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STEINKJERFESTIVALEN 2014 – PART 2 (26/27/28.06.2014)

Après une nouvelle « nuit » passée à essayer de dormir, suivie d’une nouvelle matinée passée à essayer de se réveiller, il était temps d’aborder le grand final de cette neuvième édition du Steinkjerfestival. Sur le papier, la conclusion de ce samedi paraissait bien plus attrayant que le programme des premières heures, mais, et c’est la magie de ce type d’évènement, il s’avéra que la qualité resta aussi homogène que haute de 15h à 01h du matin. Que demande le peuple?

Samedi midi au camping du Steinkjerfestival: même plus besoin de sortir de la tente!

Samedi midi au camping du Steinkjerfestival: même plus besoin de sortir de la tente!

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Le samedi est un jour un peu spécial au Steinkjerfestival, en ceci que les organisateurs transforment le site en gigantesque aire de jeux pour têtes (forcément) blondes en début d’après-midi, avant de rebasculer en mode musique pour le reste de la journée. Entre les ateliers de maquillage, les stands de jeux, les spectacles de rue, l’école de cirque et les tours de poney, il y en avait vraiment pour tous les goûts. Pour ma part, j’ai simplement regretté que le tremplin musical dont j’avais été témoin au cours de ma dernière visite ait été annulé, même si un grand nom de la scène norvégienne avait été invité en guise de remplacement.

En effet, MARTIN HAGFORS faisait office de clou du spectacle pour cette première partie de journée, et monta sur la NTE Scenen à 16h pour le plus grand plaisir des 3 – 10 ans. Si vous ne connaissez pas le personnage, sachez qu’il s’agit d’un chanteur américano-norvégien que l’on pourrait qualifier d’engagé (Company Oil, Blood For Oil, Freedom For The Hounds), et dont le dernier album (I Like You) était vraiment excellent – et je ne dis pas ça parce qu’il a été produit par Lars Horntveth et que Susanne Sundfør (1ère) a fait les chœurs sur deux morceaux – . Avec sa voix plaintive, son éternelle casquette militaire et ses participations à des rallyes politiques, Hagfors s’inscrit dans la droite lignée des chanteurs de folk américains, de Woody Guthrie à Peter Seeger. Mais ça, c’était avant.

Car Martin Hagfors a plus d’une corde à son arc, et n’était certes pas venu, comme vous vous en doutez bien, titiller le sens civique des bambins de Steinkjer. Ayant multiplié collaborations et projets musicaux au fil des années, le Hagfors version 2014 (spécialisé dans la chanson enfantine) était venu présenter son spectacle à succès MEG OG KAMMERATEN MIN (traduction: moi et mon copain) en compagnie de son complice Håkon Gebhardt – ex Motorpsycho – . Il n’y a qu’en Norvège que ce grand écart artistique est possible*, la chanson pour enfants étant perçue comme un sous-genre dans de nombreux pays (la France y compris), et ses interprètes passant toute leur carrière à creuser ce sillon.

*: La littérature est également concernée: le grand Jo Nesbø lui-même a ainsi débuté une série pour enfants, dont le premier tome porte le nom évocateur de « Doktor Proktors prompepulver », soit « La Poudre à prout du professeur Séraphin » en VF. Ca te fait rire couille de loup? L’équivalent français de cette digression juvénile pourrait être Serge Brussolo, avec ses séries Peggy Sue et Sigrid, encore que ces dernières s’adressent plus à un public adolescent qu’enfantin.

Martin Hagfors

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Quoi qu’il en soit, il fallait parler couramment le norvégien et avoir au choix moins de 99 mois ou plus de 99 ans pour apprécier pleinement la mini comédie musicale donnée par Hagfors et Gebhardt, apparemment articulée autour du personnage du « Roi des rats » (figurines en mousse à l’appui), d’après le peu que j’en ai compris. Ne répondant à aucun de ces deux critères, j’ai rendu ma carte d’adhérent après une petite demi-heure, découvrant sur le chemin du retour à la tente une effroyable nouvelle placardée sur les portes de l’Eglise: INGRID, souffrante, annule son concert solo dans le dit lieu consacré. Helvete!

Consolation importante, le concert de Highasakite (le groupe dont Ingrid est la chanteuse) était lui maintenu. Attendant beaucoup de l’une et l’autre prestation, je fus très déçu de ce coup du sort, même si avec le recul (et la découverte du premier et unique album de Mlle I.) je me demande bien ce à quoi le récital de la grande prêtresse lucanophile – ce terme existe – aurait donné. Non pas que Babylove soit mauvais, bien au contraire, mais ce n’est pas le genre d’album qui passe très bien en live à mon avis (à moi de faire une fixation sur l’huile de moteur et/ou la bière istanbuliote). À toute chose malheur est bon cependant, puisque ce désistement me permit de découvrir un groupe que j’avais déjà zappé lors de l’édition 2012 (et croyez bien que je le regrette maintenant, car il est beaucoup plus sympa que D.D.E.).

Mais remontons d’abord un peu le temps, pour revenir au premier concert de la journée. La suppression du tremplin musical du samedi matin n’ayant pas été si sèche que ça, le créneau de 15h avait été réservé aux vainqueurs d’une sorte de concours local, qui se trouvèrent être les SUGARFOOT. C’est ainsi que, en plein milieu du centre aéré géant qu’était devenu le Steinkjerfestival à ce moment précis de la journée, et avant que Meg Og Kammeraten Min n’investisse les lieux, la NTE Scenen accueillit un authentique groupe d’ americana-country (j’en veux pour preuves le fait que 1) l’un des musiciens jouait de la steelpedal et 2) ce même musicien aurait pu remporter le concours de sosies de David Crosby – période CSNY – même s’il s’était (presque) coupé les cheveux). Malgré une audience famélique – bizarrement, les enfants n’aiment pas ce genre musical -, la performance du sextuor fut tout à fait honorable, avec quelques envolées instrumentales savoureuses.

Et non, cette photo n'a pas été prise pendant les balances...

Et non, cette photo n’a pas été prise pendant les balances…

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Il y a des musiciens qui semblent prendre un malin plaisir à braver crânement les règles les plus élémentaires du marketing et de la communication promotionnelle. Même s’ils prouvent ce faisant leur détachement (admirable) par rapport aux trivialités que sont la course à la médiatisation et à la reconnaissance du grand public, réservant leur art à la poignée de happy few ayant eu le bonheur de les découvrir aux hasards des courants et des rencontres, je ne peux m’empêcher de penser que cette attitude est plus dommageable qu’autre chose, et que les ayatollahs de l’obscurantisme seraient toujours mieux inspirés de ravaler leur pureté nihiliste pour, ne serait-ce qu’une fois dans leur parcours, se plier aux règles du jeu de l’industrie musicale.

Par exemple, en se dotant d’un nom de scène un minimum « Google-friendly », ce qui constitue un atout considérable dans notre monde méga-connecté et hautement concurrentiel. Je m’étais fait cette réflexion il y a quelques temps déjà – après avoir passé quarante-cinq minutes à chercher, sans grand succès, le site de Indians à la suite de son concert au Café de la Danse en première partie de Perfume Genius – et ma position sur le sujet n’a pas bougé d’un iota depuis. Le fait que je vienne de perdre une demi-heure à localiser la page Facebook* de THE SOUTH n’est sans doute pas étranger à ce conservatisme militant. Mais laissez moi vous dire que ça en valait la peine.

Pourquoi? Parce que les gars de The South font du rock comme plus personne (ou presque) en fait de nos jours, en tout cas pas en Europe et pas à un tel niveau de maestria. Le côté sudiste du groupe s’exprime en effet par son amour immodéré pour le jeu à deux ou trois guitares électriques, les improvisations géniales et prolongées, et les prestations live faisant primer la qualité sur la quantité des morceaux joués (quatre en tout et pour tout en cinquante minutes).

Vous l’aurez compris, le Sud dont on parle ici est celui des Etats-Unis, de la fin des années 60 au milieu des années 70, à l’époque où le Grateful Dead chassait l’alligator en chantant des hymnes solaires, où Lynyrd Skynyrd prenait la défense de l’Alabama et ouvrait la cage aux oiseaux, et où la bande des frangins Allman faisait les trois huit au Fillmore East. Pour autant, il serait aussi mal avisé que réducteur de cantonner The South à cette ascendance illustre, nos compères étant tout à fait capables de s’illustrer dans d’autres styles, comme ils le prouvèrent avec l’introductif No Escape/Don’t Let Go, crossover réussi entre Echoes de Pink Floyd et Daylight Again de Crosby, Stills and Nash. Mais oui.

Mené par le virtuose barbu Alexander Pettersen et par la charmante Ida Jenshus, qui, en bonne copine, fit office de choriste/tambouriniste de luxe le temps d’un concert (et plus important, m’a permis de retrouver la trace du groupe sur le net par simple effet d’association, merci Ida), le sextuor imposa son approche vintage avec brio et passion et fut récompensé de son investissement par une foule nombreuse et enthousiaste. Je recommande vivement l’écoute de leur dernier album, …The Further Out You Get, qui ne vaut évidemment pas une performance live mais vous donnera sans doute l’envie pressante de découvrir The South sur scène. Si l’occasion se présente, ne la laissez pas passer.

*: Et comme si ça n’était pas assez dur comme ça, le groupe a eu la magnifique idée de publier un deuxième album éponyme. La Norvège n’est pas les pays des trolls pour rien.

The South 2

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Les trois heures qui suivirent se révélèrent moins passionnantes. Sur Rismelen et sous un beau soleil, MARIA MENA remplit de bonne grâce le quota de pop gentillette de cette édition 2014 (deux ans plus tôt, c’était Gabrielle). Même avec la meilleure volonté du monde, difficile de se satisfaire de ce genre de soupe quand on a fait 1700 bornes pour venir. Avec le recul, je pense que ça aurait beaucoup mieux donné en acoustique sur la scène de Klubben, mais les têtes d’affiche ont un rang à tenir, après tout.

Plus tard, le combo américano-danois REVEREND SHINE SNAKE OIL CO., sans doute abandonné dans la baie de Steinkjer par le Gulf Stream, essaya sans grand succès de convertir les habitants du cru à leur mélange de jazz/gospel/funk expérimental, sans doute un peu trop pour un dimanche après-midi et un festival familial. Claudius – Angeryman – Pratt eut beau mouiller la chemise avec application (sur les vingt minutes auxquelles j’ai assisté, le bougre a bien du perdre 8 litres de sueur), occuper la scène avec l’énergie de James Brown et beugler dans son mégaphone avec la hargne de Tom Waits, la sauce ne prit pas vraiment, et nous nous retrouvâmes donc nombreux à faire la queue pour assister au concert de MONICA HELDAL, brindille folk qui eut bien du mal à se faire entendre au dessus du brouhaha causé par les allers et venues ininterrompues entre l’intérieur de Klubben et les autres points chauds du Steinkjerfestival (la buvette, les stands nourriture, la consigne, le vendeur de goodies, les toilettes et la prestation du Reverend Shine, par ordre de popularité décroissant).

En raison de cette affluence record, je garde un souvenir assez flou de la performance de Miss Heldal et de ses musiciens, dont un guitariste lead assez impressionnant. J’en ai toutefois assez vu et entendu pour savoir que cela m’aurait sans doute beaucoup plus dans des conditions plus favorables. Les mystères du cerveau humain… J’eus également le privilège de voir passer l’organisateur de l’évènement, Svein Bjørge en personne, toujours impressionnant dans ses cuirs noirs. C’est par où le Mur, ser?

Hé, vous êtes passés où les gars?

Hé, vous êtes passés où les gars?

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À 21h15, retour à la NTE-Scenen pour réserver une place de choix pour LE concert de la journée, voire du festival en ce qui me concernait, celui de HIGHASAKITE. Malgré mon arrivée précoce (le coup d’envoi étant prévu pour 22h), je m’étais attendu à côtoyer plus de monde pendant ma veille au pied de l’estrade, mais la venue de la quintette magique à Steinkjer n’était  visiblement pas aussi attendue par les locaux que je l’avais supposée, puisqu’il fallut attendre le dernier quart d’heure pour qu’enfin l’auvent se bonde (p*tain c’est beau, on dirait du Bashung). Etonnant, au vu de la qualité soutenue (et croissante qui plus est) de la production du groupe, de son passage remarqué au Spellemannprisen 2013, et des racines Trondheimoises (mais oui ça passe) du combo.

Dès les premières note, je compris que l’on allait évoluer à un tout autre niveau que celui du mini showcase parisien d’Octobre 2013, réalisation attendue et espérée de ma part, mais dont l’immédiate confirmation ne fit qu’empirer mon écœurante satisfaction d’avoir une nouvelle fois cédé à l’appel des sirènes du Nord-Trøndelag. Et dire que j’avais bien failli ne pas faire le déplacement cette année pour une bête histoire de partiels. Sainte Ingrid, pardonne ce manque de foi passager, on ne m’y reprendra plus.

Nimbée de lumière trouble et d’un informe kimono-sweater, Håvik livra une prestation aussi intense que réservée, s’autorisant un sourire fugace entre chaque morceau en réponse des rugissements approbateurs de la foule. Prophétesse du steel-drum et de l’autoharpe au charisme magnétique, ses grands yeux bruns rêveurs perdus dans la contemplation d’horizons plus proches de la côte est américaine que de la table de mixage, Ingrid démontra pleinement qu’elle était l’âme et le cœur de Highasakite, et sans doute beaucoup plus que ça. On en reparlera dans 10 ans.

Highasakite 2

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À ses côtés, répartis par paires de part et d’autre de leur égérie, ses comparses se contentèrent de livrer une partition parfaite, leur professionnalisme discret mettant magnifiquement en valeur la richesse des arrangements de Silent Treatment, dont l’essentiel (Lover…, Leaving No Traces, Hiroshima, I, The Hand Grenade, Darth Vader, The Man on the Ferry, sans oublier les incontournables Since Last Wednesday et Iran) fut présenté en cette donc merveilleuse soirée du 28 Juin, ainsi que l’impressionnante présence scénique de leur meneuse.

Seul Kristoffer Lo, excentré sur l’aile droite de la scène, se permit quelques excentricités de bon aloi, comme souffler dans son flugabone comme s’il s’agissait de la trompette du jugement dernier, pour le plus grand plaisir des photographes présents en nombre dans la fosse des videurs. Cerise sur le gâteau, le groupe répara une bonne partie des dégâts émotionnels causés par l’annulation du concert d’Ingrid plus tôt dans la journée en interprétant une version superlative du meilleur morceau de Babylove, Marianna*.

Mission remplie donc avec brio pour les Highasakite, qui repartirent de Steinkjer sous les ovations méritées d’un public enthousiaste et conquis. Il ne reste plus qu’à espérer que le vent les pousse une nouvelle fois jusqu’à la France pour un petit concert, si possible dans de meilleures conditions que le premier en date. Un vœu pieux? Nous verrons bien…

*: Etrange comme les artistes norvégiennes sont capables de sublimer les sujets les plus glauques. Marianna raconte en effet pratiquement la même histoire que O Master (Susanne Sundfør, 2ème), celle du meurtre sordide d’une femme, possiblement par un amant/souteneur jaloux. 

Highasakite 1

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La nuit commençait à tomber doucement à mon retour devant Rismelen, pour le concert de la dernière tête d’affiche du festival. Et à propos de tête, celle de TIMBUKTU (car c’était lui), s’étalait de profil par 5 mètres sur 10 en fond de scène, comme le logo d’une bouteille de shampoing Schwartzkopf passé au microscope. Grosse poilade à l’arrivée, le bonhomme en question devant culminer à 1 mètre 65, casquette comprise*. Cherchait-il à surcompenser quelque chose? Le débat reste ouvert. Le mérite de l’artiste n’en est, lui, que plus grand, car il ne doit pas être facile de s’imposer comme une des références du hip-hop (genre musical dont les représentants masculins ont tendance à être taillés comme des armoires à glace) scandinave (région du monde où le rachitisme débute en dessous de 1 mètre 80) quand on a la carrure de Chantal Goya. Respect.

Accompagné du groupe Damn, formation instrumentale incorporant une section de cuivres, ce qui est toujours une bonne idée, le petit Prince de Suède vint confirmer son statut de méga star régionale, conquérant la foule de Steinkjer en deux temps, trois mouvements. Pour le grand néophyte que j’étais en la matière, je dois reconnaître que la prestation fut tout à fait appréciable, même si j’avoue n’avoir pas compris un seul mot en une heure et quart de show. Il va vraiment falloir que je me mette au suédois. L’énergie déployée par le farfadet à moustache, sa générosité dans l’effort et son flow énergique furent autant de raisons qui me poussèrent à rester jusqu’à la fin de sa performance, et même à attendre le rappel du rappeur. Ca, et le secret espoir – hélas non réalisé – qu’il récompense ses fans Norvégiens en interprétant Kapitulera, tube de 2011 sur lequel il avait convié – je vous le donne en mille – Susanne Sundfør (3ème). On ne peut pas gagner à tous les coups.

*: 163,9 centimètres, pour être tout à fait exact. Selon cet article, ce manque d’envergure aurait même constitué un motif de rupture avec une de ses anciennes petites amies.

 Timbuktu

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En conclusion de cette édition 2014, le quatuor rock BLACK DEBBATH (toute ressemblance avec un nom de groupe dont le chanteur décapite les chauves-souris à coup de dents serait purement fortuite) se chargea d’enfumer la NTE-Scenen, bien aidé par son attirail délirant comprenant, entre autres, des pieds de micro customs munis de guidons de moto et de fumigènes intégrés. Black Debbath, c’est la rencontre entre SAMCRO (le chanteur du groupe, Lars Lønning, ressemble d’ailleurs étrangement à Ron Perlman) et les Monty Python sur fond de hard rock (che)velu, ou encore la déclinaison norvégienne de notre Philippe Katerine national : c’est très drôle si on comprend les paroles, un peu moins dans le cas contraire, mais il y a toujours moyen de passer un bon moment.

Black DebbathArmé de son maillet de président et secondé par l’impayable Egil Hegerberg (déjà présent à l’affiche du festival en 2012 en tant que Bare Egil Band), Lars tenta tant bien que mal de créer une antenne Black Debbath à Steinkjer. Je pense qu’il dut finalement y arriver, puisque nous avons tous voté (et oui) pour quelque chose à un moment du concert, probablement pour notre rattachement à la grande tribu BD, dont les membres fondateurs œuvrent chacun dans une demi-douzaine de projet séparés (je vous conseille de jeter un œil sur Hurra Torpedo, pour apprendre à jouer Total Eclipse Of The Heart dans/à la cuisine) et se réunissent de temps en temps pour évangéliser une nouvelle paroisse. Quoi qu’il en soit, ce fut une conclusion tout à fait à la hauteur de l’évènement, qui se termina dans la bonne humeur et l’émotion avec une standing ovation pour Svein Bjørge. Pouvait-on rêver plus beau dénouement?

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Et c’est ainsi que s’acheva (pour moi en tout cas) l’édition 2014 du Steinkjerfestival. De retour sur les routes et les rails de Norvège le lendemain matin, j’ai quitté avec un pincement au cœur le Nord Trøndelag, direction Paris via Trondheim et Oslo. En conclusion de ce compte rendu, je ne peux que recommander à nouveau à tous ceux ayant l’occasion de faire le déplacement jusqu’à Steinkjer de réserver leur dernier week-end de Juin pour une virée chez les Vikings. Dépaysement garanti, environnement détendu, convivial et sécurisé, coups de cœur musicaux assurés et concerts d’exception : voilà une formule qui ne passera jamais de mode. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne rentrée à tous, et à vous donner rendez-vous pour une nouvelle année sonique sur le blog. Et je ne sais pas pour vous, mais le millésime 2014-2015 me plaît déjà énormément (et oui… 4ème). Vi ses!

STEINKJERFESTIVALEN 2014 – PART 1 (26/27/28.06.2014)

Retour au pays. Deux ans après avoir découvert le Nord-Trøndelag à la faveur d’une excursion dans la petite ville de Steinkjer, je repris le chemin du Nord de l’Europe (et donc de la Norvège, étymologiquement parlant) pour un nouveau week-end d’immersion dans la musique et la culture scandinave. Une fois parvenu sur place, après cinq heures d’avion, une heure et demie de train et quatre heures de retard sur l’horaire programmé, il était plus que temps de monter la tente et de se diriger, d’un pas un peu las mais léger, vers le centre-ville de cette paisible bourgade de 20.000 âmes, afin d’inaugurer la neuvième édition du (désormais culte) Steinkjerfestival.

Comme il y a deux ans, la soirée du jeudi vit se dérouler le « kick-off » du festival sur la plus petite des trois scènes (Klubben). Devant un public encore peu fourni, et constitué en bonne partie des volontaires en charge de la majorité de l’organisation de l’évènement (bravo et merci à eux au passage), la scène locale put donner pleine mesure de son talent. Les aléas de la météo m’ayant conduit à rater quelques transferts entre Roissy et Trondheim, je ne fus en mesure d’assister qu’à la fin de la prestation du dernier groupe programmé, CLARION CALL.

Clarion Call 1Avec 19 ans d’existence au compteur, les Clarion figuraient parmi les vétérans de cette édition déjà riche en « vieilles » gloires (voir la suite du report). Emmené par la paire Aarlott (Gisle, fondateur et guitariste, et Andreas, chanteur*), le groupe  déroula sa progpop avec maestria. Evoluant dans le sillage du Pink Floyd gilmourien (The Division Bell) et du Marillion post-Fish, Clarion Call distilla ses compositions aux atmosphères planantes et chaleureuses sans la moindre fausse note, Andreas Aarlott (d’abord connu comme frontman de Creaminal et manager au centre multimédia de l’université de Trondheim à la ville) se révélant parfaitement à l’aise dans son nouveau rôle et suppléant sans mal son homonyme au micro – jusqu’à cette année, Gisle Aarlott avait en effet la double casquette de chanteur-guitariste – . Venus avec deux choristes et quelques effets lumineux pour rehausser l’arrière de la scène, le groupe assuma sans frémir son statut de tête d’affiche de la soirée, et conclut ce premier jour de manière fort convaincante.

*: Aucun lien de parenté entre les deux compères apparemment.

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Le lendemain, après une matinée passée à tenter de récupérer du voyage (plus facile à dire qu’à faire au pays du soleil* de minuit quand on bivouaque dans une tente vert clair sur le territoire d’une bande de mouettes très démonstratives), et un début d’après-midi à flâner dans les faubourgs de Steinkjer (compter une demi-heure de marche pour épuiser le sujet) et à calculer le meilleur ratio apport calorifique/coût au Spar local, il fut enfin temps de se diriger vers l’église pour le premier concert de la journée. Première constatation une fois sur place: MODDI (car c’était lui) est une véritable star dans son pays natal, capable de remplir les 600 places du saint lieu en quelques minutes. Il faut dire qu’il s’agissait du premier concert de la chère tête blonde dans le Nord-Trøndelag, ce qui a forcément motivé les gens du cru à faire le déplacement. Pour ma part, relégué dans une contre-allée d’où l’on distinguait un peu la scène, jusqu’à ce qu’un couple de Norvégiens de taille standard (un petit mètre 85 de moyenne) encore plus en retard que moi ne décide d’investir le rang de devant, je ne pus que me jurer de m’y prendre plus tôt la prochaine fois, et remballer mes espoirs de prendre quelques images correctes en même temps que ma GoPro. Tant pis.

Thomas Jergel ©

Thomas Jergel ©

Beaucoup plus calme que lors de sa venue à la Flèche d’Or au printemps dernier, Moddi n’avait cependant rien perdu de sa bonne humeur communicative, et se fit un devoir d’abreuver les spectateurs de blagues tout au long de sa prestation (malheureusement, ma maîtrise imparfaite de la langue et le débit rapide du personnage se combinèrent pour me priver de la quasi-totalité de ce one man show drolatique, mais la gaieté est communicative, surtout avec un public aussi fourni). Venu avec sa fidèle choroncelliste (une choriste jouant du violoncelle, en abrégé), mais également un batteur, un bassiste et un pianiste, notre sympathique joker livra un set divisé pour moitié entre titres norvégiens et anglais. Parmi ces derniers, on put par exemple retrouver Poetry, Eli Geva et un conclusif – et incontournable – House by the Sea, tous déjà interprétés à Paris en Avril dernier. Cependant, nul besoin de préciser que le rendu à Steinkjer fut incomparablement supérieur, les instruments supplémentaires, l’acoustique du lieu et l’attention totale de l’audience se conjuguant pour accoucher d’une expérience proprement enchanteresse, même sans l’image. À la guitare ou à l’accordéon, seul ou accompagné, Moddi embarqua tout son monde dans son univers poétique, coloré et naïf avec une maîtrise consommée. À l’arrivée, les minutes filèrent une fois de plus trop vite (comme à chaque concert dans la Steinkjerkirke, une habitude définitivement douce-amère), et tout fut terminé beaucoup trop rapidement à mon goût. Ite, missa est.

*: Pour être exact, il faudrait plutôt parler d’une aube crépusculaire commençant tous les soirs à 23H et ne s’achevant qu’avec l’arrivée du soleil à 5H le lendemain.

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Arrivé à temps pour assister à la fin du set de FRIDA NATLAND, venue avec son groupe combler le vide entre Beth Hart et Ane Brun (entreprise louable, mais au final ni nécessaire, ni vraiment intéressante), je partis ensuite pour la grande scène (Rismelen), afin de découvrir les premières têtes d’affiche de l’édition, à savoir VIOLET ROAD. À 100 mètres, on aurait presque cru à une manifestation des Waterboys à leur grande époque, à condition toutefois de couper le son, car si l’exubérance vestimentaire de cette sympathique quintette quasi familiale évoquait fortement celle de Mike Scott et de ses ondins au début des années 80, les compositions du groupe n’approchaient en revanche pas, et loin s’en fallait, l’intensité et l’allant de la Big Music prêchée par leurs glorieux aînés. Amusante coïncidence, le dernier single des premiers, Face Of The Moon, n’allait pas sans évoquer le nom d’un des tubes des seconds, The Whole Of The Moon. Simple question d’échelle. Comme quoi, il ne suffit pas toujours d’un saxophoniste pour entrer dans la légende (même si ça peut aider).

De retour en avance sous le chapiteau de la NTE Scenen, je pus assister à l’installation du groupe au nom le plus long de cette édition, j’ai nommé CONOR PATRICK & THE SHOOTING TSAR ORCHESTRA. Le hasard faisant bien les choses, il s’agissait également de l’ensemble le plus populeux de ce cru 2014, laissant la concurrence loin derrière avec ses neuf membres réguliers, dont sept avaient fait le déplacement jusqu’à Steinkjer (et comme dans les films d’horreur, c’est toujours le joueur de bongo – noir – qui meurt le premier, mais je m’égare*). Dans une indifférence à peu près totale – comprendre que j’étais le seul péquenot sur place avec l’équipe technique – la troupe s’installa sur scène et procéda aux balances. Cette arrivée précoce fut apparemment remarquée et appréciée par le groupe, comme tu l’apprendras bientôt, ami lecteur, mais ne précipitons pas les choses.

*: Autre absent notable, le violoncelliste classique de l’ensemble.

CP&STO 1

Où sont les fans?

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À 20h30 précises, la joyeuse cohorte débuta son concert devant un parterre bien plus fourni qu’à mon arrivée, votre serviteur se trouvant logiquement au premier rang (à quoi bon arriver en avance si on ne peut pas choisir sa place?). La pop symphonique des Tsars Filants ne manquait certes pas d’allure ni de majesté, les huit comparses ne ménageant pas leur peine pour porter leurs morceaux jusqu’au point de fusion émotionnelle. Mention spéciale au joueur de glockenspiel (et oui, il y en avait un), qui réussit à rester à concentré et concerné d’un bout à l’autre du set. Oui je chambre, mais je ne suis pas méchant. Au centre de l’estrade, Conor Patrick, sa tignasse artistiquement négligée et son timbre de voix angélique laissèrent parler leur classe naturelle pour se poser en dignes successeurs des incontournables A-ha. Certes, parmi la petite dizaine de morceaux présentés en cette soirée du 27 Juin, aucun ne pouvait rivaliser avec les éternels Take On Me ou The Sun Always Shine On TV, mais tous se situaient bien au-dessus de tout ce que le trio Harket/Waaktaar-Savoy/Furuholmen a pu sortir au cours de leur dernière décennie d’activité en temps que groupe.

Arriva alors le moment de grâce. Rassuré par l’accueil favorable réservé par les festivaliers à ses créations, Patrick Conor descendit de la scène pour venir chanter au plus près du public, parqué comme de juste derrière les barrières de sécurité délimitant le no man’s land hanté par les vigiles et les photographes accrédités. Si, au regard du style du groupe, je ne fus pas surpris de voir son chanteur chercher à plonger son regard bleu pâle dans celui d’un(e) fan transi(e), je le fus en revanche bien davantage quand il s’avéra que j’avais été choisi pour être l’heureux élu de ce moment de communion. Oui, oui, vous lisez bien, Conor Patrick passa trente secondes de Calendar à me fixer droit dans les yeux, à cinquante centimètres de distance, et, ce qui est encore plus fort, ne regarda absolument personne d’autre jusqu’à son retour sur scène. Merci Steinkjerfestivalen pour cette parenthèse totalement improbable et absolument mémorable, qui restera comme un de mes moments forts de cette seconde excursion dans le Nord-Trøndelag.

CP&STO 3

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Retour ensuite à Rismelen, pour assister au show des CC COWBOYS, groupe apparemment culte à en juger par la récurrence des passages scandés par le public en même temps ou à la place du chanteur, sorte de sosie de Tom Barman avec des lunettes de soleil. En 2012, c’était D.D.E. qui occupait le créneau des anciennes gloires toujours chéries, comme si nos Téléphone nationaux se réunissaient pour une dernière tournée des festivals. Sans cette valeur ajoutée nostalgique, et faute de pouvoir comprendre les textes (tout était en norvégien), il me fallut bien reconnaître que le rendu n’avait rien d’exceptionnel. Je laissais donc les vieux vachers poursuivre sans moi, et me redirigeai vers la NTE Scenen, où je savais que m’attendais un trio plus à mon goût.

CC Cowboys 1

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À mon retour, les « three bitches from Sweden » (Greta, Stella et Sunniva Bondesson, les trois sœurs punkabilly de BASKERY) étaient déjà en train de s’installer sur scène. Présentes en 2012 à ce même festival et sur cette même estrade, le show qu’elles s’apprêtaient à donner avait donc une fort saveur de revenez-y. Sur place, je fis la connaissance d’un grand fan Norvégien, qui les suivait à la trace au hasard de ses déplacements en Scandinavie. Notre conversation, assez hachée, nous permit de passer le temps jusqu’au début du concert à proprement parlé, et je tiens à le remercier ici pour ces quelques minutes d’échanges conviviaux (ça m’étonnerait qu’il lise le français, mais on ne sait jamais).

Venues avec un nouvel album (Little Wild Life), les trois Grâces suédoises régalèrent le public avec une prestation maîtrisée de bout en bout. Contrairement à leur dernière visite, pendant laquelle Sunniva s’était exprimée uniquement en anglais, la triplette fit cette fois l’effort de communiquer avec son public dans sa langue, ce qui ne fit qu’accroître la sympathie de ce dernier envers les premières. Jouissant d’un statut à part à Steinkjer (il s’agit à ma connaissance du seul groupe rappelé par demande populaire d’une année sur l’autre), Baskery forgea un peu plus sa légende en effectuant un rappel – luxe rare en festival* – commencé par une chanson à boire suédoise a cappella (Bort allt vad oro gor) et terminé par une version dantesque de Out-Of-Towner. Signalons également la jolie reprise du Old Man de Neil Young, insérée dans la setlist, parmi les classique du calibre de The No No, Throw Me A Bone ou Here To Pay My Dues. En conclusion, un sacré bon moment, exactement comme espéré. À la prochaine les filles.

*: Et permis par l’absence de Blue Pills après elles sur la NTE Scenen.

Baskery 2

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Tout festival doit réserver des surprises à ses participants, et Steinkjer 2014 ne fit pas exception. Le petit livret détaillant le programme de l’année indiquait ainsi « ?? » à partir de 23h30 sur la scène Rismelen, et en l’absence d’alternative sur ce créneau, il eut été malpoli de ne pas aller voir ce qu’il en retournait. Imagine alors, lecteur, un concert des Bérurier Noir en norvégien, avec cosplays de catcheur mexicain et de faucheuse noire, combinaison lycra verte intégrale et cascadeurs déguisés en grands-mères, et tu auras une petite idée de ce à quoi ressemble un concert de HAT, groupe aussi culte que local. Comme pour les polonais de Behemot il y a deux ans, l’intensité du show pâtit quelque peu de l’étalement du public, dont une bonne partie se contenta de regarder à bonne distance les pogos éclater dans la « fosse ». L’affaire aurait été bien plus bouillante dans le Klubben, mais se serait certainement terminée en jus de boudin, étant donné le goût prononcé du groupe pour les effets pyrotechniques. Bref, une curiosité locale, mémorable à défaut d’être compréhensible.

Hat 2

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Dernière étape de ce vendredi, la scène NTE accueillait les récurrents (trois participations au cours des trois dernières années) OSLO ESS (prononcer Ouchlou S). Pour avoir suivi de loin l’activité du groupe depuis deux ans, et être resté plus d’une fois ébahi par la capacité d’abattage d’Åsmund Lande et de ses potes – 200 concerts par an tout de même -, je me demandais dans quel état serait trouver le combo punk le plus populaire de Norvège à l’occasion de ces retrouvailles. Au final, le charismatique Lande m’a semblé plus gaillard que jamais, insufflant un rythme d’enfer au show et assumant sans sourciller son statut de frontman avec une énergique bonhommie qui a sans doute quelque chose à voir dans le succès persistant rencontré par Oslo Ess auprès du grand public. Le batteur de la soirée, dont je n’ai pas retenu le nom, était également en grande forme, constat assez logique eut égard à son statut de touring member (le groupe n’a pas de percussionniste attitré). À la basse, Knut-Oscar Nymo et son éternel bonnet semblaient se contenter de la routine heureuse que représentait ce nouveau concert. Peter Larsson (guitare), avait lui une tronche de déterré et avait fait sien le détachement mi-halluciné, mi-goguenard que Keith Richards affiche depuis une décennie quand il joue avec les Stones/pour Mick Jagger, ce qu’il ne l’a pas empêché de livrer une partition tout à fait satisfaisante. Enfin, Einar Stenseng (clavier/harmonica) était juste parfait de désinvolture et de dandysme rock, promenant sa silhouette filiforme d’un bout à l’autre de la scène avec un détachement si artistement compassé qu’il en devenait presque éthéré (et ça aussi, je pense que ça contribue fortement au succès du groupe).

Oslo Ess 1

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Au niveau musical, on put retrouver le son punk-garage rock avec lequel les Oslo Ess se firent un nom en 2011 (Caroline évidemment), mais également quelques incursions intéressantes vers le ska, témoignage d’une curiosité manifeste envers d’autres univers que celui dans lequel nos quatre garçons évoluent à présent. Et ce ne fut pas la participation du rappeur OnklP (avec lequel Lande et Nymo ont formé le super groupe OnklP & De Fjerne Slektningene, et qui était sur les planches du Klubben avec ses comparses quelques heures plus tôt), qui contredira ce ressenti personnel. Qu’on se le dise, ce groupe en a sous la semelle, et ne peut qu’agréablement surprendre ceux qui chercheraient à le cantonner dans la niche punk (j’en veux pour preuve leur disque de live acoustique publié l’année dernière). Au risque de surprendre et même de choquer certains, je pense qu’Oslo Ess a largement le potentiel pour devenir le The Clash norvégien : ne manque plus que des textes plus engagés pour sauter le pas.

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À 1h et des poussières, et après une soirée entière de concerts et d’aller retour entre la grande scène de Rismelen et le chapiteau de NTE (le Klubben, ce sera pour demain), il était grand temps de regagner la tente pour recharger les batteries. Les plus convaincus purent se diriger vers le DJ set pour quelques heures de bonus, ou même accompagner le duo de buskers qui s’était judicieusement positionné juste à la sortie du festival (il en faut du courage/de la bière pour faire l’homme-orchestre à cette heure là, mes respects les gars), mais pour ma part, j’ai préféré jouer la carte de la sécurité: il aurait été dommage d’arriver lessivé le samedi (håhåhå). C’est sur calembour franco-norvégien que je te laisse lecteur : à bientôt pour la suite et fin de ce live-report. Vi ses!

STEINKJERFESTIVALEN 2012 (ja, jeg elsker dette landet) – PART 2

Poursuivons sur notre lancée avec la suite (et fin) de l’article dédié à la revue du Steinkjerfestivalen 2012. Au programme, de belles découvertes, des confirmations, une ambiance toujours aussi agréable et un temps presque aussi idéal que la veille… Willkommen til Norge!

JOUR 2

De retour sur les lieux du crime quelques heures plus tard (je ne peux pas vraiment dire le lendemain car: 1) le concert de Mongo Ninja commençait à 1h du matin 2) il n’y a pas eu de nuit à proprement parler entre vendredi et samedi), prêt pour une journée encore plus dense.
Pendant que les jeunes têtes blondes (on ne peut pas dire « les têtes blondes » tout seul en Norvège, vu que 95% de la population se retrouve dans cette catégorie, sans distinction d’âge) s’amusent dehors, retour sous le pavillon de la NTE Scenen, pour un tour d’échauffement avec l’école de musique locale.
En France, ce genre de prestation inclut généralement beaucoup trop de violons stridents et de clarinettes faussées pour être cataloguée dans la catégorie des spectacles mémorables, mais heureusement pour nous, l’antenne de Steinkjer ne semble carburer qu’au bon vieux rock des familles. Ou alors, ils ont interdit aux instrumentistes plus « traditionnels » de venir.

Quoiqu’il en soit, les quelques spectateurs réunis pour l’occasion, surtout les familles des jeunes performers à en juger par la moyenne d’âge plutôt élevée, ont le droit à une petite heure de spectacle pendant laquelle les reprises de standard s’enchaînent gentiment. On a même eu quelques soli de très bonne facture, preuve que la nouvelle génération pousse déjà derrière pour se faire sa place au soleil.

Les quatre heures suivantes sont consacrées à une sorte de tremplin musical pour jeunes (et moins jeunes) groupes locaux, certains prometteurs, d’autres moins.
20 minutes chacun, devant un public encore plus épars que pour la première partie du show, d’où un désappointement très compréhensible de la part de certains musiciens, pas forcément enchantés d’avoir cramés leur samedi pour jouer un gros quart d’heure devant vingt personnes. Coup de cœur personnel pour les BAD INFLUENCE, et surtout pour leur chanteuse guitariste, qui du haut de ses 16-17 ans, assure déjà comme une bête au manche.


Juste le temps de repasser à la supérette pour acheter de quoi tenir jusqu’à la fin de la journée (façon de parler), et on se place en embuscade devant l’église de Steinkjer pour le deuxième concert dans l’auguste bâtisse. Tant pis pour SIGURD JULIUS et sa bande, qui avaient pourtant l’air d’être prometteurs, mais la « Spotify Battle » scandinave entre ce dernier et LONEY DEAR (suédois) s’est soldée par une victoire nette et sans bavures du deuxième larron. En plus, comme la NTE Scenen se trouve à 50 mètres à tout casser de l’entrée de l’église, les premières chansons ne sont pas perdues pour tout le monde. Une prochaine fois peut-être.

Retour dans le sein du saint des saints, et interrogation: le bon Loney va-t-il réussir à embarquer son public aussi complètement que Susanne Sundfør la veille? Le défi est de taille, surtout que, fidèle à son nom de scène, ce cher Loney joue en solo, et sans installation lumineuse.
Il arrive sans crier gare par le fond de l’église, salue, s’assoit et… enlève ses gros godillots, révélant une splendide paire de chaussettes turquoises. Sacrilège? Non, car dès qu’il empoigne sa 12 cordes et commence à chanter, c’est bel et bien un petit miracle qui se produit dans l’enceinte consacrée. Même le pauvre Jésus cloué sur sa croix près de l’autel retient son souffle, suspendu aux loops de voix, de guitare et de percussions surperposés par le Jam Man du prophète hobbo.
Sublimé par la superbe acoustique du lieu, les morceaux de Loney Dear s’enchaînent avec une lente majesté, partant à chaque fois d’un unique accord, d’une simple note, voire de l’écho de l’un ou l’autre, sur lesquels le Loney brode de délicats motifs de cordes, rehaussé d’éclats de sa voix extraordinaire.
Encore un concert qui passe beaucoup trop vite, et dont on ne sort pas indemne (ni mon portefeuille d’ailleurs, un stand de merchandising ayant été judicieusement installé à la sortie de l’église). Seule consolation, il devrait repasser par Paris en octobre (dixit lui-même). Vraiment un grand moment.


Direction ensuite la Klubbscenen, pour voir les SVARTLAMON HARDKOR, chorale masculine jouissant d’une grosse réputation dans les parages. Seulement, ils devaient jouer dans un univers parallèle, car la scène reste vide et impossible de leur mettre la main dessus.
C’est la charmante GABRIELLE qui servira de lot de consolation, juchée sur une grande scène décorée de manière beaucoup plus girly que pour le show de Behemoth. Sans surprise, le public est essentiellement composé de teenagers et de leur chaperons, qui reprennent en chœur le tube de la donzelle, Ring Meg (rien à voir avec le titre de Blondie), avant de courir se faire dédicacer l’album au stand.
Comme ses prédécesseurs Polonais, la Lorie arctique a bien du mal à remplir la fosse, malgré un show « à l’américaine », avec uniforme et chorégraphie. Reste la bonne humeur manifeste d’être là et de partager avec ce moment avec ses fans, qui compense largement ce petit couac.

Dans le chapitre des comparaisons musicales entre la France et la Norvège, il est temps d’aller applaudir le Didier Super viking, alias BARE EGIL BAND.
Autant l’avouer tout de suite, assister à un show de chansons humoristiques en norvégien, ce n’est pas une perspective totalement emballante pour quelqu’un qui ne parle pas la langue. Mais Egil, avec son look de capitaine Haddock mâtiné de John Weathers (le batteur Gallois de Gentle Giant, allez voir Proclamation pour prendre la mesure du personnage) et son goût pour les reprises extrêmes (sa version du Poker Face de Lady Gaga, jouée avec son groupe Hurra Torpedo mérite aussi le coup d’oeil) constitue à coup sûr l’une des attractions du festival, il aurait été dommage de passer à côté du phénomène. Et quand il se présente sur scène en robe et perruque afro, on se dit qu’on a bien fait de laisser Gabrielle pour voir ça.

Bon, le fait est qu’après qu’on ait vu ça et écouté deux-trois chansons, on se lasse assez vite de ne pas comprendre les blagues, apparemment excellentes, qu’Egil balance régulièrement au public. C’est donc sans trop de regret qu’on quitte la scène NTE pour Rismelen et SONDRE LERCHE, véritable star nationale à la carrière déjà longue et prolifique (6 albums studios depuis 2001, et coach dans The Voice Norway).
J’ai écouté, j’ai pas trop accroché. Le gars a beau être doué, il manque à ses chansons le petit truc qui embarque l’auditeur et laisse une empreinte durable dans son cerveau. Comble de déveine pour Sondre, il commence à pleuvoir en plein milieu de son set, drainant une partie non négligeable de son public vers les scènes couvertes, dont la NTE, où EL CUERO se prépare à dégoupiller.
Le concert, un concentré de blues rock bien tassé servi à la louche par un chanteur guitariste gaucher touchant sérieusement sa bille, part sur de bonnes bases, mais comme je me suis promis d’aller voir BENDIK en priorité et que le show du trio electro planant commence à peine une demi heure plus tard, je laisse tomber le cuir en plan et taille la route vers la Klubbscenen pour avoir une bonne place.

Découverte via la playlist Spotify du festival, la musique de Bendik a été un coup de foudre immédiat, en particulier le céleste Stille, qui est le genre morceau dont on checke immédiatement le nom quand on l’entend pour la première fois. Manque de pot, ils ne la joueront pas cette fois ci, mais compensent par d’autres perles prog-pop basées sur la combinaison éprouvée claviers + batteries.
La chanteuse Silje Halstensen a bien une guitare entre les mains, mais rien à faire, pas une note ne ressort par dessus les nappes de synthé distillées par son complice Erlend Elvesveen et les frappes de mules du batteur Eivind Helgerød, qui finira par perdre une cymbale dans la bagarre.
Visiblement un peu stressés au début du set, notamment Silje, qui évite soigneusement de regarder le public, les Bendik gagnent progressivement en assurance, mis en confiance par un public amical et curieux.
Répertoire limité oblige, le set ne s’éternise pas, mais confirme le potentiel du trio, dont l’album devrait sortir (en Norvège) le cinq octobre.

Sacrifiés sur l’autel du placement stratégique, j’ai du faire une croix sur les MONTEE (encore un nom de groupe 100% français… Le chauvin en moi aime), qui sonnaient pourtant comme l’un des meilleurs groupes power pop du moment. Je n’ai plus qu’à les convaincre de venir faire une date à la Maroquinerie ou au Point Éphémère à la rentrée pour corriger cet impair.
Mais quand la sororité suédoise de BASKERY appelle, impossible de résister, surtout que j’avais du les sacrifier elles aussi en mai dernier pour pouvoir aller voir les Waterboys au Bataclan (la vie ne serait-ce qu’une course à  la réparation des torts passés? C’est effrayant). Bref, il me fallait une bonne place pour le show de Greta, Sunniva et Stella Bondesson, les trois frangines les plus country-punk de la planète.

Plébiscitées après leur précédent passage au Steinkjerfestivalen l’année dernière, les Baskery arrivent sur scène prêtes à en découdre et livrent un show débridé, encouragées par un public manifestement averti et amateur. Cerise sur le gâteau, Sunniva choisit de s’adresser à la foule entre les morceaux en anglais plutôt qu’en suédois/norvégien, permettant à votre serviteur d’enfin comprendre quelque chose et de crier, rire et applaudir au bon moment. Si si, ça compte.

23h. La grille de programmation a été volontairement nettoyée pour que le public converge de lui-même vers la Rismelen et le concert de LA tête d’affiche du festival, j’ai nommé KAIZERS ORCHESTRA , aka « le premier groupe norvégien non underground a bien s’exporter à l’étranger depuis A-ha ». Bon, pour être tout à fait honnête, je ne pense pas que les Kaizers soient encore vraiment connus hors de la Scandinavie pour le moment, surtout que le chanteur Janove Ottesen ne chante pas en bokmål ou en nynorsk (les deux langues officielles du pays) mais en dialecte Jæren, une variante locale du premier. Bref, il est à peu près aussi probable que Kaizers Orchestra fasse vraiment son trou en France que d’attendre que les Cowboys Fringants percent à Oslo, mais on s’en fout.

Le style musical du groupe, à la confluence du rock, du baltringue et des orchestres des Balkans (Kusturica like), est indéniablement un des points forts de ce dernier, surprenant constamment l’auditeur par de nouvelles trouvailles mélodiques et déglingos. Ajoutez à cela une belle énergie partagée par tous les membres de la bande (en particulier le chanteur et les deux guitaristes) et un sens et une science certains du show et de l’exploitation de l’univers baroque développé par le groupe au fil des années (dernier projet en date, la trilogie Violeta Violeta, dont le dernier « tome » sortira en novembre prochain) et vous comprendrez sans peine pourquoi les Kaizers sont considérés comme une des meilleures formations « live » du moment.
Et pour une fois, le public de la grande scène se donne à fond et participe activement au show, ce qui ne gâche rien. Après une heure et demie d’un show mené tambour battant et logiquement conclu par le tubesque Hjerterknuster, il est pourtant temps de rejoindre pour la dernière fois la Klubbscenen pour les deux derniers concerts du festival, THE HEDVIG MOLLESTAD TRIO et EL DOOM & THE BORN ELECTRIC

Autant le dire tout de suite, le jazz n’est pas vraiment ma tasse de thé, aussi quand je vois des noms de groupes avec « Trio » dedans, j’ai tendance à passer mon chemin (l’exception confirmant la règle étant le John Butler Trio – Tryo ne compte pas -).
Circonstance atténuante, Hedvig Mollestad et ses acolytes ont certes un nom jazzy, mais une composition clairement typée rock : pas de saxophone, de clarinette ou de piano ici, rien que l’indémodable combo guitare-(contre)basse-batterie. Et puis après la claque nommée Bad Influence reçue en pleine face en début d’après-midi, je voulais voir si le nom guitar hero pouvait une nouvelle fois être transposé au féminin.
À en juger par le placement du public dans les derniers rangs de la salle, je n’étais pas le seul à nourrir quelques arrières pensées jazzophobes (Carla Bley Band, brrrrr) avant que le concert ne débute, mais comme le dit le poète, il n’y a que deux types de musique, la bonne et la mauvaise, et quand on se retrouve face à trois virtuoses (mention spéciale à la contrebassiste/bassiste, à la facilité carrément écœurante) au sens du groove implacable, la décision est vite prise. J’aime pas le jazz, mais ça, j’aime bien.


Enfin, les derniers braves debout (c’est le moment du festival où on connaît de vue 90% des gens dans le public) se tiennent prêts à jeter leurs ultimes forces dans la bataille pour accueillir comme il se doit El Doom & The Born Electric, combo plutôt que groupe à proprement parler puisqu’on y retrouve le vétéran du rock norvégien Ole Petter Andreassen (aka El Doom, charmant nom de scène), déjà impliqué dans plusieurs projets musicaux (The Cumshots, Thulsa Doom), mais également le lead guitare et le batteur de El Cuero (voir ci-dessus), et même Hedvig Mollstad, qui si elle est citée dans la composition du groupe en qualité de guitariste et organiste, était manifestement trop occupée à ranger ses affaires pour participer au concert de ses petits copains.
En guise de digestif pour cette édition 2012, El Doom et ses mercenaires servent une double dose de rock puissant et charpenté, avec un arrière-goût prog’ qui pourrait être assimilé à du Rush, du Purple ou du Yes (sans claviers) par moments.
Imperturbable sous son chapeau de Texas Ranger, l’El Doom me fait l’effet d’un Johnny Hallyday scandinave : homme de show plutôt que de chant, avec une guitare comme accessoire plutôt que comme instrument. À en juger par l’extase du premier rang, le type est véritablement une légende parmi les cercles initiés, dont je ne peux pas prétendre faire partie. De là (et de la fatigue accumulée) la pensée pernicieuse que les Born Electric pourraient très bien, voire mieux,  s’en sortir sans El Doom en frontman

2h30 pétantes, la dernière note de guitare s’étiole et disparaît dans le néant. Fin du festival, retour à la tente sous cette p****n de clarté, dont le cerveau parviendra finalement à faire abstraction assez longtemps pour grappiller quelques heures de sommeil.

THERE AND BACK AGAIN

Au final, expérience très positive de ce petit musical dans le grand nord Européen. Aucun problème au niveau du voyage, de l’hébergement ou de la vie sur place à déplorer, un temps vraiment estival et des bons concerts à la pelle.
Petit regret personnel, ne pas avoir pu mettre en pratique les notions de norvégien développées dans les mois précédents le voyage (j’avais même acheté une méthode Assimil), car même s’il est assez facile de se faire comprendre, il est en revanche très ardu de comprendre la réponse de son interlocuteur (toujours cette histoire de dialecte). L’anglais offre une solution bien plus pratique au final, les norvégiens étant effectivement tous très bons dans la langue de Shakespeare.

Evidemment, une telle escapade dans la périphérie européenne a un coût assez important (130 euros le pass 2 jours, 500 euros de transports…) sans compter que la Norvège est un pays riche, et donc un pays cher (mais si on s’en tient au SPAR local pour la nourriture et qu’on ne multiplie pas les extra, la différence avec la France reste faible). Les artistes programmés sont indéniablement bons, mais sauf coup de cœur ou coup de tête irrépressible, venir jusqu’à Steinkjer pour les voir jouer n’est pas ce qu’on pourrait appeler un choix rationnel. Pour ma part, je n’ai pas eu à regretter mon voyage, mais mon cas est certainement un peu extrême.
En résumé, on n’a pas raté sa vie de festivalier si on n’a pas fait au moins une fois le Steinkjerfestival, mais passer à côté si on a la possibilité de le faire « en extra » serait vraiment très dommage.

STEINKJERFESTIVALEN 2012 (ja, jeg elsker dette landet) – PART 1

Premier « véritable » article (en deux partie) de zique, une revue de l’excellent festival de Steinkjer auquel j’ai eu la chance de participer cette année. Oui, je sais, donner son avis dès le début, c’est moyen pour une critique, mais pas de faux suspens ici, c’était vraiment de la bombe!
saucisse
saucisse

Tout fout le camp.Y a plus de saisons. Après des mois de mai et de juin très décevants niveau météo, il était temps de partir pour des latitudes où l’été tient encore ses promesses. Ah, et où la musique est bonne aussi (pour joindre l’essentiel à l’agréable). Direction Roissy donc, avec tente et sac à dos, pour s’aérer les méninges le temps d’un week end dans un pays exotique en diable pour moi petit Frenchie gravitant dans les couronnes parisiennes le reste de l’année : la Norvège. Si si (ou plutôt Joda).


saucisse
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STEINKJER, HERE I COME

Si la Norvège accueille quelques festivals musicaux de haute volée et de réputation, si ce n’est internationale, au moins continentale, pendant les mois estivaux (allez jeter un œil à la grille de l’Oya 2012), on ne peut pas vraiment ranger le festival organisée par la petite ville de Steinkjer dans cette catégorie.

Premièrement et essentiellement parce que Steinkjer, sans rivaliser avec Hammerfest, est située assez haut dans les terres, et n’est donc pas d’un accès facile pour le festivalier européen moyen. Même à partir d’Oslo, il faut compter une heure d’avion et une heure et demie de tortillard (mais bon, la vue est pas dégeu, ça fait passer le voyage plus vite).

Deuxièmement parce qu’au niveau organisationnel, le festival de Steinkjer (Steinkjerfestivalen dans le texte) se rapproche plus des Francofolies Rochellaises que du Hell Fest de Clisson ou du Paléo de Nyon. Comprendre ici que tout se passe dans la ville même, et pas dans les vertes pâtures jouxtant cette dernière. Et avec ses 21.000 habitants et son équipe d’organisation presque entièrement constituée de bénévoles locaux, on a vite fait de comprendre que Steinkjer n’a ni la capacité ni l’envie de drainer des dizaines de milliers de participants.

Ambiance très cosy et détendue donc, qui a agréablement surpris le festivalier « endurci » qu’est votre serviteur, habitué à calculer ses déplacements de scène en scène avec une discipline militaire et à optimiser ses périodes de repos pour rester un minimum frais d’un bout à l’autre de l’évènement.

Rien de tout ça à Steinkjer, dont les visiteurs sont en majoritairement des locaux qui préfèrent se prélasser sur la pelouse de la Rismelen (« grande » scène) plutôt que de faire le pied de grue au premier rang huit heures de suite pour être bien placé pour LE concert qu’ils veulent voir). Ajouter à cela le sentiment que le festival n’avait pas fait totalement le plein cette année, et on se retrouve avec des conditions idéales pour tout festivalier matois et rôdé qui se respecte. A l’inverse, certains artistes ont du se sentir un peu seuls face au public parfois clairsemé et souvent assez endormi ou dubitatif qui leur faisait face, mais c’est vraiment un moindre mal.

Elle est pas belle la vie?

Même topo au niveau du camping du festival, qui, comparé aux favelas hautes en couleurs et assourdissantes qui sont le lot de la plupart des évènements estivaux, avait tout du quatre étoiles sur les bords du lac Léman. 50 personnes à tout casser sur un îlot à un jet de pierre de la grande scène avec une foule de bénévoles aux petits soins (il y avait même une équipe d’intervention présente 24h/24, prête à repêcher les poivrots qui seraient tombés dans la rivière), et extinction de la sono au plus tard à 3h du matin… Que demande le peuple ?

Luxe suprême, il a fait beau et chaud (plus qu’à Paris durant les deux derniers mois tout du moins) pendant tout le week-end, ce qui joue quand même un grand rôle pour les gens qui dorment dehors. Ne restait plus qu’à vérifier si les artistes norvégiens valaient leur pesant de saumon fumé et d’aquavit.
saucisse
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JOUR 0 (Kick off)

Arrivée on the spot jeudi « soir », juste à temps pour assister au trois premiers shows du week-end, petite mise en bouche plutôt rock avant de passer aux choses sérieuses vendredi et samedi (ce qui laisse le dimanche pour revenir dans ses pénates, merci Mrs les organisateurs d’avoir pensé à moi, sans doute le seul festivalier français de l’évènement). Enfin, ça aurait presque pu le faire, si je n’avais pas du crapahuter dans Steinkjer pendant une demi-heure à la recherche du camping municipal (le camping du festival n’ouvrant que le lendemain).

Du coup, c’est râpé pour SCUM DE LA NORVÈGE , les régionaux de l’étape, dont l’influence se fera cependant sentir tout au long du festival (la faute à l’ampli – orné d’un magnifique doigt d’honneur punk en diable -qu’ils laisseront à la disposition des groupes qui joueront après eux sur la Klubbscenen). Dommage, j’aurais bien aimé voir ce quatuor de francophiles convaincus (à en juger par le nom du groupe) à l’œuvre.

On se console cependant rapidement avec ZAED , autre formation de Steinkjer, qui distille un rock tantôt bluesy tantôt punk, bien servi par le bel organe grave de son chanteur (une sorte de Guy Harvey à casquette) et le groove de son guitariste, vague lookalike de Gallagher (Rory, pas Noel hein). Pas mémorable, mais sympathique.

La soirée se finit avec l’intrigant combo glampop MIO (prononcer « Miou »), dont le look se situe au croisement de Bowie période Stardust et de Freddie période I Want To Break Free. Le bon goût s’étant pris un méchant de coup de pelle derrière la tête et comatant sur le sol entre les flaques de bière, les gobelets écrasés et les téléphones portables égarés (les Norvégiens ont des poches trouées) dans l’indifférence générale, quoi faire sinon se concentrer sur l’essentiel: la musique jouée par ces zigues ? Et encore une fois, l’essai est transformé, grâce à l’énergie déployée, envoyée, renvoyée et partagée de part et d’autre de la scène. Compositions assez peu originales mais énergiques et énergiquement jouées (le batteur cassant sa pédale de grosse caisse à trois reprises tout de même), frontman 220V sautant régulièrement dans le public pour des tentatives avortées de crowdsurfing (quand je vous disais que les public était clairsemé), et fatigue « euphorisante » accumulée au cours du voyage se mélangeant pour donner un cocktail tonique et grisant.

saucisse
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Cerise sur le gâteau, le retour vers le camping est l’occasion de vérifier que le soleil de minuit (d’une heure du matin en l’occurrence) nordique n’est pas une blague.

Après coup, on se rend compte que c’est plus une gêne qu’autre chose pour le festivalier essayant tant bien que mal de recharger ses batteries malgré la luminosité beaucoup trop forte pour qu’il soit facile de s’endormir, même en étant totalement vanné, et les cris stridents des mouettes locales, qui ont semble-t-il trouvé le moyen de ne pas dormir de tout l’été (ou alors elles doivent s’effondrer sur place à un moment, mais il y a toujours des copines pour reprendre le flambeau), mais sur le moment, on se sent prêt à enquiller les deux jours de concerts en une seule traite. Ça tombe bien, c’est au programme
saucisse
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JOUR 1

On ne le dira jamais assez, l’attente est le lot quotidien du festivalier, où qu’il aille (au stand merguez, à la douche, aux toilettes…) et quoi qu’il fasse. À Steinkjer, cette assertion prend vite l’allure d’un dogme, d’un sacerdoce, d’une éthique de vie.

Non pas que les commodités soient continuellement prises d’assaut (au contraire, c’était bien foutu), mais à cause du rythme urbain et familial (certains iront dire petit bourgeois) du festival, dont le premier concert débute à 18h, et de la petitesse de la ville en elle-même, où il n’y a strictement rien à faire pour tuer le temps.

On a beau faire durer la « grasse matinée » le plus longtemps possible (pas facile dans une tente une personne qui se transforme rapidement en sauna dès que le crépuscule perpétuel laisse place à la journée proprement dite), plier le camp avec une savante lenteur, et traîner des pieds jusqu’à la place centrale après avoir repéré les lieux en prévision du soir, on a tout le temps de devenir intime avec le banc sur lequel on s’est assis en attendant l’ouverture du camping (12h).

L’installation de la tente ne prenant pas plus de 10 minutes (on est loin des 2 secondes promises par Quechua, mais le regard mi dépité mi admiratif lancés par les pauvres campeurs norvégiens livrant un dur combat contre leur abri de toile rétif à toute tentative de montage est tout de même flatteur), nous voilà quitte pour 5h30 de glande totale sur le parvis de l’église de Steinkjer. On a tout le temps de découvrir à quoi ressemble les supérettes norvégiennes, passage obligé pour s’approvisionner en victuailles après qu’on ait fait l’expérience amère des tarifs pratiqués par les stands de bouffe du festival (faut pas déconner les mecs, 13 euros la box de nouille Thaï !). Menfin, le bon côté des choses, c’est que l’on est aux premières loges pour les répétitions de SUSANNE SUNDFØR, même avec les portes de l’église fermée. Oui, elle va jouer dans une église, et oui, c’est pour voir ce concert que je suis parti à Steinkjer, donc oui je suis impatient.

À l’ouverture des portes, c’est la « ruée » (on ne court pas le 50 m dans une église tout de même, ça doit être ça l’héritage chrétien de la France dont parlait Sarko) vers le premier rang, pardon le premier banc, et bien évidemment, le chaland nonchalant local n’a pas fait le poids face aux mois de préparation et d’attente du visiteur. Schattra 1- Steinkjer 0.

Le rêve manque toutefois de se transformer en cauchemar lorsque, après avoir balancé lumières, fumée, musique d’intro, et pratiquement une seconde avant que Susanne ne s’attaque à la première note du morceau d’ouverture, le détecteur de fumée se met en marche. Pour ruiner une ambiance hyper travaillée et une démarche artistique savamment réfléchie, y a pas grand-chose de mieux.

Rires gênés parmi les musiciens, flottement dans l’équipe d’organisation, incompréhension du public, et Susanne repart aussi sec vers les coulisses. On nous fait comprendre qu’il faut évacuer le temps que soit neutralisée l’insidieuse sonnerie, mais fort heureusement, cette dernière est réduite au silence avant que l’irréparable ne soit commis (de toute façon, je ne pense pas qu’ils auraient réussi à me faire quitter ma place). Mot d’excuse du chef du festival, et on peut reprendre comme si de rien n’était, sauf que, sauf que… Sauf qu’on devine (plus qu’on ne le voit, il y avait vraiment beaucoup de fumée) que Susanne a été affectée par l’incident, qui a totalement bousillé son entrée.

Heureusement, le temps s’arrête à la première touche de Fender Rhodes effleurée par la fée enchanteresse du grand nord, qui livre un set faisant la part belle à son dernier album (The Silicone Veil) et conclus par quelques morceaux de sa précédente offrande (The Brothel). Étant un fan fini de Miss Sundfør, je ne m’attarderai pas à décrire le concert en lui-même. Disons simplement que je suis reparti avec beaucoup plus que ce que j’avais espéré trouver lorsque j’ai acheté mon billet sur son seul nom en mars dernier, et que pourtant, je n’avais jamais autant attendu d’un concert. Ne reste plus qu’à espérer qu’elle vienne défendre The Silicone Veil lorsqu’il sortira par chez nous (octobre sans doute).

saucisse
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Sortie difficile de l’église de Steinkjer, sous un soleil toujours bien présent. C’est dur de se dire que ce n’était que le premier concert du premier jour du festival (c’est ce qui s’appelle griller ses cartouches, messieurs les organisateurs). Direction la deuxième scène, ou NTE SCENEN – TORGET, où déjà ont pris place JONAS ALASKA et sa bande de potes.

Déjà taxé de Dylan norvégien, le blondinet filiforme à la moue boudeuse et aux yeux tristes (Buster Keaton style), sappé comme comme un amish qui aurait chourré le chapeau de Lee van Cleef ne semble pas franchement ravi d’être là, mais comme il transpire le spleen par tous les pores (son « tube », October, est le récit de la noyade de deux de ses lointaines connaissances… ambiance ambiance), si ça se trouve il kiffait sa race. Reste que c’est difficile de jouer tout seul en arpèges sur une guitare sèche devant un public intéressé mais pas franchement emballé ni concentré. Il a quand même le droit à un rappel à la fin de son set, mais ne joue rien du tout, pas le temps, on l’attend sur la Klubbscenen où il doit accompagner MIKHAEL PASKALEV, qui vient juste de lui servir de second guitariste et de choriste lors de son propre concert. Scène de joyeuse transhumance d’une scène à l’autre, les artistes se joignant aux spectateurs sur les quelques dizaines de mètres séparant les deux lieux. Bienvenue au Steinkjerfestivalen !

Dans le cadre plus intimiste de la plus petite scène du festival, Paskalev (oui, c’est bulgare comme origine, comment avez-vous deviné ?), sourire ravageur et moustache triomphante surprend agréablement par sa capacité à passer d’un style à l’autre, sans jamais tomber dans la facilité. Son nouveau single, Jive Babe (et son clip « Rendez vous en terre inconnue dans un camp Rom en Bulgarie profonde »), chaudement accueilli, est un modèle de song writing catchy et intelligent, une pépite indie rock imparable. Même le flegmatique Jonas Alaska a l’air de se faire plaisir, et se fend d’un petit solo d’harmonica qui le fait plus que jamais ressembler au bon Zim’ (ne pas confondre avec Sim). Une vraie bonne découverte, et deux artistes à suivre (de loin, ça m’étonnerait qu’il passe en France avant un bout de temps).

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21h et des poussières, le set se termine. En sortant, on tombe nez à nez avec le show de D.D.E. (ça ne doit pas vouloir dire la même chose en norvégien qu’en français), groupe de rock « familial » teinté de musette, très populaire dans les années 90, mais jamais considéré d’un œil crédible par la presse. Pour faire simple, c’est un mix entre Les Innocents, Sanseverino et Jean-Louis Aubert.

Pour l’occasion (ils fêtent leurs 20 ans), ils ont débauché rien de moins que les TRONDHEIMSOLISTENE, un ensemble à cordes à la prestigieuse réputation nationale (et le programme me dit internationale, mais faut être connaisseur) pour les accompagner sur scène.

Autant pour Archive à Rock en Seine l’année dernière, j’ai été bluffé, autant là je suis resté dubitatif. Je ne connais pas bien la discographie du groupe (mis à part l’iconique Raï-Raï, qui est un peu le Tomber la Chemise du septentrion), mais de ce que j’ai pu entendre, c’est bien trop festif et bon enfant pour être porté au niveau symphonique.

En plus la scène était trop petite pour accueillir comme il se doit tous les musiciens, qui se sont entassés à l’arrière, et le soleil toujours radieux a fini de décourager le peu de magie que l’apport des Trondheimsolistene aurait pu créer (un beau ciel nocturne, voilà ce qu’il aurait fallu). On ne m’enlèvera pas de l’idée que Susanne Sundfør aurait pu faire un bien meilleur usage de tous ces archets (en plus, les Trondheimsolistene ont joué sur son dernier album).

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Retour à la Klubbscenen sur les coups de 22h, pour voir THE CUTE CRASH COMBO , que le programme présente comme un croisement entre AC/DC, Guns n’ Roses, David Bowie et Led Zeppelin, rien que ça.

À l’arrivée, si la comparaison avec le premier de ces illustres noms se révèle compréhensible, le frontman ressemblant assez à Angus Young, avec la casquette béret de Brian Jonson, le reste des parallèles tirés restent assez sibyllins, ce qui n’empêche pas nos 4 gaillards de livrer un set court, musclé et fort bien troussé. Rock quoi.

Le chanteur guitariste Jens Johan Stuberg s’approprie la petite scène et gesticule comme un damné, alternant moues « jaggeresques » et soli « richardsiens », bien soutenu par une rythmique carrée et efficace. Ces gars là ont le talent et l’attitude pour aller plus loin que Steinkjer et la Norvège, et savent écrire des chansons qui restent dans l’oreille et dans l’esprit (je me suis surpris à chanter en chœur le refrain de Beautiful Beast, morceau que j’ai du écouter trois fois d’une oreille distraite sur Spotify). Un vrai coup de cœur.
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En attendant que les petits gars de OSLO ESS arrivent sur place (en hélicoptère!), passage en curieux devant deux monuments musicaux, ou en tout cas présentés tels quels par le programme.

Premier arrêt devant les vétérans de DE PRESS, qui auraient apparemment pondus l’un des tous meilleurs albums de rock norvégien de l’histoire, Block to Block, qu’ils ont accepté de jouer en intégralité durant leur concert (un peu comme la tournée de Metallica pour les 20 ans du Black Album, sauf que celui là, tout le monde le connaît). Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Steinkjer est le seul festival dans lequel l’auguste groupe se produira cet été, exclusivité mondiale donc.

Verdict: il faut parfois savoir rester sur son piédestal de groupe culte, surtout quand on n’a pas le niveau d’autrefois. Peu d’énergie, et encore moins de synergie entre les musiciens du groupe (dont les ¾ ne sont pas d’origine), la palme revenant ex aequo au chanteur Andrej Nebb, dont la vague ressemblance avec the Edge (le bonnet) et sa manie de bastonner un pauvre fût de la Statoil même pas sonorisé (donc ça fait clong au lieu de faire boum) constituent les seuls caractéristiques marquantes; ainsi qu’au guitariste visiblement aussi novice dans le groupe que stressé, trop concentré sur son pupitre à partoches pour décocher ne serait-ce qu’un seul regard au public.

Second round avec une des têtes d’affiches du festival, les Polonais de BEHEMOTH. À ce qu’il paraît, ce serait des références mondiales du death metal, style musical que j’avoue volontiers ne pas bien connaître. La Norvège ayant donné au mouvement metal underground quelques uns de ses groupes les plus emblématiques, ces grands malades de Mayhem en tête, la présence du quator de Gdansk à Steinkjer n’était finalement pas si surprenante, même s’ils détonnaient pour le moins avec le reste de la programmation.

Mais même dans un des pays berceaux du death, coller ces zigues en dernier concert de la grande scène était un choix un peu trop osé, les quatre cavaliers de l’apocalypse ne jouant que pour une grosse poignée de fans massés devant la scène, le reste du public observant le spectacle à une distance prudente, assis dans les gradins ou sur la pelouse. Pas vraiment un accueil à la hauteur de ce que ces pointures méritaient, mais après deux morceaux aussi mélodiques qu’un concassage de parpaings au marteau-piqueur, je décidais moi aussi de battre en retraite. Il faudra aussi m’expliquer pourquoi la plupart des groupes de death se déguisent en croquemitaines s’ils veulent qu’on les prenne au sérieux (surtout que quand le public n’est pas au rendez vous, impossible de faire une blague pour détendre l’atmosphère).

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Minuit, Oslo Ess entre en piste. Portés par une section rythmique montée sur ressorts, un frontman au charisme punk rock indéniable et un solide noyau de fans agglutinés aux premiers rangs (avec moi au milieu, ouille), la quintette capitale réussit enfin à tirer quelque chose du jusque là placide public de Steinkjer. Ça aurait même pogotté derrière moi que ça ne m’étonnerait pas.

Le show est carré et sans temps mort, avec juste ce qu’il faut de spontanéité et de bonne humeur manifeste pour qu’on ne soupçonne pas de pilotage automatique (exception faite du clavier/harmonica, qui ne se fit pas prier pour quitter la scène une fois ses parties jouées). Indéniablement un groupe de live qui sait quoi faire et qui aime le faire, mais qui aura sans doute beaucoup de mal à faire son trou à l’extérieur de la Norvège (chanter en norvégien n’aidant pas vraiment à exporter sa musique).

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Une heure du mat’, et si le soleil ne montre toujours pas de signe de fatigue, tous les festivaliers ne peuvent pas en dire autant. Après sept heures de musique non stop et d’allers retours incessants d’une scène à l’autre, les jambes sont lourdes et les esprits vidés. Il faudra cependant puiser dans ses réserves pour faire honneur au dernier groupe du vendredi (ou au premier du samedi?), les MONGO NINJA, emmenés par leur leader Kristopher Schou, une légende de l’underground norvégien réputé pour absolument TOUT donner à chaque concert (selon mon indispensable programme).

Malheureusement pour moi, qui m’attendait à de l’Oslo Ess dopé au redbull et à la nicotine, j’ai eu en fait droit à du Behemoth d’intérieur, les costumes en moins (quoique, le guitariste arborait une magnifique double cartouchière digne d’un western spaghetti). Trop crevé pour pouvoir apprécier « l’offrande » de Mr Schou, sorte de Joe Strummer post-nuke, et de ses acolytes à sa juste valeur, je suis parti avant d’avoir pu constater s’il donnait vraiment absolument tout. Du peu que j’en ai vu, ça en prenait le chemin.

Au final, une première journée dont l’apex, prévisible, fut atteint dès le premier concert, mais remplie de bonnes surprises (et de quelques déceptions, incompréhensions ou incompatibilités, mais rien de grave).