Archives du blog

THE BOXER REBELLION @ LA FLECHE D’OR (05.10.2013)

Samedi 5 Octobre, Paris. 12ème édition de la Nuit Blanche. Que faire? Où aller? Qui voir? Sur les berges de Seine, l’esprit de Karlheinz Stockhausen sera convoqué par hélicoptères interposés, tandis que Cai Guo-Qiang mettra le feu au fleuve depuis un bateau mouche. Sur le canal St Martin, instants de vie moyen-orientaux sur grand écran, aire de jeux géante et concerto sous-marin. Ménilmontant se transformera en moteur de recherche aléatoire alors que Belleville sera hantée pour une nuit par un épouvantail en chapeau melon. Dans le Marais, blindtest ornithique et forêt fantasmée occuperont les riverains jusqu’aux premières lueurs. Réaction philistine: les itinéraires fléchés, c’est bien, les flèches en elles-mêmes, c’est mieux. Surtout si les flèches en question sont dorées. Conclusion logique et imparable: Nuit Blanche à la Flèche d’Or. Ca sonne plutôt pas mal cette affaire. 

Si on avait laissé aux petites mains de la mairie de Paris le soin de rédiger le descriptif de la soirée organisée au 102 bis rue de Bagnolet, nul doute que la notion bassement terre à terre de « concert rock » aurait été remplacé par quelque chose de plus flamboyant, comme par exemple « performance sonique en trois actes et trente-deux tableaux de l’école contemporaine britannique ». On l’a donc échappé belle. Loin de la fièvre et du tumulte artistico-hype agitant la capitale en cette nuit si particulière, la Flèche d’Or proposait donc ce qu’elle sait faire de mieux, c’est à dire une affiche savoureuse et thématique, regroupant à la fois stars sous-cotées et icônes en devenir, dans un cadre décontracté et chaleureux.

Christof 1Premier à s’élancer, le duo CHRISTOF (rien à voir avec l’auteur des Marionnettes) ouvrit les festivités avec un set folk bien rôdé à défaut d’être follement original. Picking omniprésent, harmonica, contrebasse et mélancolie à fleur de peau: un tenace sentiment de déjà vu (ou plutôt, déjà entendu) comme disent nos cousins d’outre Manche enveloppa la prestation du tandem de la première à la dernière note. Avec trois EP à son actif, dont le dernier en date, Love’s Glory, était sur le point d’être commercialisé au moment de cette virée parisienne, Christof mérite toutefois d’être jugé, comme la plupart des artistes folk, sur ses efforts studio plutôt que sur ses prestations live, à plus forte raison lorsque ces dernières sont effectuées en sous effectif (le lineup « officiel » du groupe incluant, outre Christof van der Ven à la guitare et Andrew D. Smith à la contrebasse, Edwin Ireland au violoncelle). Une petite reprise prise tout à fait au hasard pour vous en convaincre:

.

Venus eux aussi avec un EP (To Be Alive) à promouvoir et en formation resserrée (deux membres sur les cinq que compte le groupe), les BROTHERS & BONES – une référence au roman de James Hankins? – s’installèrent à leur tour sur scène pour un tour de chant 100% acoustique, expérience d’autant plus intéressante que la bande du christique Richard Thomas aime en temps normal faire un maximum de bruit (comme tous les groupes qui ont un batteur et un percussionniste, je pense). Le premier morceau du set, Gold And Silver, interprété par Rich en solo, aurait pu déboucher sur un affreux malentendu entre B&B et votre serviteur, tant le sieur Thomas se complut à jouer la carte du « lover à guitare » durant les quelques quatre minutes que dura cette ballade introductive: voix très travaillée, paroles à la poésie franchement surannée, yeux mi-clos, pose affectée… Roch Voisine, sort de ce corps.

Brothers & Bones 1'

Fort heureusement, l’arrivée de James Willard (et de sa guitare) vint rapidement corriger cette mauvaise impression initiale. Si (Just Another) Man In Need présentait elle aussi quelques traces d’émotion surjouée, le To Be Alive, morceau titre de l’EP que le duo aurait aimé pouvoir proposer à la vente si seulement les PTT anglais n’étaient pas aussi pourris, interprété juste après démontra enfin l’énorme potentiel de Brothers & Bones en matière d’hymnes rock, avec un Rich Thomas revendiquant très clairement sa filiation (vocale) avec Eddie Vedder himselfLong Way To Go, également tiré de ce dernier EP, avait lui aussi une touche de Pearl Jam franchement assumée, pour le meilleur. On The Run déplaça le curseur de la référence correctement digérée du côté du blues, et plus précisément du It’s Probably Me de Sting et Eric Clapton. Pas mal du tout. Back To Shore et son avalanche de guitares, puis I See Red et ses chœurs catchy à souhait donnèrent enfin deux bonnes raisons supplémentaires d’attendre le retour du groupe, au complet cette fois, à Paris en Février 2014. À vos agendas.

Setlist Brothers & Bones:

1)Gold And Silver 2)(Just Another) Man In Need 3)To Be Alive 4)Long Way To Go 5)On The Run 6)Back To Shore 7)I See Red 

.

The Boxer Rebellion 4Le dernier concert donné par THE BOXER REBELLION dans une salle parisienne remontait, au moment où le quatuor prit possession de la scène de la Flèche d’Or, au 17 Décembre 2011 (encore un samedi). Presque deux ans d’abstinence pour les fans français donc, laps de temps durant lequel le groupe a sorti un nouvel album studio, son quatrième, sobrement intitulé Promises; successeur très attendu de l’excellent The Cold Still dont les nombreux tubes avaient propulsés Nathan Nicholson, Todd Howe, Piers Hewitt et Adam Harrison sous les feux de la rampe. Ce fut d’ailleurs le plus populaire de ces classiques, Step Out Of The Car, qui ouvrit le set, comme lors du concert de la Maroquinerie vingt deux mois plus tôt. Pourquoi changer une intro qui claque? En revanche, les énormes spots installés au fond de la scène constituaient une nouveauté, et pas des plus bienvenues, le déluge lumineux engendré par ces monstres s’apparentant plus à un test de dépistage de l’épilepsie grandeur nature qu’à un accompagnement harmonieux du morceau. Fort heureusement, ce genre d’intervention lumineuse à défaut de brillante ne fut que ponctuellement utilisée au cours de l’heure et quart que dura le concert, sans quoi la Fédération des Aveugles de France aurait sans doute constaté un pic de souscriptions le lundi suivant.

Flashing red lights mean argh

Flashing red lights mean argh

.

The Boxer Rebellion 5La Flèche d’Or constituant la 19ème date européenne de The Boxer Rebellion en à peine vingt-quatre jours, tournée elle-même précédée d’un périple nord américain assez conséquent, le groupe proposa un show rôdé à la setlist impeccable, alternant entre nouveaux titres extraits de Promises (Take Me Back, Diamonds ou encore New York, détourné en Paris par Nathan Nicholson sur le dernier refrain) et pépites plus anciennes issues de The Cold Still (The RunnerNo Harm), Union (Semi Automatic, Spitting Fire et l’incontournable Evacuate) et Exits (We Have This Place Surrounded et Watermelon en guise de conclusion du set). Sur les planches de l’estrade, Nathan alterna entre guitare, claviers et petits mots pour le public, sautillant au cours des morceaux comme un boxeur à l’entraînement, tandis que ses acolytes déroulaient leur partition avec une précision née de la pratique (même si Tedd Howe fit atterrir Spitting Fire légèrement hors des clous). Dans cette situation, il fallut attendre l’intervention d’un héroïque anonyme du public pour injecter un peu de folie à une prestation impeccable mais un peu trop contrôlée. À deux reprises, l’innocent trublion hurla à plein poumons quelque chose comme « You have the best drummer in the world! », donnant l’occasion à Nathan de broder un peu sur la perche ainsi tendue (oui on peut broder sur une perche, la preuve), et plaçant le discret Piers Hewitt au premier plan pour quelques instants.

.

Un peu moins porté sur les guitares que le concert de la Maroquinerie, en grande partie à cause de la prédominance de Promises (sept morceaux) et de ses claviers omniprésents, le set de la Flèche d’Or se termina dans une douceur confortable (You Belong To Me/Keep Moving/Fragile, ça vous calme son homme), à peine troublée par un conclusif Watermelon, rappelant à l’audience les premières amours de The Boxer Rebellion pour le rock alternatif. Il était cependant hors de question que le groupe quitte la France sans un rappel digne de ce nom, qui fut demandé et obtenu avec ferveur par un public dont certains membres étaient venus de loin pour applaudir le quatuor. Les trois dernières chansons du groupe, chacune tirée d’un album différent, firent office d’anthologie condensée de l’œuvre de TBR, débutée par le tout récent Always, poursuivie par le mature Both Sides Are Even (dédiée à Francis Zegut par le groupe, sans doute en remerciement de ses bons et loyaux services dans la promotion de ce dernier dans l’Hexagone*) et terminée par le classique et vénérable The Gospel Of Goro Adachi (l’auteur de la théorie des « rivières temporelles » ou le sauteur à ski? le mystère reste entier). Ite, missa est.

*: Pop Rock Station by Zegut, l’émission des sculpteurs de menhirs, des cages à miel et de Love Like Blood de Killing Joke, vous connaissez?

Setlist The Boxer Rebellion:

1)Step Out Of The Car 2)Semi-Automatic 3)Take Me Back 4)The Runner 5)New York 6)Evacuate 7)Spitting Fire 8)We Have This Place Surrounded 9)Diamonds 10)No Harm 11)You Belong To Me 12)Keep Moving 13)Fragile 14)Watermelon

Rappel:

15)Always 16)Both Sides Are Even 17)The Gospel Of Goro Adachi

The Boxer Rebellion 2'

.

Paris, 5 Octobre 2013, 23h30 environ. La Nuit Blanche se termine doucement à la Flèche d’Or, tandis qu’elle se poursuit ailleurs dans la capitale. Rien n’interdit d’enchaîner sur de nouvelles performances culturelles, si le cœur vous en dit. Mais ce serait courir le risque de diluer le souvenir tout frais d’une soirée en compagnie d’un groupe majeur, essentiel même, de la scène rock actuelle et, partant, il est loin d’être sûr que le jeu en vaille la chandelle. Après tout, il faudra peut-être attendre encore deux ans pour que The Boxer Rebellion revienne jouer à Paris… Bref, autant jouer la carte de la prudence et ne pas risquer l’écrasement mémoriel que pourrait entraîner une éventuelle boulimie artistique. À chaque jour suffit sa peine, et à chaque nuit suffit son rêve, fut-il éveillé.