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THE HIDDEN CAMERAS + LANTERNS ON THE LAKE @ LA FLECHE D’OR (28.01.2014)

Cette nouvelle année part sur de très bonnes bases, au moins sur le plan musical. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un œil sur les dernières sorties d’albums (conseil personnel: The Urge Drums de Bow To Each Other, une merveille electro pop qui accompagnera superbement votre hiver), les nominations et palmarès des diverses cérémonies de remise de prix (triomphe des Daft Punk  outre-Atlantique – c’est Arnaud Montebourg qui doit être content -, rafle prévisible et méritée de Stromae aux prochaines Victoires de la Musique – ça va faire plaisir à Elio Di Rupo -), ou encore l’agenda des concerts et les premières affiches des festivals français: tout ça a définitivement de la gueule. En ces temps de morosité économique, politique et météorologique, la musique reste une valeur refuge, un sas de décompression où évacuer tous les tracas du quotidien. Et comme le remède est encore plus efficace administré pur, c’est à dire live, c’est à la Flèche d’Or qu’il fallait être en cette soirée du 28 Janvier, pour une séance de thérapie sonique en trois actes, administrée par trois groupes maîtres en la matière. Détendez-vous…

Vedett 2Venu tout droit d’Angers, le quatuor VEDETT ouvrit les festivités avec un set léché et une maîtrise remarquable (mention spéciale au chanteur/bassiste Nerlov Mékouyenski, que ses lunettes noires et son sourire perpétuel qualifient d’office pour la finale du concours des sosies de Ray Charles). Trois ans après la sortie de leur premier EP, les sujets du bon roi René sont définitivement prêts à passer à l’étape suivante de leur carrière, le premier album (prévu dans le courant de l’année), et peut-être mériter leur nom en s’imposant comme une des nouvelles références de la scène française, décidément plus active et foisonnante que jamais. Tout au long de leur prestation, déclinée en une dizaine de morceaux d’obédience pop planante, les Vedett démontrèrent leur parfaite compréhension des codes du genre, gimmicks addictifs de guitare et de synthétiseur, basse veloutée, batterie précise et chant rêveur à l’appui. Si le Swell de The Popopopops vous a conquis, il y a de bonnes chances que les deux EP de Vedett vous emballent également, en attendant la commercialisation du premier long format que l’on espère être d’aussi bonne facture que celui des cousins Rennais. La barre est certes placée haute, mais Vedett a assurément le potentiel nécessaire pour faire aussi bien que les Pops.

Setlist Vedett:

1)République 2)Combo 3)Friday Morning 4)Marry Me 5)Learn And Love 6)Violence 7)The Band 8)L’Etang 9)Comme Je Suis 10)Nothing Else 11)Black Emperor

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Lanterns On The Lake 3Voir LANTERNS ON THE LAKE succéder directement à Vedett sur la scène de la Flèche d’Or pouvait à première vue surprendre, compte tenu du statut de tête d’affiche du groupe anglais. Comme on le verra plus tard, ce choix se révéla être des plus judicieux, et permit à la soirée de se dérouler avec une cohérence qui n’aurait pas été garantie si la quintette de Newcastle-upon-Tyne avait clôt les débats. Venus défendre leur deuxième album, Until The Colours Run, les Lanterns installèrent leur matériel avec la diligence et la rapidité d’un groupe encore peu habitué à son statut de révélation indie, cocarde pouvant s’avérer diablement lourde à porter de l’autre côté de la Manche, mais ne pesant pas encore grand chose au niveau international (comprendre que la salle n’était pas totalement remplie pour ce deuxième passage à Paris). Emmené par une Hazel Wilde à la fois discrète et impliquée dans son rôle de maîtresse de cérémonie (je lui mets une note de 3 sur l’échelle des frontwomen, 1 correspondant à Beth Gibbons susurrant du Portishead dos au public sur la grande scène des Vieilles Charrues et 10 à Beth Ditto continuant le concert de Gossip depuis les coulisses de la grande scène des Vieilles Charrues), le combo britannique déploya avec maestria son univers néo-romantique, tantôt épique (ElodieA Kingdom, The Buffalo Days), tantôt intimiste (Ships In The Rain, Green And Gold), mais toujours superbement mélancolique. Le groupe se permit même de convoquer les manes du Cocteau Twins* de la grande époque (Heaven Or Las Vegas) durant l’interprétation de Another Tale From Another English Town, confirmant ainsi sa filiation évidente avec les acteurs du mouvement dream pop dans les années 80.

*: Le patron du label (Bella Union) distribuant Lanterns On The Lake n’étant autre que Simon Raymonde, bassiste de Cocteau Twins, on se dit que la vie est bien faite.

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Lanterns On The Lake 1Mélangeant nouveautés et pépites tirées de travaux plus anciens (Ships In The Rain, Sapsorrow, Tricks, I Love You Sleepyhead), le set d’une heure livré par Lanterns On The Lake se conclut de manière aussi modeste qu’il avait débuté, Hazel annonçant à la fin de Not Going Back To The Harbour que le groupe enchaînerait directement sur les trois morceaux du « rappel », et donc sans quitter la scène pour mieux revenir sous les vivats du public, comme c’est souvent l’usage. Jacques Brel trouvait la pratique démagogique (il ne fit qu’un seul rappel au cours de sa carrière, pour éviter de froisser l’intelligentsia soviétique qui était venue l’applaudir à Moscou en 1965 – pas folle la guêpe – ), les Lanterns On The Lake la qualifièrent pudiquement de silly, avant d’enchaîner sur le lacrymal Green And Gold*, piano-voix cristallisant toute la beauté douce-amère de l’univers des anglais avec une sobriété exquise. Penchée sur son clavier, Hazel Wilde égrenait les accords avec la sérénité du ressac de la mer du Nord sur les plages de Sunderland tandis que le reste du groupe, assis sur la scène, contemplait le spectacle avec la même attention recueillie que le public parisien. Le calme avant la « tempête » de Until The Colours Run, morceau de bravoure à la générosité toute Arcade Fire-ienne s’achevant par un long fade out atmosphérique sur le disque, ici écourté et remplacé par un I Love You, Sleepyhead final. Je crois que nous avons gagné au change.

*: Morceau téléchargeable gratuitement grâce au Music Alliance Pact.

Setlist Lanterns On The Lake:

1)Picture Show 2)Elodie 3)A Kingdom 4)Ships In The Rain 5)Another Tale From Another English Town 6)The Ghost That Sleeps In Me 7)The Buffalo Days 8)Sapsorrow 9)Tricks 10)Not Going Back To The Harbour 11)Green And Gold 12)Until The Colours Run 13)I Love You, Sleepyhead

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The Hidden Cameras 1Cela faisait longtemps qu’on attendait des nouvelles de la part de THE HIDDEN CAMERAS, depuis 2009 précisément, année de la sortie de l’album Origin:Orphan, auquel les fans du groupe de Joel Gibb (aucun lien de parenté connu avec les Bee Gees) attendaient patiemment un successeur. C’est désormais chose faite, un nouveau jalon dans la discographie du « gay church folk band » répondant au nom de AGE étant sur le point d’être commercialisé au moment où la joyeuse troupe débutait sa tournée européenne. N’ayant découvert le groupe que quelques jours la tenue du concert à la Flèche d’Or, et compte tenu de sa confidentialité au niveau hexagonal, je m’attendais à ce qu’il passe en deuxième partie, laissant aux Lanterns le soin et l’honneur de terminer la soirée. Messieurs les Anglais, jouez en dernier. Comme dit plus haut, il n’en fut rien, et tant mieux. Deux raisons à cela (l’une débile et l’autre pas, je vous laisse seuls juges pour décider du degré d’intelligence des deux propositions suivantes): la première, le droit d’aînesse, The Hidden Cameras existant depuis 2001, contre 2007 pour Lanterns; la seconde, l’énergie déployée au cours du set, bien supérieure chez les Canadiens. Etant un partisan convaincu de la théorie de la montée en puissance (qui stipule qu’il faut toujours commencer par le plus calme et finir par le plus énervé, afin d’obtenir un climax digne de ce nom), je ne peux que me féliciter de la décision du staff de s’être rangé à l’un ou l’autre des arguments listés ci-dessus, et d’avoir laissé aux Caméras Cachées la dernière tranche horaire. J’aurais également apprécié que la soirée se termine plus tôt, ce qui m’aurait permis de rester jusqu’au bout de la prestation de The Hidden Cameras, au lieu de devoir m’éclipser à la moitié du set pour pouvoir attraper le dernier train. En ce sens, la Flèche d’Or reste la plus parisienne des salles parisiennes, puisqu’il faut être Parisien pour pouvoir profiter pleinement des évènements qu’elle organise (ou être prêt à randonner dans les champs à 1H30 du matin, mais c’est une autre histoire…).

Journée de la jupe et jeu du foulard, façon The Hidden Cameras

Journée de la jupe et jeu du foulard, façon The Hidden Cameras

Ce départ précipité était d’autant plus regrettable que The Hidden Cameras est un groupe de scène comme on en fait peu: énergique, communicatif et très, très rigolo (voir trois solides gaillards interpréter un morceau entier en jupe et avec un bandeau rouge sur les yeux restera un de mes moments forts de l’année 2014). L’intensité avec laquelle Joel Gibb interprète ses chansons est également notable, notre ami allant chercher chaque note avec une telle ardeur que son visage s’en trouve déformé (la seule comparaison qui me vienne à l’esprit est l’interprétation de Man Of Constant Sorrow par John Turturro et Tim Blake Nelson dans O Brother). Enfin et surtout, les morceaux du sextuor marient avec réussite l’esprit garage rock à une exubérance pop, mélange détonnant à l’origine de délires joyeusement graves (In The NA, Smells Like Happiness, AWOO) ou d’hymnes engagés et imparables (Gay Goth Scene et son motif de violon…). Certains des morceaux de AGE lorgnent même du côté de l’electro et de la cold wave, et ce de manière très convaincante, comme le Carpe Jugular qui marqua la fin de ma soirée à la Flèche d’Or. Un éclectisme maîtrisé donc, qui mérite amplement que l’on se penche sur le cas de The Hidden Cameras et qu’on aille les découvrir sur scène si l’occasion se présente. Soyez bien sûr que je ne laisserai pas passer ma chance si Joe Gibbs et sa bande décident de faire une nouvelle escale parisienne dans le futur: après tout nous n’en sommes techniquement qu’au milieu du premier set…

Setlist The Hidden Cameras:

1)Skin & Leather 2)Bread For Brat 3)Doom 4)In The NA 5)AWOO 6)Smells Like Happiness 7)Gay Goth Scene 8)Carpe Jugular 9)

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Cette première sortie de 2014 se termina donc par une déception, mais une déception positive: celle d’avoir du partir trop tôt pour des raisons bassement terre à terre. Pour le reste, ce fut une soirée parfaite, sans doute la meilleure de l’année de mon point de vue. J’espère cependant que les onze mois à venir feront de l’exceptionnel d’aujourd’hui l’ordinaire de demain, vœu pieux dont il me tarde de constater la réalisation, inch’allah. Rendez-vous le premier Février au Point Ephémère pour la seconde étape de cette année musicale, en compagnie d’une belle troupe d’artistes scandinaves. C’est de saison.