n’y figurait pas). Et puis il y a cet autre morceau, tellement mystérieux qu’il n’a même pas de nom, enregistré à la sauvette à la fin d’un concert (et donc baptisé Goodbye en attendant d’en savoir plus):

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– Tout récemment, les spectateurs de la tournée d’automne de Sundfør ont pu également découvrir une nouvelle composition de cette dernière, baptisée Trust Me.

– La cérémonie de remise des Spellemanpris 2015 a permis à Sundfør, outre de faire main basse sur 3 des précieuses statuettes (artiste pop de l’année, productrice de l’année et album de l’année pour Ten Love Songs), de présenter un nouveau morceau, The Sound of War. C’est ce qu’on appelle ajouter l’offrande au triomphe.

– En attendant la sortie d’un nouvel album studio dans les mois à venir, il est possible de ronger son frein en musique avec l’inédit Reincarnation, ballade (steel) guitare voix annonçant peut-être un changement de style sur le prochain disque de l’artiste.

Remix:

Une chanteuse avec une superbe voix avec des compositions entêtantes : pour la communauté des remixers, les  albums de Susanne Sundfør constituent un matériel de base de tout premier choix. L’occasion de redécouvrir des titres déjà accrocheurs, travaillés pour le devenir encore plus. It’s never enough

– On commence avec la version de Uphill Racer de The Brothel, qui entremêle encore un peu plus les pistes pour un résultat addictif. Heureusement, on peut télécharger cette petite merveille gratuitement ici.

– Issu du même album, Turkish Delight a apparemment fait le régal de nombreux bidouilleurs de platines. Souldrop, LidoLido et Tommy Tee s’y sont essayés, avec plus ou moins de succès.

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– Enfin, c’est MAPS qui s’y est collé pour le plus récent White Foxes. Montée (un autre groupe norvégien très sympa) avait annoncé plancher sur le même morceau il y a quelques mois, mais c’était avant que leur bassiste s’en aille en solo….

– Une fois n’est pas coutume, c’est Susanne Sundfør qui s’est penchée sur le travail d’un autre artiste (en l’occurrence MAPS – le même que ci-dessus -) et a livré sa propre version de A.M.A.

Concerts:

Avec seulement trois dates  en France à son actif jusqu’à maintenant et une notoriété internationale encore faible, il est assez probable que vous n’ayez jamais eu la chance de voir Susanne Sundfør en live. Heureusement, le net permet de rattraper cette lacune intolérable pour tout mélomane se respectant un minimum, et plusieurs shows, concerts et autres sessions sont assez facilement accessibles via YouTube. Quelque bonnes adresses:

– Le Kontorkonsert, c’est une idée tellement géniale que si elle ne s’exporte pas par chez nous dans un futur proche, je pars bosser en Norvège. Au menu de cette session jouée pour une poignée d’employés très chanceux (et une agrafeuse et un rouleau de scotch qui le sont encore plus), trois titres de The Silicone Veil, encore en projet à l’époque: Among Us (avec un dernier couplet qui sera fortement remanié dans la version finale), When et Stop (Don’t Push The Button) (lui aussi avec des paroles en WIP). On retrouve également Turkish Delight (The Brothel) et l’incunable Memorial. Un très bon cru.

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– Autre session, plus ancienne (ça se voit à la longueur des cheveux – en plus c’est vrai), réalisée pour le compte des studios ABC. Quatre morceaux cette fois, deux tiré de The Brothel (la chanson-titre et my personal favorite, O Master) et deux de ce qui allait se révéler être The Silicone Veil (la session a été enregistrée à la fin de 2010, plus de quinze mois avant la sortie de cet album). Là encore, ce sera la chanson-titre, complétée par un Among Us à l’intérêt au moins aussi grand que celui du dessus.

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Le concert donné au Parkteatret d’Oslo à l’occasion de la sortie de The Silicone Veil permet non seulement de se rendre compte à quel point le futur proche va être intéressant pour nous petits Français, mais également de retrouver quelques classiques des albums précédents agréablement « siliconés ». N’ayez crainte, le résultat est bien plus concluant que le lifting de la mère de Sylvester Stallone.

– On enchaîne avec un vrai beau et long concert joué par Susanne et toute sa bande pour le compte de la radio suédoise IP3. Bon, à moins d’être un fan de Lukas Graham, on peut tout de suite se rendre à la 34ème minute pour entrer dans le vif du sujet. Et si on ne parle pas norvégien ou suédois, l’interview donnée entre la 50ème et la 62ème minute est d’un intérêt assez relatif. Ça nous laisse tout de même près de trois quart d’heure de show, ce qui n’est pas suffisant mais déjà tout à fait correct.

– Malgré ses participations récurentes aux festivals estivaux de Scandinavie, je m’imaginais jusqu’à peu que Susanne Sundfør était une bien meilleure artiste indoor qu’outdoor. À tort (ça rime). La preuve en est cette captation de la performance de la demoiselle lors de son passage à Øya en Août 2015. Ni réservée ni intimidée, mais toujours aussi inspirée (quelle version de Trust Me!) et habitée qu’à l’accoutumée, Sundfør démontre avec ce tour de chant et de force qu’elle est autant capable de remplir des stades (ce qui est bien) que de les faire vibrer (ce qui est encore mieux).

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Paroles (et traduction):

Susanne Sundfør – Paroles et Traduction

Sources:

C’est aussi important. Voici:

– Live-chat sur la plateforme de VG Nett (norvégien) – 25/03/2010: lien
Interview pour le blog musical Drowned In Sound (anglais) – 19/10/2010: lien
– Interview du groupe Hypertext au moment de la sortie de Astronaut Kraut! pour le blog Musikknyheter.no (norvégien) – 22/11/2010: lien
– Interview pour le blog musical Inside The Pain (français) – 24/05/2011: lien
– Interview pour le blog musical IndiePopRock (français) – 12/11/2011: lien
– Interview pour le journal Dagbladet (norvégien) – 23/02/2012: lien
– Interview pour le magasine Gaffa (norvégien) – 24/02/2012: lien
– Interview pour le magasine Smug (norvégien) – 26/03/2012: lien
– Interview pour le journal H-Avis (norvégien) – 28/03/2012: lien
Interview pour Gimmie Indie (anglais) – 28/05/2012 : lien
– Interview pour Planet Notion (anglais) – 08/01/2013: lien
– Interview de Bow To Each Other pour le journal Dagbladet (norvégien) – 12/02/2013: lien
– Interview croisée Susanne Sundfør et Morgan Kibby (White Sea) pour Interview Magazine (anglais) – 07/06/2013: lien
– Interview pour Complete Music Update (anglais) – 26/03/2013: lien
– Explication au sujet du clip de The Silicone Veil de Luke Gilford (anglais) – 16/08/2012: lien
– Articles wikipedia (français, anglais et norvégien): lien, lien et lien
– Site de Kristin Austreid: lien

STEINKJERFESTIVALEN 2012 (ja, jeg elsker dette landet) – PART 1

Premier « véritable » article (en deux partie) de zique, une revue de l’excellent festival de Steinkjer auquel j’ai eu la chance de participer cette année. Oui, je sais, donner son avis dès le début, c’est moyen pour une critique, mais pas de faux suspens ici, c’était vraiment de la bombe!
saucisse
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Tout fout le camp.Y a plus de saisons. Après des mois de mai et de juin très décevants niveau météo, il était temps de partir pour des latitudes où l’été tient encore ses promesses. Ah, et où la musique est bonne aussi (pour joindre l’essentiel à l’agréable). Direction Roissy donc, avec tente et sac à dos, pour s’aérer les méninges le temps d’un week end dans un pays exotique en diable pour moi petit Frenchie gravitant dans les couronnes parisiennes le reste de l’année : la Norvège. Si si (ou plutôt Joda).


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STEINKJER, HERE I COME

Si la Norvège accueille quelques festivals musicaux de haute volée et de réputation, si ce n’est internationale, au moins continentale, pendant les mois estivaux (allez jeter un œil à la grille de l’Oya 2012), on ne peut pas vraiment ranger le festival organisée par la petite ville de Steinkjer dans cette catégorie.

Premièrement et essentiellement parce que Steinkjer, sans rivaliser avec Hammerfest, est située assez haut dans les terres, et n’est donc pas d’un accès facile pour le festivalier européen moyen. Même à partir d’Oslo, il faut compter une heure d’avion et une heure et demie de tortillard (mais bon, la vue est pas dégeu, ça fait passer le voyage plus vite).

Deuxièmement parce qu’au niveau organisationnel, le festival de Steinkjer (Steinkjerfestivalen dans le texte) se rapproche plus des Francofolies Rochellaises que du Hell Fest de Clisson ou du Paléo de Nyon. Comprendre ici que tout se passe dans la ville même, et pas dans les vertes pâtures jouxtant cette dernière. Et avec ses 21.000 habitants et son équipe d’organisation presque entièrement constituée de bénévoles locaux, on a vite fait de comprendre que Steinkjer n’a ni la capacité ni l’envie de drainer des dizaines de milliers de participants.

Ambiance très cosy et détendue donc, qui a agréablement surpris le festivalier « endurci » qu’est votre serviteur, habitué à calculer ses déplacements de scène en scène avec une discipline militaire et à optimiser ses périodes de repos pour rester un minimum frais d’un bout à l’autre de l’évènement.

Rien de tout ça à Steinkjer, dont les visiteurs sont en majoritairement des locaux qui préfèrent se prélasser sur la pelouse de la Rismelen (« grande » scène) plutôt que de faire le pied de grue au premier rang huit heures de suite pour être bien placé pour LE concert qu’ils veulent voir). Ajouter à cela le sentiment que le festival n’avait pas fait totalement le plein cette année, et on se retrouve avec des conditions idéales pour tout festivalier matois et rôdé qui se respecte. A l’inverse, certains artistes ont du se sentir un peu seuls face au public parfois clairsemé et souvent assez endormi ou dubitatif qui leur faisait face, mais c’est vraiment un moindre mal.

Elle est pas belle la vie?

Même topo au niveau du camping du festival, qui, comparé aux favelas hautes en couleurs et assourdissantes qui sont le lot de la plupart des évènements estivaux, avait tout du quatre étoiles sur les bords du lac Léman. 50 personnes à tout casser sur un îlot à un jet de pierre de la grande scène avec une foule de bénévoles aux petits soins (il y avait même une équipe d’intervention présente 24h/24, prête à repêcher les poivrots qui seraient tombés dans la rivière), et extinction de la sono au plus tard à 3h du matin… Que demande le peuple ?

Luxe suprême, il a fait beau et chaud (plus qu’à Paris durant les deux derniers mois tout du moins) pendant tout le week-end, ce qui joue quand même un grand rôle pour les gens qui dorment dehors. Ne restait plus qu’à vérifier si les artistes norvégiens valaient leur pesant de saumon fumé et d’aquavit.
saucisse
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JOUR 0 (Kick off)

Arrivée on the spot jeudi « soir », juste à temps pour assister au trois premiers shows du week-end, petite mise en bouche plutôt rock avant de passer aux choses sérieuses vendredi et samedi (ce qui laisse le dimanche pour revenir dans ses pénates, merci Mrs les organisateurs d’avoir pensé à moi, sans doute le seul festivalier français de l’évènement). Enfin, ça aurait presque pu le faire, si je n’avais pas du crapahuter dans Steinkjer pendant une demi-heure à la recherche du camping municipal (le camping du festival n’ouvrant que le lendemain).

Du coup, c’est râpé pour SCUM DE LA NORVÈGE , les régionaux de l’étape, dont l’influence se fera cependant sentir tout au long du festival (la faute à l’ampli – orné d’un magnifique doigt d’honneur punk en diable -qu’ils laisseront à la disposition des groupes qui joueront après eux sur la Klubbscenen). Dommage, j’aurais bien aimé voir ce quatuor de francophiles convaincus (à en juger par le nom du groupe) à l’œuvre.

On se console cependant rapidement avec ZAED , autre formation de Steinkjer, qui distille un rock tantôt bluesy tantôt punk, bien servi par le bel organe grave de son chanteur (une sorte de Guy Harvey à casquette) et le groove de son guitariste, vague lookalike de Gallagher (Rory, pas Noel hein). Pas mémorable, mais sympathique.

La soirée se finit avec l’intrigant combo glampop MIO (prononcer « Miou »), dont le look se situe au croisement de Bowie période Stardust et de Freddie période I Want To Break Free. Le bon goût s’étant pris un méchant de coup de pelle derrière la tête et comatant sur le sol entre les flaques de bière, les gobelets écrasés et les téléphones portables égarés (les Norvégiens ont des poches trouées) dans l’indifférence générale, quoi faire sinon se concentrer sur l’essentiel: la musique jouée par ces zigues ? Et encore une fois, l’essai est transformé, grâce à l’énergie déployée, envoyée, renvoyée et partagée de part et d’autre de la scène. Compositions assez peu originales mais énergiques et énergiquement jouées (le batteur cassant sa pédale de grosse caisse à trois reprises tout de même), frontman 220V sautant régulièrement dans le public pour des tentatives avortées de crowdsurfing (quand je vous disais que les public était clairsemé), et fatigue « euphorisante » accumulée au cours du voyage se mélangeant pour donner un cocktail tonique et grisant.

saucisse
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Cerise sur le gâteau, le retour vers le camping est l’occasion de vérifier que le soleil de minuit (d’une heure du matin en l’occurrence) nordique n’est pas une blague.

Après coup, on se rend compte que c’est plus une gêne qu’autre chose pour le festivalier essayant tant bien que mal de recharger ses batteries malgré la luminosité beaucoup trop forte pour qu’il soit facile de s’endormir, même en étant totalement vanné, et les cris stridents des mouettes locales, qui ont semble-t-il trouvé le moyen de ne pas dormir de tout l’été (ou alors elles doivent s’effondrer sur place à un moment, mais il y a toujours des copines pour reprendre le flambeau), mais sur le moment, on se sent prêt à enquiller les deux jours de concerts en une seule traite. Ça tombe bien, c’est au programme
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JOUR 1

On ne le dira jamais assez, l’attente est le lot quotidien du festivalier, où qu’il aille (au stand merguez, à la douche, aux toilettes…) et quoi qu’il fasse. À Steinkjer, cette assertion prend vite l’allure d’un dogme, d’un sacerdoce, d’une éthique de vie.

Non pas que les commodités soient continuellement prises d’assaut (au contraire, c’était bien foutu), mais à cause du rythme urbain et familial (certains iront dire petit bourgeois) du festival, dont le premier concert débute à 18h, et de la petitesse de la ville en elle-même, où il n’y a strictement rien à faire pour tuer le temps.

On a beau faire durer la « grasse matinée » le plus longtemps possible (pas facile dans une tente une personne qui se transforme rapidement en sauna dès que le crépuscule perpétuel laisse place à la journée proprement dite), plier le camp avec une savante lenteur, et traîner des pieds jusqu’à la place centrale après avoir repéré les lieux en prévision du soir, on a tout le temps de devenir intime avec le banc sur lequel on s’est assis en attendant l’ouverture du camping (12h).

L’installation de la tente ne prenant pas plus de 10 minutes (on est loin des 2 secondes promises par Quechua, mais le regard mi dépité mi admiratif lancés par les pauvres campeurs norvégiens livrant un dur combat contre leur abri de toile rétif à toute tentative de montage est tout de même flatteur), nous voilà quitte pour 5h30 de glande totale sur le parvis de l’église de Steinkjer. On a tout le temps de découvrir à quoi ressemble les supérettes norvégiennes, passage obligé pour s’approvisionner en victuailles après qu’on ait fait l’expérience amère des tarifs pratiqués par les stands de bouffe du festival (faut pas déconner les mecs, 13 euros la box de nouille Thaï !). Menfin, le bon côté des choses, c’est que l’on est aux premières loges pour les répétitions de SUSANNE SUNDFØR, même avec les portes de l’église fermée. Oui, elle va jouer dans une église, et oui, c’est pour voir ce concert que je suis parti à Steinkjer, donc oui je suis impatient.

À l’ouverture des portes, c’est la « ruée » (on ne court pas le 50 m dans une église tout de même, ça doit être ça l’héritage chrétien de la France dont parlait Sarko) vers le premier rang, pardon le premier banc, et bien évidemment, le chaland nonchalant local n’a pas fait le poids face aux mois de préparation et d’attente du visiteur. Schattra 1- Steinkjer 0.

Le rêve manque toutefois de se transformer en cauchemar lorsque, après avoir balancé lumières, fumée, musique d’intro, et pratiquement une seconde avant que Susanne ne s’attaque à la première note du morceau d’ouverture, le détecteur de fumée se met en marche. Pour ruiner une ambiance hyper travaillée et une démarche artistique savamment réfléchie, y a pas grand-chose de mieux.

Rires gênés parmi les musiciens, flottement dans l’équipe d’organisation, incompréhension du public, et Susanne repart aussi sec vers les coulisses. On nous fait comprendre qu’il faut évacuer le temps que soit neutralisée l’insidieuse sonnerie, mais fort heureusement, cette dernière est réduite au silence avant que l’irréparable ne soit commis (de toute façon, je ne pense pas qu’ils auraient réussi à me faire quitter ma place). Mot d’excuse du chef du festival, et on peut reprendre comme si de rien n’était, sauf que, sauf que… Sauf qu’on devine (plus qu’on ne le voit, il y avait vraiment beaucoup de fumée) que Susanne a été affectée par l’incident, qui a totalement bousillé son entrée.

Heureusement, le temps s’arrête à la première touche de Fender Rhodes effleurée par la fée enchanteresse du grand nord, qui livre un set faisant la part belle à son dernier album (The Silicone Veil) et conclus par quelques morceaux de sa précédente offrande (The Brothel). Étant un fan fini de Miss Sundfør, je ne m’attarderai pas à décrire le concert en lui-même. Disons simplement que je suis reparti avec beaucoup plus que ce que j’avais espéré trouver lorsque j’ai acheté mon billet sur son seul nom en mars dernier, et que pourtant, je n’avais jamais autant attendu d’un concert. Ne reste plus qu’à espérer qu’elle vienne défendre The Silicone Veil lorsqu’il sortira par chez nous (octobre sans doute).

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Sortie difficile de l’église de Steinkjer, sous un soleil toujours bien présent. C’est dur de se dire que ce n’était que le premier concert du premier jour du festival (c’est ce qui s’appelle griller ses cartouches, messieurs les organisateurs). Direction la deuxième scène, ou NTE SCENEN – TORGET, où déjà ont pris place JONAS ALASKA et sa bande de potes.

Déjà taxé de Dylan norvégien, le blondinet filiforme à la moue boudeuse et aux yeux tristes (Buster Keaton style), sappé comme comme un amish qui aurait chourré le chapeau de Lee van Cleef ne semble pas franchement ravi d’être là, mais comme il transpire le spleen par tous les pores (son « tube », October, est le récit de la noyade de deux de ses lointaines connaissances… ambiance ambiance), si ça se trouve il kiffait sa race. Reste que c’est difficile de jouer tout seul en arpèges sur une guitare sèche devant un public intéressé mais pas franchement emballé ni concentré. Il a quand même le droit à un rappel à la fin de son set, mais ne joue rien du tout, pas le temps, on l’attend sur la Klubbscenen où il doit accompagner MIKHAEL PASKALEV, qui vient juste de lui servir de second guitariste et de choriste lors de son propre concert. Scène de joyeuse transhumance d’une scène à l’autre, les artistes se joignant aux spectateurs sur les quelques dizaines de mètres séparant les deux lieux. Bienvenue au Steinkjerfestivalen !

Dans le cadre plus intimiste de la plus petite scène du festival, Paskalev (oui, c’est bulgare comme origine, comment avez-vous deviné ?), sourire ravageur et moustache triomphante surprend agréablement par sa capacité à passer d’un style à l’autre, sans jamais tomber dans la facilité. Son nouveau single, Jive Babe (et son clip « Rendez vous en terre inconnue dans un camp Rom en Bulgarie profonde »), chaudement accueilli, est un modèle de song writing catchy et intelligent, une pépite indie rock imparable. Même le flegmatique Jonas Alaska a l’air de se faire plaisir, et se fend d’un petit solo d’harmonica qui le fait plus que jamais ressembler au bon Zim’ (ne pas confondre avec Sim). Une vraie bonne découverte, et deux artistes à suivre (de loin, ça m’étonnerait qu’il passe en France avant un bout de temps).

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21h et des poussières, le set se termine. En sortant, on tombe nez à nez avec le show de D.D.E. (ça ne doit pas vouloir dire la même chose en norvégien qu’en français), groupe de rock « familial » teinté de musette, très populaire dans les années 90, mais jamais considéré d’un œil crédible par la presse. Pour faire simple, c’est un mix entre Les Innocents, Sanseverino et Jean-Louis Aubert.

Pour l’occasion (ils fêtent leurs 20 ans), ils ont débauché rien de moins que les TRONDHEIMSOLISTENE, un ensemble à cordes à la prestigieuse réputation nationale (et le programme me dit internationale, mais faut être connaisseur) pour les accompagner sur scène.

Autant pour Archive à Rock en Seine l’année dernière, j’ai été bluffé, autant là je suis resté dubitatif. Je ne connais pas bien la discographie du groupe (mis à part l’iconique Raï-Raï, qui est un peu le Tomber la Chemise du septentrion), mais de ce que j’ai pu entendre, c’est bien trop festif et bon enfant pour être porté au niveau symphonique.

En plus la scène était trop petite pour accueillir comme il se doit tous les musiciens, qui se sont entassés à l’arrière, et le soleil toujours radieux a fini de décourager le peu de magie que l’apport des Trondheimsolistene aurait pu créer (un beau ciel nocturne, voilà ce qu’il aurait fallu). On ne m’enlèvera pas de l’idée que Susanne Sundfør aurait pu faire un bien meilleur usage de tous ces archets (en plus, les Trondheimsolistene ont joué sur son dernier album).

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Retour à la Klubbscenen sur les coups de 22h, pour voir THE CUTE CRASH COMBO , que le programme présente comme un croisement entre AC/DC, Guns n’ Roses, David Bowie et Led Zeppelin, rien que ça.

À l’arrivée, si la comparaison avec le premier de ces illustres noms se révèle compréhensible, le frontman ressemblant assez à Angus Young, avec la casquette béret de Brian Jonson, le reste des parallèles tirés restent assez sibyllins, ce qui n’empêche pas nos 4 gaillards de livrer un set court, musclé et fort bien troussé. Rock quoi.

Le chanteur guitariste Jens Johan Stuberg s’approprie la petite scène et gesticule comme un damné, alternant moues « jaggeresques » et soli « richardsiens », bien soutenu par une rythmique carrée et efficace. Ces gars là ont le talent et l’attitude pour aller plus loin que Steinkjer et la Norvège, et savent écrire des chansons qui restent dans l’oreille et dans l’esprit (je me suis surpris à chanter en chœur le refrain de Beautiful Beast, morceau que j’ai du écouter trois fois d’une oreille distraite sur Spotify). Un vrai coup de cœur.
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En attendant que les petits gars de OSLO ESS arrivent sur place (en hélicoptère!), passage en curieux devant deux monuments musicaux, ou en tout cas présentés tels quels par le programme.

Premier arrêt devant les vétérans de DE PRESS, qui auraient apparemment pondus l’un des tous meilleurs albums de rock norvégien de l’histoire, Block to Block, qu’ils ont accepté de jouer en intégralité durant leur concert (un peu comme la tournée de Metallica pour les 20 ans du Black Album, sauf que celui là, tout le monde le connaît). Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Steinkjer est le seul festival dans lequel l’auguste groupe se produira cet été, exclusivité mondiale donc.

Verdict: il faut parfois savoir rester sur son piédestal de groupe culte, surtout quand on n’a pas le niveau d’autrefois. Peu d’énergie, et encore moins de synergie entre les musiciens du groupe (dont les ¾ ne sont pas d’origine), la palme revenant ex aequo au chanteur Andrej Nebb, dont la vague ressemblance avec the Edge (le bonnet) et sa manie de bastonner un pauvre fût de la Statoil même pas sonorisé (donc ça fait clong au lieu de faire boum) constituent les seuls caractéristiques marquantes; ainsi qu’au guitariste visiblement aussi novice dans le groupe que stressé, trop concentré sur son pupitre à partoches pour décocher ne serait-ce qu’un seul regard au public.

Second round avec une des têtes d’affiches du festival, les Polonais de BEHEMOTH. À ce qu’il paraît, ce serait des références mondiales du death metal, style musical que j’avoue volontiers ne pas bien connaître. La Norvège ayant donné au mouvement metal underground quelques uns de ses groupes les plus emblématiques, ces grands malades de Mayhem en tête, la présence du quator de Gdansk à Steinkjer n’était finalement pas si surprenante, même s’ils détonnaient pour le moins avec le reste de la programmation.

Mais même dans un des pays berceaux du death, coller ces zigues en dernier concert de la grande scène était un choix un peu trop osé, les quatre cavaliers de l’apocalypse ne jouant que pour une grosse poignée de fans massés devant la scène, le reste du public observant le spectacle à une distance prudente, assis dans les gradins ou sur la pelouse. Pas vraiment un accueil à la hauteur de ce que ces pointures méritaient, mais après deux morceaux aussi mélodiques qu’un concassage de parpaings au marteau-piqueur, je décidais moi aussi de battre en retraite. Il faudra aussi m’expliquer pourquoi la plupart des groupes de death se déguisent en croquemitaines s’ils veulent qu’on les prenne au sérieux (surtout que quand le public n’est pas au rendez vous, impossible de faire une blague pour détendre l’atmosphère).

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Minuit, Oslo Ess entre en piste. Portés par une section rythmique montée sur ressorts, un frontman au charisme punk rock indéniable et un solide noyau de fans agglutinés aux premiers rangs (avec moi au milieu, ouille), la quintette capitale réussit enfin à tirer quelque chose du jusque là placide public de Steinkjer. Ça aurait même pogotté derrière moi que ça ne m’étonnerait pas.

Le show est carré et sans temps mort, avec juste ce qu’il faut de spontanéité et de bonne humeur manifeste pour qu’on ne soupçonne pas de pilotage automatique (exception faite du clavier/harmonica, qui ne se fit pas prier pour quitter la scène une fois ses parties jouées). Indéniablement un groupe de live qui sait quoi faire et qui aime le faire, mais qui aura sans doute beaucoup de mal à faire son trou à l’extérieur de la Norvège (chanter en norvégien n’aidant pas vraiment à exporter sa musique).

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Une heure du mat’, et si le soleil ne montre toujours pas de signe de fatigue, tous les festivaliers ne peuvent pas en dire autant. Après sept heures de musique non stop et d’allers retours incessants d’une scène à l’autre, les jambes sont lourdes et les esprits vidés. Il faudra cependant puiser dans ses réserves pour faire honneur au dernier groupe du vendredi (ou au premier du samedi?), les MONGO NINJA, emmenés par leur leader Kristopher Schou, une légende de l’underground norvégien réputé pour absolument TOUT donner à chaque concert (selon mon indispensable programme).

Malheureusement pour moi, qui m’attendait à de l’Oslo Ess dopé au redbull et à la nicotine, j’ai eu en fait droit à du Behemoth d’intérieur, les costumes en moins (quoique, le guitariste arborait une magnifique double cartouchière digne d’un western spaghetti). Trop crevé pour pouvoir apprécier « l’offrande » de Mr Schou, sorte de Joe Strummer post-nuke, et de ses acolytes à sa juste valeur, je suis parti avant d’avoir pu constater s’il donnait vraiment absolument tout. Du peu que j’en ai vu, ça en prenait le chemin.

Au final, une première journée dont l’apex, prévisible, fut atteint dès le premier concert, mais remplie de bonnes surprises (et de quelques déceptions, incompréhensions ou incompatibilités, mais rien de grave).