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THREE BLIND WOLVES @ L’INTERNATIONAL (13.09.2013)

La rentrée n’a pas que de mauvais côtés. Musicalement par exemple, le mois de Septembre est un des plus actifs en matière de sorties d’albums et de tournées, les salles de concerts se livrant alors une compétition féroce pour attirer le chaland suite à la traditionnelle relâche estivale. Après avoir épluché les tombereaux de newsletters spammées avec une obligeance appréciable et une largesse non feinte par tout ce que la région parisienne compte de lieux culturels, le choix de la rédaction de S.A.U.S.O.R.O. se porta à l’unanimité (tout autre résultat aurait été plutôt inquiétant) sur la soirée du vendredi 13 Septembre, date fatidique s’il en est, telle que la proposait l’International, bar-concert parisien s’étant fait une spécialité des premières dates françaises d’artistes internationaux prometteurs. Après les excellents Kid Canaveral en Février dernier, la Calédonie envoyait donc de nouveau ses jeunes talents à la conquête de l’Hexagone (une tradition remontant au XIIIème siècle, lorsque William Wallace vint prendre des RTT mérités à la cour de Philippe IV). Saddle up fawks.

Après une heure et demie à siroter une pinte de Pelforth en se demandant si annoncer l’ouverture des portes (ou plutôt le retrait de la chaîne en plastique condamnant l’accès au sous-sol) deux heures avant le début effectif des festivités relevait de l’habile entourloupe à visée consumériste ou du piège à gogo crânement assumé, il nous tardait de passer aux choses sérieuses, en l’occurrence la première partie assurée par THE BURNIN’ JACKS (à ne pas confondre avec Burning Jacks – tout est dans l’apostrophe – groupe allemand à la notoriété tout aussi relative que son quasi homonyme hexagonal*), rejetons infernaux de la toujours active scène rock parisienne, qui semble plus que jamais prête à tout pour se débarrasser de l’image proprette que le grand public lui a accolé depuis l’éclosion (suivi de la mort précoce de la majorité) des fameux « Bébés Rockers ».

The Burnin' Jacks 2'

Guitare lead: Félix Beguin – Chant: Syd Alexander Polania – Batterie: Jeremy Norris – Basse: Vicomte Macumba – Guitare rythmique: Antoine Richter Astronaute

Pour faire simple, les Burnin’ Jacks sont aux BB Brunes, Naast et autres Plasticines ce que la Miley Cyrus des VMA Awards est à la prude Hannah Montana: une réaction aussi violente que sulfureuse, une rupture totale tant sur le fond que la forme, et un parpaing trash envoyé la mare du conformisme. La preuve par l’exemple. Premier morceau: Syd Alexander Polania, longiligne frontman ayant fait siens les enseignements de St Iggy Pop, patron des performances scéniques déjantées depuis presque un demi-siècle, fait tomber le haut et s’en va twerker la jambe du stoïque mais impressionnant guitariste lead du groupe (Félix Beguin). Troisième morceau: le même Syd profite du pont pour aller rouler une pelle au Vicomte Macumba, bassiste de son état, casaque pivoine et afro fellainienne. Cinquième morceau: première tentative de slam du padawan de l’Iguane, qui, malgré le soutien sans faille des fans s’étant déplacés en nombre, ne peut s’affranchir bien longtemps des lois de la gravité, peu aidé il faut dire par l’exiguïté des lieux et la bassesse du plafond (en briques) du sous-sol. Qu’à cela ne tienne, la communion avec le public passera donc par des incursions répétées dans la « fosse », négociées avec toute la finesse d’un brise glace traçant sa route dans le détroit de Bering par un 18 Février, avec les groupies en transe dans le rôle des icebergs dégagés sans ménagement. Je soupçonne Adrien Gallo d’avoir écrit Coups Et Blessures de retour d’un concert des Burnin’ Jacks au Pigalle Country Club. Just kidding.

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Une approche sans concession donc, à l’image de la musique (et du look, dommage que mon appareil n’ait pas été en mesure de rendre hommage à la garde robe chamarrée de ces messieurs: même les Rival Sons n’ont pas fait mieux lors de leur passage au Nouveau Casino) des Jacks, rock bluesy exubérant et nerveux, dans la continuation des Yardbirds de Jeff Beck, de la première glorieuse décade d’Aerosmith et plus récemment, des brûlots du Jim Jones Revue. Après trois quarts d’heure  de show, 12 titres et autant de litres de sueur perdus par chacun des membres du groupe, les BJ déposent finalement les grattes après un final épique Touch My Soul + Bad Reputation. Merci les copains, c’était The Burnin’ Jacks.

*: Ouais, je me renseigne avant de venir au concert, ça rend souvent de fiers services.

Setlist The Burnin Jacks:

1)Cheap Blonde 2)Don’t Stop Till You Go Insane 3)Slow Down 4)Won’t You Be Mine 5)My Baby’s Straight 6)The Reason Why 7)Caress Me 8)Noise 9)Can’t Find My Way 10)Molly 11)Touch My Soul 12)Bad Reputation

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Une bonne partie du public ayant fait le déplacement pour applaudir la quintette parisienne, les rangs étaient un peu clairsemés au moment où les THREE BLIND WOLVES sortirent de la micro-coulisse pour prendre place sur scène. La glace ne mit cependant pas longtemps à se rompre entre le quatuor de Glasgow et les spectateurs lutéciens, ces derniers acceptant sans histoires de se rapprocher du groupe à l’invitation de Ross Clark, leader des trois loups aveugles (une référence aux Three Blind Mice, figures populaires de la littérature enfantine anglo-saxonne – elles apparaissent mêmes dans la série Shrek), et synthèse parfaite entre Elvis Costello et un bûcheron canadien.

Three Blind Wolves 6'

Guitare: David Cleary – Batterie: Fearghas Lyon

Pour leur premier concert en France (qui se trouvait être également la dernière date d’une mini tournée européenne), les ex Scarfs Go Missing avaient sans doute à cœur de bien faire, particulièrement après le set volcanique livré par leurs prédécesseurs. Rien d’étonnant donc à ce qu’ils aient choisi de débuter par le morceau manifeste Hotel, calvacade americana psychédélique (une minute d’introduction tout de même) contenant tous les éléments du son Three Blind Wolves: un fond bluegrass/folk/rock, des harmonies à trois voix, des cassures de rythmes régulières et un final épique à même de retourner un stade. L’accueil enthousiaste réservé par l’International à ses hôtes écossais à la fin de ce premier morceau de bravoure de quelques six minutes acheva de dissiper les derniers doutes, s’il en restait, quant à la bonne poursuite des opérations.
Histoire d’enfoncer le clou une bonne fois pour toutes, le groupe enchaîna sur le premier single extrait de l’album Sing Hallelujah For The Old Machine, le très excellent Parade (téléchargeable gratuitement grâce au Music Alliance Pact, affaire à saisir). La présentation de ce premier LP, sorti au mois de Mai dernier, se poursuivit avec le plutôt grunge Honey Fire, l’intimiste et quasi acoustique Farmer With A Pulse (l’occasion d’entendre l’incroyable voix de basse du – la nature est bien faite tout de même – bassiste Kevin MacKay dans des conditions privilégiées), Slow Summer Deer ainsi que l’incontournable Here In Somewhere, pour lequel David Cleary poussa la ressemblance avec le regretté Levon Helm (The Band) jusqu’à délaisser sa guitare pour une mandoline (tandis que votre serviteur délaissait pour sa part son vieux boîtier numérique pour tester son nouveau jouet – une GoPro – en conditions live).

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Three Blind Wolves 11'

Chemise à carreaux: Ross Clark – Basse: Kevin Mackay

Ce fut toutefois sur un morceau plus ancien, l’effréné Echo On The Night Train que les Blind Wolves tirèrent leur révérence, s’offrant le luxe de refuser un rappel spontanément réclamé par un public parisien conquis (pas un mince exploit, au vu de la réputation d’indolence et de tiédeur qui est la nôtre). Pour une première, on a tutoyé le sans faute, même si j’aurais apprécié d’entendre une des reprises que le groupe insère de temps à autre dans ses shows: un petit Atlantic City (Bruce Springsteen) ou un Heart Shape Box (Nirvana), par exemple, n’aurait absolument rien gâché. Voilà déjà une raison d’attendre avec impatience le retour des loups dans une bergerie française, sans doute à la sortie du prochain album, même si une date sur un festival hexagonal serait évidemment la très bienvenue d’ici là. Ceci dit, puisqu’on a la preuve irréfutable que Ross Clark et sa bande sont capables de concevoir et d’enregistrer un album en l’espace de deux jours (en l’occurrence, le sept titres – dont une première version de Here In Somewhere, c’est dire si célérité rime avec qualité pour les Three Blind Wolves –  The Maybe Forrest), il se pourrait que l’attente soit plus courte que prévue…

Setlist (incomplète, mea culpa) Three Blind Wolves:

1)Hotel 2)Parade 3)Down In The Mud 4)Honey Fire 5)Farmer With A Pulse 6)Slow Summer Deer 7)In Here Somewher 8)Echo On The Night Train 

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Bilan des courses pour cette première sortie de la saison 2013-2014: une belle découverte française (ça faisait longtemps tiens… cocorico), une confirmation écossaise, un film GoPro convenable (pour une première), le tout sans débourser un centime. Bon, c’est pas tout à fait vrai en ce qui concerne la GoPro, mais pour le reste, avouez qu’il y a pire comme premier souvenir de rentrée, non?

KID CANAVERAL & COSINES @ L’INTERNATIONAL (16.02.2013)

Résumons: douchés dès le début du tournoi par des Italiens qui pourraient bien sous peu faire concurrence à l’Argentine dans la catégorie des « bêtes noires latines du XV de France »,  puis fracassés à domicile par quinze dragons-poireaux (vachement rare comme espèce, et pas commode) qui n’avaient plus rien gagné depuis leur sacre européen de 2012, voilà nos « petits » Bleus qui pointent en queue de peloton des VI Nations, situation aussi inconfortable qu’inhabituelle pour la cinquième nation du classement IRB.
Certes, il reste encore trois matchs pour (tenter de) laver l’honneur bafoué et éviter de terminer l’exercice 2013 avec la cuillère de bois, mais avec deux déplacements périlleux à négocier à Twickenham et à l’Aviva Stadium, le futur s’annonce bien incertain pour les hommes du goret. C’est dans ce contexte européen tourmenté que prit place la 14ème Another Sunny Night , qui, par hasard ou par dessein, collait parfaitement à l’actualité rugby de cette mi-février*, avec la réception de deux groupes venus tout droit de la perfide Albion, venus défendre respectivement les couleurs de l’Angleterre et de l’Écosse face un public français déterminé à recevoir ces visiteurs comme ils le méritaient. Pas de quartier. No mercy.

*: Ami lecteur, si tu croyais honnêtement que je m’étais tapé tout cette digression introductive par simple amour de l’ovalie, ta confiance en l’humanité me sidère..

Cosines 10²Cosines 15²En cette époque troublée, il est bon d’avoir des traditions auxquelles se raccrocher. En l’occurrence, ce fut celle voulant que les Anglais aient le privilège de faire feu avant tout le monde qui fut scrupuleusement respectée, les COSINES* prenant d’assaut la (toute petite) scène de l’International à 21h précises. Bâti sur les cendres fumantes de feu The Loves et sur un évier bouché (d’après la légende), le combo britton était venu défendre ses premières compositions en terre étrangère avec ce mélange de retenue et d’excentricité que l’on ne retrouve qu’outre Manche. Jugez plutôt: pendant qu’au premier rang ces demoiselles, en robes de velours verte et rouge rehaussées de dentelles pianotaient studieusement leurs claviers avec un flegme admirable, leurs homologues masculins, tapis à l’arrière plan, se montraient volontiers plus démonstratifs, tant sur le plan vestimentaire (le bassiste était visiblement un padawan du capitaine Haddock) que chorégraphique (si tant est que l’on considère le headbanging comme une chorégraphie). Mais qu’importent les oppositions de style, les Cosines s’accordant parfaitement les uns aux autres et délivrant leur « pop mathématique » avec la fraîcheur et la rigueur nécessaires pour honorer leurs deux valeurs cardinales.

Cosines 23²

Ami lecteur, trois ninjas figurent sur cette image. Sauras-tu les trouver? (PS: Si tu trouves le ninja batteur, respect)

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De la pop donc, mais pas n’importe quelle pop. Comme peut le laisser envisager le qualificatif de mathématique, la musique des Cosines est porteuse d’une certaine exigence, tant au niveau des mélodies (l’étonnant Commuter Love et sa structure rythmique syncopée semblable au Howlin’ For You des Black Keys) que des paroles. Même si la disposition des lieux et les aléas du live m’empêchèrent de comprendre l’intégralité des textes du groupe, on ne me fera pas croire que l’on écrit des chansons intitulées Lookout Mountain Drive ou Disclosed Stories pour raconter les mêmes platitudes que Mr ‘Baby³²’ Bieber. Quant à Hey Sailor Boy, récit des amours contrariées d’une pirate possessive (il en faut), il flottait sur ce morceau un petit air de 10.000 Maniacs des plus appréciables (ou bien fut-ce seulement le timbre d’Alice Hubley qui m’évoqua celui de Nathalie Merchant, allez savoir), que je fus peut-être le seul à percevoir mais qui suffit amplement à faire mon bonheur.

35 minutes après avoir ouvert les hostilités et sur une dernière nappe de Korg, les Cosines prirent congé du public parisien avec la tranquille assurance du devoir accompli**. Mi-temps.

*: Cosinus dans la langue de Molière. Un nom tout à fait approprié pour un groupe venant d’Angleterre. Relisez lentement les deux phrases précédentes si vous n’avez pas compris où je voulais en venir.
**: À propos de devoir, je ne peux vous laisser partir sans vous donner l’adresse du bandcamp de Cosines, où l’on peut télécharger gratuitement un titre du groupe. De rien.

Setlist Cosines:

1)Out Of The Fire 2)Lookout Mountain Drive 3)Commuter Love 4)Runaway 5)Walking Away 6)Disclosed Stories 7)Hey Sailor Boy 8)Misguide Me 9)The Answer

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Kid Canaveral 1²À la sortie des vestiaires/au retour du bar après le quart d’heure de pause réglementaire, ce fut au tour de KID CANAVERAL, quatuor écossais originaire de St Andrews, de dégoupiller. En venant présenter en avant-première leur second album, Now That You Are A Dancer, successeur très attendu du célébré Shouting At Wildlife, les kids firent au public de l’International un cadeau dont ce dernier ne réalisa peut-être pas la valeur, mise à part la petite bande de fans convaincus du premier rang. On en reparlera dans deux ans, quand il faudra payer trente euros pour venir les voir à la Cigale ou au Trianon.

Mais ne précipitons pas l’histoire. En ce samedi soir de Février, ce fut donc dans le sous-sol d’un bar du XIème arrondissement, sur une scène de quatre m² sonorisée à l’apache et dangereusement colonisée par les manteaux des spectateurs que les jeunes vassaux de King Creosote se produisirent, des conditions pas vraiment idéales pour qui n’a pas prévu de donner dans le punk ou le pub-rock. Cet environnement particulier donna au set de Kid Canaveral une coloration garage et lo-fi que l’on était en droit de trouver ou rafraîchissante ou horripilante, au choix. Les avis convergeront cependant sur le fait qu’il y avait un monde, voire deux, entre le rendu live des titres joués à l’International et leurs versions studio. Et si la basse de Rose McConnachie (imperturbable malgré le recouvrement progressif de son ampli retour par les effets personnels du public) et la batterie de Scott McMaster réussirent sans mal à tirer leur épingle d’une sonorisation brute de décoffrage, les guitares et samples de David McGregor et Kate Lazda ne purent pas en dire autant. Quand au micro de cette dernière, son réglage malheureux fit tout simplement passer Left And Right et Without A Backing Track pour des plages instrumentales, à quelques pré-chorus près.

Kid Canaveral 9²

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Ces quelques désagréments mis à part, le rock indie délivré par Kid Canaveral confirma amplement tout ce qui avait été écrit de bien sur eux depuis leurs débuts. Mélodies accrocheuses, jeu à deux guitares ultra efficace, section rythmique bondissante, chant maîtrisé (mais chœurs bousillés par les problèmes de micro évoqués au dessus)… ce groupe a vraiment tout pour lui, à commencer par un répertoire solide  comme le mur d’Hadrien (Good MorningYou Only Went Out To Get Drunk Last Night, And Another Thing!!, Smash HitsLow Winter Sun, Without A Backing Track, The Wrench…) et un nouvel album surpassant de loin son pourtant fort honorable prédécesseur*. Ajoutez à cela un line-up sexy en diable (My Bloody Valentine-like, le côté emo dépressif en moins) et si vous n’obtenez pas une rapide reconnaissance internationale, au moins dans les milieux initiés, vous pourrez légitimement crier à l’injustice. Bref, le futur de ces kids semble s’annoncer sous des auspices très favorables, et on ne peut que remercier l’équipe d’Another Sunny Night de les avoir fait venir à Paris à ce moment clé de leur carrière. Les absents souhaitant s’amender pour leur faute se réjouiront d’apprendre qu’ils prévoient de revenir par chez nous à l’automne, possiblement en Septembre. Soyez là.

*: Et je parle en connaissance de cause, puisqu’il était possible d’acheter Now That You Are A Dancer après le concert, soit plus de deux semaines avant sa sortie officielle le 4 Mars prochain. J’aime ma vie.

Setlist Kid Canaveral:

1)Breaking Up Is The New Getting Married 2)Who Would Want To Be Loved? 3)Good Morning 4)Left And Right 5)Who’s Looking At You, Anyway? 6)Her Hair Hangs Down (non joué) 7)Without A Backing Track 8)Couldn’t Dance 9)The Wrench (rayé de la setlist) 10)You Only Went Out To Get Drunk Last Night 11)What We Don’t Talk About (rayé de la setlist) 12)And Another Thing!! 13)Low Winter Sun 14)A Compromise (non joué)

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À la fin du temps réglementaire, le constat était sans appel: la fin de la domination anglo-saxonne sur le pop-rock n’est pas encore pour tout de suite. Oh, nous autres petits français avons bien quelques atouts à abattre, quelques artistes prometteurs à faire valoir, mais la concurrence est simplement trop rude et trop nombreuse pour espérer équilibrer le rapport des forces. Nous continuerons donc, année après année à être envahis par des hordes de bons groupes venus d’outre Manche, et, au fond, on ne va pas s’en plaindre.