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STEINKJERFESTIVALEN 2012 (ja, jeg elsker dette landet) – PART 2

Poursuivons sur notre lancée avec la suite (et fin) de l’article dédié à la revue du Steinkjerfestivalen 2012. Au programme, de belles découvertes, des confirmations, une ambiance toujours aussi agréable et un temps presque aussi idéal que la veille… Willkommen til Norge!

JOUR 2

De retour sur les lieux du crime quelques heures plus tard (je ne peux pas vraiment dire le lendemain car: 1) le concert de Mongo Ninja commençait à 1h du matin 2) il n’y a pas eu de nuit à proprement parler entre vendredi et samedi), prêt pour une journée encore plus dense.
Pendant que les jeunes têtes blondes (on ne peut pas dire « les têtes blondes » tout seul en Norvège, vu que 95% de la population se retrouve dans cette catégorie, sans distinction d’âge) s’amusent dehors, retour sous le pavillon de la NTE Scenen, pour un tour d’échauffement avec l’école de musique locale.
En France, ce genre de prestation inclut généralement beaucoup trop de violons stridents et de clarinettes faussées pour être cataloguée dans la catégorie des spectacles mémorables, mais heureusement pour nous, l’antenne de Steinkjer ne semble carburer qu’au bon vieux rock des familles. Ou alors, ils ont interdit aux instrumentistes plus « traditionnels » de venir.

Quoiqu’il en soit, les quelques spectateurs réunis pour l’occasion, surtout les familles des jeunes performers à en juger par la moyenne d’âge plutôt élevée, ont le droit à une petite heure de spectacle pendant laquelle les reprises de standard s’enchaînent gentiment. On a même eu quelques soli de très bonne facture, preuve que la nouvelle génération pousse déjà derrière pour se faire sa place au soleil.

Les quatre heures suivantes sont consacrées à une sorte de tremplin musical pour jeunes (et moins jeunes) groupes locaux, certains prometteurs, d’autres moins.
20 minutes chacun, devant un public encore plus épars que pour la première partie du show, d’où un désappointement très compréhensible de la part de certains musiciens, pas forcément enchantés d’avoir cramés leur samedi pour jouer un gros quart d’heure devant vingt personnes. Coup de cœur personnel pour les BAD INFLUENCE, et surtout pour leur chanteuse guitariste, qui du haut de ses 16-17 ans, assure déjà comme une bête au manche.


Juste le temps de repasser à la supérette pour acheter de quoi tenir jusqu’à la fin de la journée (façon de parler), et on se place en embuscade devant l’église de Steinkjer pour le deuxième concert dans l’auguste bâtisse. Tant pis pour SIGURD JULIUS et sa bande, qui avaient pourtant l’air d’être prometteurs, mais la « Spotify Battle » scandinave entre ce dernier et LONEY DEAR (suédois) s’est soldée par une victoire nette et sans bavures du deuxième larron. En plus, comme la NTE Scenen se trouve à 50 mètres à tout casser de l’entrée de l’église, les premières chansons ne sont pas perdues pour tout le monde. Une prochaine fois peut-être.

Retour dans le sein du saint des saints, et interrogation: le bon Loney va-t-il réussir à embarquer son public aussi complètement que Susanne Sundfør la veille? Le défi est de taille, surtout que, fidèle à son nom de scène, ce cher Loney joue en solo, et sans installation lumineuse.
Il arrive sans crier gare par le fond de l’église, salue, s’assoit et… enlève ses gros godillots, révélant une splendide paire de chaussettes turquoises. Sacrilège? Non, car dès qu’il empoigne sa 12 cordes et commence à chanter, c’est bel et bien un petit miracle qui se produit dans l’enceinte consacrée. Même le pauvre Jésus cloué sur sa croix près de l’autel retient son souffle, suspendu aux loops de voix, de guitare et de percussions surperposés par le Jam Man du prophète hobbo.
Sublimé par la superbe acoustique du lieu, les morceaux de Loney Dear s’enchaînent avec une lente majesté, partant à chaque fois d’un unique accord, d’une simple note, voire de l’écho de l’un ou l’autre, sur lesquels le Loney brode de délicats motifs de cordes, rehaussé d’éclats de sa voix extraordinaire.
Encore un concert qui passe beaucoup trop vite, et dont on ne sort pas indemne (ni mon portefeuille d’ailleurs, un stand de merchandising ayant été judicieusement installé à la sortie de l’église). Seule consolation, il devrait repasser par Paris en octobre (dixit lui-même). Vraiment un grand moment.


Direction ensuite la Klubbscenen, pour voir les SVARTLAMON HARDKOR, chorale masculine jouissant d’une grosse réputation dans les parages. Seulement, ils devaient jouer dans un univers parallèle, car la scène reste vide et impossible de leur mettre la main dessus.
C’est la charmante GABRIELLE qui servira de lot de consolation, juchée sur une grande scène décorée de manière beaucoup plus girly que pour le show de Behemoth. Sans surprise, le public est essentiellement composé de teenagers et de leur chaperons, qui reprennent en chœur le tube de la donzelle, Ring Meg (rien à voir avec le titre de Blondie), avant de courir se faire dédicacer l’album au stand.
Comme ses prédécesseurs Polonais, la Lorie arctique a bien du mal à remplir la fosse, malgré un show « à l’américaine », avec uniforme et chorégraphie. Reste la bonne humeur manifeste d’être là et de partager avec ce moment avec ses fans, qui compense largement ce petit couac.

Dans le chapitre des comparaisons musicales entre la France et la Norvège, il est temps d’aller applaudir le Didier Super viking, alias BARE EGIL BAND.
Autant l’avouer tout de suite, assister à un show de chansons humoristiques en norvégien, ce n’est pas une perspective totalement emballante pour quelqu’un qui ne parle pas la langue. Mais Egil, avec son look de capitaine Haddock mâtiné de John Weathers (le batteur Gallois de Gentle Giant, allez voir Proclamation pour prendre la mesure du personnage) et son goût pour les reprises extrêmes (sa version du Poker Face de Lady Gaga, jouée avec son groupe Hurra Torpedo mérite aussi le coup d’oeil) constitue à coup sûr l’une des attractions du festival, il aurait été dommage de passer à côté du phénomène. Et quand il se présente sur scène en robe et perruque afro, on se dit qu’on a bien fait de laisser Gabrielle pour voir ça.

Bon, le fait est qu’après qu’on ait vu ça et écouté deux-trois chansons, on se lasse assez vite de ne pas comprendre les blagues, apparemment excellentes, qu’Egil balance régulièrement au public. C’est donc sans trop de regret qu’on quitte la scène NTE pour Rismelen et SONDRE LERCHE, véritable star nationale à la carrière déjà longue et prolifique (6 albums studios depuis 2001, et coach dans The Voice Norway).
J’ai écouté, j’ai pas trop accroché. Le gars a beau être doué, il manque à ses chansons le petit truc qui embarque l’auditeur et laisse une empreinte durable dans son cerveau. Comble de déveine pour Sondre, il commence à pleuvoir en plein milieu de son set, drainant une partie non négligeable de son public vers les scènes couvertes, dont la NTE, où EL CUERO se prépare à dégoupiller.
Le concert, un concentré de blues rock bien tassé servi à la louche par un chanteur guitariste gaucher touchant sérieusement sa bille, part sur de bonnes bases, mais comme je me suis promis d’aller voir BENDIK en priorité et que le show du trio electro planant commence à peine une demi heure plus tard, je laisse tomber le cuir en plan et taille la route vers la Klubbscenen pour avoir une bonne place.

Découverte via la playlist Spotify du festival, la musique de Bendik a été un coup de foudre immédiat, en particulier le céleste Stille, qui est le genre morceau dont on checke immédiatement le nom quand on l’entend pour la première fois. Manque de pot, ils ne la joueront pas cette fois ci, mais compensent par d’autres perles prog-pop basées sur la combinaison éprouvée claviers + batteries.
La chanteuse Silje Halstensen a bien une guitare entre les mains, mais rien à faire, pas une note ne ressort par dessus les nappes de synthé distillées par son complice Erlend Elvesveen et les frappes de mules du batteur Eivind Helgerød, qui finira par perdre une cymbale dans la bagarre.
Visiblement un peu stressés au début du set, notamment Silje, qui évite soigneusement de regarder le public, les Bendik gagnent progressivement en assurance, mis en confiance par un public amical et curieux.
Répertoire limité oblige, le set ne s’éternise pas, mais confirme le potentiel du trio, dont l’album devrait sortir (en Norvège) le cinq octobre.

Sacrifiés sur l’autel du placement stratégique, j’ai du faire une croix sur les MONTEE (encore un nom de groupe 100% français… Le chauvin en moi aime), qui sonnaient pourtant comme l’un des meilleurs groupes power pop du moment. Je n’ai plus qu’à les convaincre de venir faire une date à la Maroquinerie ou au Point Éphémère à la rentrée pour corriger cet impair.
Mais quand la sororité suédoise de BASKERY appelle, impossible de résister, surtout que j’avais du les sacrifier elles aussi en mai dernier pour pouvoir aller voir les Waterboys au Bataclan (la vie ne serait-ce qu’une course à  la réparation des torts passés? C’est effrayant). Bref, il me fallait une bonne place pour le show de Greta, Sunniva et Stella Bondesson, les trois frangines les plus country-punk de la planète.

Plébiscitées après leur précédent passage au Steinkjerfestivalen l’année dernière, les Baskery arrivent sur scène prêtes à en découdre et livrent un show débridé, encouragées par un public manifestement averti et amateur. Cerise sur le gâteau, Sunniva choisit de s’adresser à la foule entre les morceaux en anglais plutôt qu’en suédois/norvégien, permettant à votre serviteur d’enfin comprendre quelque chose et de crier, rire et applaudir au bon moment. Si si, ça compte.

23h. La grille de programmation a été volontairement nettoyée pour que le public converge de lui-même vers la Rismelen et le concert de LA tête d’affiche du festival, j’ai nommé KAIZERS ORCHESTRA , aka « le premier groupe norvégien non underground a bien s’exporter à l’étranger depuis A-ha ». Bon, pour être tout à fait honnête, je ne pense pas que les Kaizers soient encore vraiment connus hors de la Scandinavie pour le moment, surtout que le chanteur Janove Ottesen ne chante pas en bokmål ou en nynorsk (les deux langues officielles du pays) mais en dialecte Jæren, une variante locale du premier. Bref, il est à peu près aussi probable que Kaizers Orchestra fasse vraiment son trou en France que d’attendre que les Cowboys Fringants percent à Oslo, mais on s’en fout.

Le style musical du groupe, à la confluence du rock, du baltringue et des orchestres des Balkans (Kusturica like), est indéniablement un des points forts de ce dernier, surprenant constamment l’auditeur par de nouvelles trouvailles mélodiques et déglingos. Ajoutez à cela une belle énergie partagée par tous les membres de la bande (en particulier le chanteur et les deux guitaristes) et un sens et une science certains du show et de l’exploitation de l’univers baroque développé par le groupe au fil des années (dernier projet en date, la trilogie Violeta Violeta, dont le dernier « tome » sortira en novembre prochain) et vous comprendrez sans peine pourquoi les Kaizers sont considérés comme une des meilleures formations « live » du moment.
Et pour une fois, le public de la grande scène se donne à fond et participe activement au show, ce qui ne gâche rien. Après une heure et demie d’un show mené tambour battant et logiquement conclu par le tubesque Hjerterknuster, il est pourtant temps de rejoindre pour la dernière fois la Klubbscenen pour les deux derniers concerts du festival, THE HEDVIG MOLLESTAD TRIO et EL DOOM & THE BORN ELECTRIC

Autant le dire tout de suite, le jazz n’est pas vraiment ma tasse de thé, aussi quand je vois des noms de groupes avec « Trio » dedans, j’ai tendance à passer mon chemin (l’exception confirmant la règle étant le John Butler Trio – Tryo ne compte pas -).
Circonstance atténuante, Hedvig Mollestad et ses acolytes ont certes un nom jazzy, mais une composition clairement typée rock : pas de saxophone, de clarinette ou de piano ici, rien que l’indémodable combo guitare-(contre)basse-batterie. Et puis après la claque nommée Bad Influence reçue en pleine face en début d’après-midi, je voulais voir si le nom guitar hero pouvait une nouvelle fois être transposé au féminin.
À en juger par le placement du public dans les derniers rangs de la salle, je n’étais pas le seul à nourrir quelques arrières pensées jazzophobes (Carla Bley Band, brrrrr) avant que le concert ne débute, mais comme le dit le poète, il n’y a que deux types de musique, la bonne et la mauvaise, et quand on se retrouve face à trois virtuoses (mention spéciale à la contrebassiste/bassiste, à la facilité carrément écœurante) au sens du groove implacable, la décision est vite prise. J’aime pas le jazz, mais ça, j’aime bien.


Enfin, les derniers braves debout (c’est le moment du festival où on connaît de vue 90% des gens dans le public) se tiennent prêts à jeter leurs ultimes forces dans la bataille pour accueillir comme il se doit El Doom & The Born Electric, combo plutôt que groupe à proprement parler puisqu’on y retrouve le vétéran du rock norvégien Ole Petter Andreassen (aka El Doom, charmant nom de scène), déjà impliqué dans plusieurs projets musicaux (The Cumshots, Thulsa Doom), mais également le lead guitare et le batteur de El Cuero (voir ci-dessus), et même Hedvig Mollstad, qui si elle est citée dans la composition du groupe en qualité de guitariste et organiste, était manifestement trop occupée à ranger ses affaires pour participer au concert de ses petits copains.
En guise de digestif pour cette édition 2012, El Doom et ses mercenaires servent une double dose de rock puissant et charpenté, avec un arrière-goût prog’ qui pourrait être assimilé à du Rush, du Purple ou du Yes (sans claviers) par moments.
Imperturbable sous son chapeau de Texas Ranger, l’El Doom me fait l’effet d’un Johnny Hallyday scandinave : homme de show plutôt que de chant, avec une guitare comme accessoire plutôt que comme instrument. À en juger par l’extase du premier rang, le type est véritablement une légende parmi les cercles initiés, dont je ne peux pas prétendre faire partie. De là (et de la fatigue accumulée) la pensée pernicieuse que les Born Electric pourraient très bien, voire mieux,  s’en sortir sans El Doom en frontman

2h30 pétantes, la dernière note de guitare s’étiole et disparaît dans le néant. Fin du festival, retour à la tente sous cette p****n de clarté, dont le cerveau parviendra finalement à faire abstraction assez longtemps pour grappiller quelques heures de sommeil.

THERE AND BACK AGAIN

Au final, expérience très positive de ce petit musical dans le grand nord Européen. Aucun problème au niveau du voyage, de l’hébergement ou de la vie sur place à déplorer, un temps vraiment estival et des bons concerts à la pelle.
Petit regret personnel, ne pas avoir pu mettre en pratique les notions de norvégien développées dans les mois précédents le voyage (j’avais même acheté une méthode Assimil), car même s’il est assez facile de se faire comprendre, il est en revanche très ardu de comprendre la réponse de son interlocuteur (toujours cette histoire de dialecte). L’anglais offre une solution bien plus pratique au final, les norvégiens étant effectivement tous très bons dans la langue de Shakespeare.

Evidemment, une telle escapade dans la périphérie européenne a un coût assez important (130 euros le pass 2 jours, 500 euros de transports…) sans compter que la Norvège est un pays riche, et donc un pays cher (mais si on s’en tient au SPAR local pour la nourriture et qu’on ne multiplie pas les extra, la différence avec la France reste faible). Les artistes programmés sont indéniablement bons, mais sauf coup de cœur ou coup de tête irrépressible, venir jusqu’à Steinkjer pour les voir jouer n’est pas ce qu’on pourrait appeler un choix rationnel. Pour ma part, je n’ai pas eu à regretter mon voyage, mais mon cas est certainement un peu extrême.
En résumé, on n’a pas raté sa vie de festivalier si on n’a pas fait au moins une fois le Steinkjerfestival, mais passer à côté si on a la possibilité de le faire « en extra » serait vraiment très dommage.